Live News

Critique des magistrats : de la liberté à l’outrage

La libération sous caution de Bruneau Laurette, le 27 février, n’a pas été au goût de tous.
Publicité

La frontière entre la critique et l’outrage est mince, font comprendre les avocats Antoine Domingue et Rishi Pursem. Depuis la libération de Bruneau Laurette sous caution, certains avocats et la magistrate de la cour de Moka sont pris pour cibles.

antoine
Me Antoine Domingue, Senior Counsel.

Les juges et magistrats peuvent-ils être soumis à la critique publique ? « Oui », répondent les Senior Counsel (SC) Antoine Domingue et Rishi Pursem. Toutefois, il est important de faire la démarcation entre critiques et insultes, sous peine de commettre un outrage à la cour ou encore scandaliser celle-ci, soulignent-ils. 

La polémique enfle après les critiques ayant suivi la décision de la Senior District Magistrate de Moka, Jade Ngan Chai King, de libérer sous caution l’activiste Bruneau Laurette. Le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) a également été visé après sa décision de ne pas faire appel.
« On peut critiquer un juge ou un magistrat avec raison. Tant que la personne qui critique reste courtoise et que les critiques sont soutenues par des raisons », fait comprendre Me Antoine Domingue.

Le Senior Counsel revient également sur la fameuse bande sonore circulant actuellement, sur laquelle des propos virulents sont tenus à l’encontre de la magistrate Jade Ngan Chai King. Il fait remarquer que le Premier ministre Pravind Jugnauth n’a pas encore réfuté ces propos qui lui ont été attribués lors d’une sortie à Surinam. Pour l’homme de loi, ce sont « des insultes et non des critiques ». « Dire à une magistrate qu’elle est incompétente et que son jugement est ‘bancal’ ou encore qu’elle ne connaît pas la loi, relève d’injures », estime-t-il.

rishi
Me Rishi Pursem, Senior Counsel.

Me Antoine Domingue explique que quand c’est le chef du gouvernement qui porte ce genre d’accusation, cela remet en question « le principe de séparation des pouvoirs ». Il rappelle que « le Premier ministre est le garant de la Constitution ». De fait, en agissant de la sorte, « la perception est qu’il fait pression sur la justice ». 

D’autant que le commissaire de police Anil Kumar Dip, poursuit le Senior Counsel, a demandé à la Cour suprême l’autorisation de contester la décision du tribunal de Moka de relâcher Bruneau Laurette sous caution. Me Antoine Domingue insiste : la liberté du citoyen ne concerne pas le Premier ministre, mais uniquement le judiciaire.

Il y a une distinction à faire, renchérit Me Rishi Pursem. « On peut critiquer l’approche d’un juge ou d’un magistrat, si on pense qu’ils ont appliqué à tort un principe de droit. Les critiques de bonne foi, dans le cadre d’un débat d’intérêt public, sont permises. Toutefois, s’attaquer personnellement à un juge ou encore porter un jugement de valeur sur son intégrité ou celle d’un magistrat de sorte à discréditer l’administration de la justice, c’est s’exposer à un outrage à la cour », prévient-il. 

La Cour suprême détient le pouvoir inhérent de juger une personne pour outrage à la cour. Il y a deux types d’outrage à la cour, indique Me Rishi Pursem. Le premier cas concerne un acte outrageant commis dans la salle d’audience en face du juge ou magistrat. Le second cas concerne le DPP qui peut déposer une demande devant la Cour suprême. « Il faut savoir que l’outrage à la cour est considéré presque comme un délit criminel. L’article 18 C du Courts Act stipule que la Cour suprême est habilitée à écouter une motion pour outrage à la cour. Une demande en ce sens est présentée par voie de motion, accompagnée d’un affidavit. » 

Outrage à la cour : ce que dit la loi

L’article 18 C du Courts Act aborde les sanctions auxquelles s’expose une personne qui commet le délit d’outrage à la cour (contempt of court). Le texte de loi se lit ainsi : « Where the Supreme Court, on a motion made to that effect supported by affidavit, finds that a person has committed a contempt, the court may 

(a) sentence that person to imprisonment for a term not exceeding one year or to a fine not exceeding Rs 300, 000; 

(b) make such other order as it thinks fit ».

Propos diffamatoires : Le Bar Council condamne, les autorités alertées

Le mardi 21 mars, le Bar Council s’est réuni en réponse à une requête de Me Antoine Domingue et de douze autres avocats. Ils ont demandé au Bar Council d’adopter une résolution condamnant publiquement les attaques contre l’ancien chef juge Eddy Balancy, le DPP Rashid Ahmine, l’avocat Shakeel Mohamed, ainsi que la Senior District Magistrate de Moka, Jade Ngan Chai King.

L’affaire concerne des commentaires faits sur la page Facebook Sun TV News en réaction à la décision de la magistrate Jade Ngan Chai King de libérer l’activiste Bruneau Laurette, le 27 février 2023. Ainsi que des commentaires visant des avocats du bureau du DPP. Initialement, la libération de Bruneau Laurette avait été suspendue le 23 février, à la suite de l’objection émise par le DPP. Cependant, le DPP s’est ravisé ultérieurement et a abandonné son objection, ce qui a permis la libération sous caution de l’activiste, le 27 février.

Expliquant la décision de s’en remettre au Bar Council, Me Antoine Domingue souligne qu’il s’agit avant tout « de mettre fin aux dérapages survenu depuis le 25 février 2023 ».

Le Bar Council a, pour sa part, qualifié de « choquantes » les publications de la page Facebook Sun TV News à l’encontre de certains membres du judiciaire. Condamnant ces attaques, la présidente du Bar Council, Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul, a, lors d’un point de presse mardi, annoncé avoir sollicité une rencontre avec le commissaire de police Anil Kumar Dip à ce sujet. Une lettre devait également être envoyée à la chef juge Rehana Mungly-Gulbul, ainsi qu’au président de la République, Prithvirajsing Roopun.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !