Société

Journée mondiale de la tolérance - Handicapés: le dur combat pour un emploi

Faire tomber les préjugés et leur ouvrir les portes du monde du travail. En marge de la journée mondiale de la tolérance, célébrée le 16 novembre, nous revenons sur le sort des handicapés et sur leur intégration dans le monde du travail. Elles réclament leur droit au travail et à celui de ne pas être victime de discrimination. Malgré les nombreuses mesures prises par les divers gouvernements cette dernière décennie, l’intégration professionnelle des personnes souffrant d’un handicap reste difficile. La Training and Employment of Disabled Persons Act de 1996, amendée en 2012, stipule pourtant que toute entreprise comptant plus de 35 employés est obligée de réserver 3 % de ses postes à des handicapés. Mais combien respectent la loi ? Le problème du rejet reste sous-jacent, profondément ancré dans les mentalités. Les blocages se situent à plusieurs niveaux. Dans son discours-programme, le nouveau gouvernement s’était engagé à poursuivre la mise à exécution  des droits des personnes handicapées comme le recommande la convention des Nations Unies sur les handicapés, dont Maurice est signataire. Cet accord veut que soit promue l’employabilité de ces derniers et que la formation nécessaire en ce sens soit offerte.

Monde du Travail

Alors qu’il existe une cellule au sein du ministère de la Sécurité sociale, le Training and Employement of Disabled Persons Board, dont l’objectif est de les aider à mieux s’intégrer dans le monde du travail, d’autres institutions prennent les devants pour soutenir les personnes handicapées, notamment Business Mauritius, anciennement MEF, et Inclusion Mauritius, une fédération regroupant une douzaine d’ONG oeuvrant pour le droit au travail des handicapés. Business Mauritius s’est engagée depuis 17 ans à aider les handicapés à trouver leur place dans le monde du travail. Elle a formé près de 150 personnes à travers le MEF CSR Fund, entièrement financé par des entreprises du secteur privé. L’objectif : rendre les personnes handicapées plus employables afin qu’elles puissent éventuellement sécuriser un emploi.

Intégration

Au fil des ans, cette institution a instauré des formations et introduit des placements en entreprise. « Nous allons vers un changement des mentalités et nous assistons à une meilleure intégration des personnes handicapées », insiste Business Mauritius. Un avis que ne partage pas Inclusion Mauritius. Elle estime que « c’est un travail de longue haleine qui doit être mené, même si les portes du marché du travail s’ouvrent peu à peu ». Cela grâce à certaines entreprises telles que KFC, gagnant du National Disability Excellence Award 2014, qui a  mis en place un programme de soutien pour encourager l’intégration de personnes handicapées, . « Théoriquement, il y a des changements, mais en pratique, les cas de discrimination subsistent. Le handicap joue en défaveur de ces personnes malgré leur potentiel. Beaucoup d’employeurs manquent de discernement et doutent de leurs aptitudes professionnelles », déplore Pooja Gopee, coordinatrice de projet à Inclusion Mauritius. [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]

Les lacunes du recensement

« Que fait donc le Training and Employment of Disabled Persons Board (TEDPB) ? » s’interrogent de nombreuses institutions. Les statistiques de 2011 indiquent que 8 400 handicapés, sur un total de 40 790 recensés, auraient décroché un emploi. Depuis, aucun nouveau recensement n’a été effectué. Les membres de Business Mauritius se disent sceptiques quant à la performance du TEDPB. « La liste de personnes handicapées cherchant de l’emploi n’a pas été mise à jour depuis des lustres. Nous dénonçons ce manquement depuis longtemps. Nous estimons que cette liste  est essentielle et doit être mise à jour régulièrement », déplore Dhiruj Ramluggun, Head Training and Development Division à Business Mauritius. « Il ne suffit pas d’adopter des lois, si nous ne trouvons pas les ressources. Lors d’une grande conférence sur l’employabilité des personnes handicapées tenue cette année, ce sont les chiffres de 2011 qui ont été présentés. Nous ne disposons pas de chiffres sur la prévalence du nombre de personnes handicapées à Maurice. C’est une grave lacune, car connaître la prévalence permet une prise en charge, d’offrir une prestation adaptée. Elle permet d’avoir une idée du genre de projet applicable selon les types de handicap », explique Pooja Gopee. L’une des tâches du TEDPB est de tenir un registre complet des handicapés, afin de les former dans des filières spécifiques, selon les exigences des éventuels employeurs et du marché de travail. Contactés par le Défi Quotidien pour avoir leurs commentaires, ni le ministère de la Sécurité sociale, ni la TEDPB n’a donné suite à nos sollicitations après une semaine d’attente.

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Business Mauritius: vers une intégration dans la société

  Manoj Aubeeluck, chargé de cours à temps partiel à Business Mauritius, en est à sa troisième session de formation avec des étudiants souffrant de handicap. Une vingtaine de jeunes et de moins jeunes suivent à son cours. Attentifs et appliqués, rien ne laisse paraître, au premier abord, qu’ils sont handicapés. Le thème abordé, l’éthique du travail, suscite de nombreuses questions et les échanges fusent entre étudiants et chargé de cours. La formation au sein de Business Mauritius est étalée sur quatre mois. Elle traite de modules essentiellement conçus pour augmenter l’employabilité de ces personnes, notamment le management et le ‘personal grooming’. « Tout au long du programme, les participants sont suivis par un psychologue qui les encadre moralement. Ce soutien psychologique est très bénéfique car il permet aux participants de forger leur caractère et d’être plus confiants pour mieux affronter la société. À la fin de la formation, les participants sont placés en entreprise pour leur permettre d’acquérir une expérience du travail », souligne Dhiruj Ramluggun, Head Training and Development Division à Business Mauritius. Il précise que plusieurs des participants ont été embauchés en raison de leur bonne performance à l’issue de leur placement en entreprise. Lors de ces stages, les participants acquièrent l’expérience requise sur le marché du travail. Ils côtoient les chefs de département et d’autres employés. Ils travaillent en équipe, ce qui permet d’évaluer leur propre degré d’adaptation. Certains désistements des participants ont été notés : pour des raisons de santé ou par manque de volonté, quelques participants n’ont pas poursuivi leur route dans le monde du travail.  
   

