Société

Extrême pauvreté: à quand la fin de la faim ?

Un Mauricien sur dix vit sous le seuil de pauvreté et ne parvient pas à s’offrir un repas décent au quotidien, selon le bureau de statistiques. La Journée mondiale de l’alimentation, ce vendredi 16 octobre, est une occasion de méditer sur la lutte contre la faim.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"2679","attributes":{"class":"media-image size-full wp-image-3524","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"344","height":"493","alt":"Kelly Gaspard"}}]] Kelly Gaspard: « J’ai peur de ne rien avoir à donner à manger à mes enfants. »

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/div> Un sac d’outils sur la tête, le corps cambré pour garder l’équilibre, Kelly Gaspard avance, le regard vide. Il est 13 heures et cette mère de famille de 27 ans est debout depuis 4 heures du matin. Tous les jours, avant l’aurore, elle quitte sa maison à Rose-Belle pour se rendre à vélo dans un champ de cannes à Mare-Tabac. Son maigre salaire n’est pas suffisant pour payer les dettes et son mari est au chômage depuis quelque temps déjà. Pour acheter de quoi nourrir ses trois enfants, la jeune femme doit consentir à d’énormes sacrifices. Il y a des jours, dit-elle, où elle n’a d’autre choix que d’aller se coucher l’estomac vide. Comme celle de Kelly, de nombreuses familles de diverses régions du pays vivent dans une situation précaire. Si certains ont pu avoir un toit au-dessus de leur tête, leurs marmites vides crient toujours famine. En effet, malgré la lutte contre la pauvreté extrême, plus de 126 200 Mauriciens ne peuvent pas s’offrir un repas décent. C’est ce que démontrent les chiffres du bureau des statistiques. Pour la journée mondiale de l’alimentation, observée ce vendredi 16 octobre, l’accent est mis l’ensemble de moyens qui vont faciliter l’accès à des denrées alimentaires, d’en acheter voire même d’en produire…

« Aide-toi, le ciel t’aidera »

  À 59 ans, Shakoun Sahadeo, habitant Roche-Bois, n’a pas peur de se salir les mains pour nourrir sa famille et avoir une source de revenus stable. Elle élève une dizaine de poules pondeuses dans son arrière-cour. Elle ne se nourrit pas uniquement d’œufs et de poulet à chaque repas, mais elle parvient à survivre et à se permettre des repas équilibrés grâce à l’argent de la vente des œufs. La quinquagénaire semble certes affaiblie par l’âge, mais elle ne baisse jamais les bras : « Aide toi et le ciel t’aidera. Je ne peux pas attendre les bras croisés et mourir de faim. Il faut faire des efforts pour mériter son pain et ne pas attendre qu’il tombe du ciel. » Kelly Gaspard n’hésite pas à parcourir des kilomètres vers un champ abandonné pour cueillir légumes et brèdes, afin de ne pas mourir de faim. « C’est un stress permanent. J’ai peur de ne rien avoir à donner à manger à mes enfants. Ce fardeau est très lourd à porter », nous confie la jeune maman. Ce problème n’est cependant pas sans issue, fait ressortir Eric Mangar. Pour le président du Mouvement de l’autosuffisance alimentaire (MAA), il est tout simplement inadmissible que des dizaines de familles luttent toujours contre la faim. « À Mau-rice, la situation n’est pas aussi alarmante que dans les autres pays de la région. Toutefois, on doit se rendre à l’évidence : notre système alimentaire comporte de nombreuses lacunes », soutient-il.

Situation pas désespérée

Selon notre interlocuteur, nous dépendons dange-reusement des aliments transformés, disponibles sur les rayons des supermarchés. « Le prix des aliments n’est pas toujours à la portée de tout le monde. Notre économie est bien trop centrée sur les déve-loppements à outrance et très peu d’attention est accordée à l’autosuffisance alimentaire », déplore-t-il. Eric Mangar ajoute que le terme "autosuffisance alimentaire" n’a pas encore toute sa pleine signification à Maurice. « C’est difficile d’être auto-suffisant sur le plan alimentaire, car il y a un manque de ressources et, compte tenu de la mondialisation du commerce, on se concentre sur les items les plus rentables sur le court terme », dit-il. S’il est toujours difficile d’atteindre l’autosuffisance, Eric Mangar soutient que la situation est préoccupante, mais pas désespérée. « On peut toujours atteindre la sécurité alimentaire en assurant que chaque famille produise en partie sa nourriture. Il existe des moyens très novateurs qui rendent possible la culture de légumes bio et l’élevage de poules à un faible coût. C’est, à mon avis, un moyen d’atteindre la sécurité alimentaire et une solution efficace pour lutter contre la faim », dit-il. Selon le président du MAA, plus de 1 500 familles de Gros-Cailloux, Vuillemin, Petite-Rivière et Résidence Barkly, entre autres régions, sont engagées dans la production de légumes dans des conteneurs en plastique. D’autres s’adonnent à la production d’œufs.
 

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"2681","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-3526","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"388","height":"388","alt":"Famine dans le monde"}}]]Dans le monde: 795 millions de personnes souffrent de la faim

  La lutte contre la faim et la malnutrition est un fléau qui affecte de nombreux pays dans le monde. Selon les chiffres compilés par le Programme alimentaire mondial (PAM), une association qui combat la malnutrition, 795 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, soit une personne sur neuf. Ce sont les pays en voie de développement qui sont les plus touchés, environ de 13,5% de leur population étant sous-alimentée. L’Afrique subsaharienne est la région la plus touchée, avec une personne sur quatre qui est mal nourrie. La faim tue 3,1 millions d’enfants de moins de 5 ans chaque année, ce qui représente 45% des causes de décès. Au total, 66 millions d’enfants vont à l’école le ventre vide, dont 23 millions en Afrique. Selon les estimations du PAM, il faut 3,2 milliards de dollars américains pour nourrir les 66 millions d’enfants qui souffrent de la faim.
 

Alain Auriant, Baz Manz N Coup: « Les préjugés ralentissent notre combat »

Alain Auriant, du Mouvement Forces Vives de Rose-Belle, milite pour l’éradication de l’extrême pauvreté dans le sud du pays. Il affirme que de nombreuses familles dans cette région vivent dans des situations très précaires.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"2682","attributes":{"class":"media-image size-full wp-image-3528","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"344","height":"493","alt":"Alain Auriant"}}]] Alain Auriant

N’ayant pas de moyens ou de source de revenus stable pour subvenir à leurs besoins, certaines ne savent plus à quelle porte frapper. Toutefois, le travailleur social nous explique que la lutte contre la pauvreté n’est pas un sujet à prendre à la légère. Selon lui, il faut un changement de mentalité et, surtout, de regard sur les nécessiteux. « De nombreuses familles hésitent à chercher de l’aide, car elles ont peur des préjugés. Ceux-là ralentissent notre combat. Dans la société actuelle, nous avons la fâcheuse tendance d’associer la pauvreté à la paresse. Or, il ne faut pas oublier que ceux qui se retrouvent en difficulté ne le sont pas par choix. Ils veulent sortir de la misère mais ils disposent que très peu de moyens pour y arriver. Notre rôle n’est pas de leur donner du poisson, mais de leur apprendre à pêcher », dit-il. C’est ainsi que le Mouvement Forces Vives de Rose-Belle sous la houlette d’Alain Auriant a mis en place le centre ’Sa Nou Vize’ et ’Baz Manz N Kou’ pour aider les familles dans le besoin. « Il faut de l’action et non des promesses. Par ailleurs, il faut trouver des mesures concrètes pour lutter contre la faim. Dans un pays moderne comme le nôtre, il est impensable que des familles aillent dormir le ventre vide », dit-il.
 

Manzer Partazer: Lutte anti-gaspillage

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"2683","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-3529","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"789","height":"505","alt":"Manzer Partazer"}}]] Il fallait y penser. Il y a tellement de nourritures gaspillées dans le pays que cela devrait suffire à nourrir ceux qui ont faim. Pour combattre la faim et le gaspillage, l’Allemande Julia Venn et l’Italien Davide Signa ont décidé de créer une association à but non lucratif – Manzer Partazer – afin de venir en aide aux personnes dans le besoin. Ainsi, de nombreux restaurateurs et hôteliers ont répondu positivement à cet appel. Les fondateurs de l’association collectent de la nourriture pour la redistribuer aux familles nécessiteuses. Julia Venn et Davide Signa affirment que toutes les normes sanitaires sont respectées, lors de la collecte et de la distribution des repas.

Preesheela A., 51 ans, SDF: « On ne mange pas si son enfant a faim »

Preesheela et sa fille de 9 ans se sont retrouvées à la rue du jour au lendemain. « Mon compagnon nous a mises à la porte et, heureusement, quelqu’un a bien voulu nous accueillir pendant quelques jours », nous confie la quinquagénaire. La lutte contre la faim, elle connaît. « Ce n’est pas facile de sortir de la pauvreté. Quand vous êtes veuve, comme moi, sans instruction, avec un enfant sur les bras, les portes restent fermées. Quand finalement on arrive à trouver un emploi, on se rend compte qu’on se tue au boulot sans jamais pouvoir joindre les deux bouts. Parfois, on n’a rien à manger. On mendie. On est chassé. Les gens menacent de faire appel aux autorités pour vous enlever votre enfant. Alors, nous n’avons pas le choix, on reste à la maison, le ventre vide. Quand j’ai un peu de sous, je choisis de ne pas manger pour nourrir mon enfant. Quand on est maman, on ne mange pas si son enfant a faim », témoigne-t-elle.

Ils expliquent que toutes les mesures de sécurité conformes au Food Act sont respectées à la lettre pour éviter tout risque de contamination. Ce projet qui vise aussi à combattre la malnutrition est de plus en plus adopté par les restaurateurs et hôteliers qui, grâce à un contrat signé avec l'organisation, évitent tout problème légal. Il y est ainsi mentionné qu'ils ne sont plus responsables une fois que la nourriture quitte leurs locaux.
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