Pooja Gopee, coordinatrice de projet pour Inclusion Mauritius

 
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Qu’est-ce que la tolérance envers les personnes handicapées ? La tolérance passe avant tout par le respect et l’acceptation des personnes handicapées. Cela permet de les intégrer progressivement sans les bousculer. Les personnes handicapées se sentent motivées et encouragées par une acceptation normale sur leur lieu de travail. Comment Inclusion Mauritius aide-t-elle à une meilleure intégration des personnes handicapées depuis 2003 ? Inclusion Mauritius a pour mission d’identifier les besoins des personnes handicapées et de leurs familles. Nous misons aussi sur le ‘capacity building’ des jeunes ‘self advocates’ afin de changer le regard de la société (‘mindset’), pour mieux intégrer les personnes souffrant d’un handicap intellectuel et leurs familles dans les communautés. Nous regroupons les ONG qui oeuvrent pour les handicapés à travers un réseau qui coordonne leurs actions. La fédération Inclusion Mauritius m’a recrutée comme coordonnatrice de projet pour promouvoir les projets de développement dans ce secteur. Ces personnes reçoivent-elles des formations adéquates? Au niveau de la formation il existe également des barrières. Les formations qualifiantes ne sont pas accessibles, car les critères d’entrée ne correspondent pas au système d’éducation des personnes ayant un handicap. Cela bloque automatiquement les opportunités. À cause de cette inaccessibilité à la formation, elles n’ont pas la chance d’accomplir le travail qu’elles souhaitent. Le choix des formations est très limité. C’est pourquoi Inclusion Mauritius a créé le groupe SAIM-Self advocate inclusion Mauritius  depuis 2014, où nous encadrons les personnes handicapées dès leur plus jeune âge. Nous nous basons sur des conventions onusiennes pour les éduquer et leur faire prendre conscience de leurs droits. Nous recherchons la collaboration de partenaires qui comprennent les enjeux, et sont prêts à recruter des personnes ayant un handicap. Former les personnes handicapées, certes, mais qu’en est-il des employeurs et des employés ? C’est pour cette raison que les ONG qui ont de l’expérience en la matière doivent être sollicitées pour partager leur expertise sur l’approche à adopter selon les divers types de handicap. La mise en place d’un ‘guideline’ est essentielle pour gérer les problèmes liés aux personnes handicapées dans le monde du travail. Ce ‘guideline’ peut être le fruit d’une collaboration entre le ministère du travail et les ONG. La sensibilisation des employeurs et des employés est primordiale, car cela permettra de comprendre les handicaps et de mieux les  gérer sur le lieu de travail.  
 

Témoignages

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Raj, 20 ans: « J’aimerais lancer mon business »

« J’ai commencé à travailler à l’âge de 19 ans. J’ai été Administrative Assistant durant cinq mois pour acquérir une première expérience. J’ai beaucoup appris de ce job. Cela m’a permis de découvrir le monde du travail. Je m’entendais bien avec mes collègues, il y avait une bonne ambiance. Je savais que cette expérience m’aiderait plus tard. Je préfère travailler dans une compagnie privée. J’aimerais me spécialiser dans le management et, par la suite, lancer mon propre business ».  
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Dilchand, 39 ans: « Je rêve de vendre mes propres légumes »

« J’ai décroché mon emploi chez Winners à travers la Global Rainbow Foundation. À la base, je voulais suivre des cours en informatique. Je suis assez débrouillard, je n’ai pas peur de travailler. Lorsqu’on m’a offert l’opportunité de travailler chez Winners, j’ai tout de suite saisi cette opportunité de pouvoir faire mes preuves. J’avais suivi des cours en agriculture auprès de l’AREU, j’ai décroché mon certificat haut la main. Mon rêve serait d’avoir mon lopin de terre, de cultiver et vendre mes légumes ». [row custom_class=""][/row]
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Donovan Amadis, 25 ans: « On m’avait pourtant promis de me rappeler… »

« J’ai perdu l’usage d’une jambe cinq jours avant mes examens de School Certificate (SC). Je porte aujourd’hui une prothèse. Les jours de pluie, je n’allais pas à l’école, j’ai commencé à perdre espoir. Toutefois, ma famille m’a encouragé et j’ai réussi à mes examens. Hélas, malgré de multiples requêtes, on ne m’a pas laissé poursuivre mes études, en raison de mon âge. J’ai donc suivi des cours en informatique. J’ai travaillé comme technicien dans un magasin très connu. Je ne leur avais pas précisé que j’avais un handicap. Un jour, on m’a demandé de soulever des boîtes : j’ai dû évoquer mon problème. Ils ont promis de me rappeler, ils ne l’ont jamais fait. Aujourd’hui, je suis sans emploi. »
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