Economie

Femme et emploi : ces Mauriciennes touchant un salaire de misère

Près d’un demi-siècle après l’indépendance et en dépit du fait que le pays ait beaucoup progressé sur le plan économique, certaines de nos compatriotes touchent toujours des salaires de Rs 1 500 à Rs 2 000 mensuellement. Le point en cette 40e année de la célébration officielle de la Journée internationale de la femme.

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Une situation intenable. Malgré ses sept années de service, Diana, employée d’une compagnie de nettoyage privée et postée dans une école primaire du gouvernement, est toujours sous contrat et touche un salaire de Rs 2 000 par mois. « Si je continue à travailler, c’est qu’après la cinquantaine, il me sera difficile de trouver un emploi », dit-elle. Et tous les jours, elle prend son mal en patience en attendant que sa situation s’améliore un jour. Sa tâche quotidienne est de balayer la cour, laver les vitres et autres travaux de nettoyage.

« Officiellement, je dois travailler trois heures par jour mais, dans la pratique, je dois bosser aussi longtemps qu’il y a des choses à faire. Et je ne suis pas payée pour les heures supplémentaires », déplore notre interlocutrice. Mais Diana garde espoir d’autant plus qu’après un long combat syndical, les nettoyeuses des toilettes travaillant pour les Parent Teachers Associations bénéficient maintenant d’un salaire de Rs 8 000 par mois. « Que faire avec Rs 2 000 par mois ? Ou rant dan bazar, Rs 1 000 fini ar aste legim », poursuit-elle.

Diana n’est, toutefois, pas la seule à vivre avec un salaire de misère. C’est le cas notamment de Sylvie, qui travaille dans une compagnie de la zone franche. « Depuis plus d’une quinzaine d’années, je me tue au travail pour des clopinettes », se plaint-elle. Elle explique que si elle trouve toujours la force à travailler, c’est parce qu’elle doit subvenir seule aux besoins de son enfant, étant mère célibataire. « Je dois effectuer des heures supplémentaires pour pouvoir acheter des vêtements neufs pour mon enfant », dit-elle.

Domestique

Le cas de Devi nous interpelle également. Cette femme d’une cinquantaine d’années travaille comme domestique chez trois familles différentes pour subvenir aux besoins de sa famille. Ancienne employée de la zone franche, elle fait partie de la masse des licenciés au début de l’an 2000, suivant le démantèlement de l’accord Multifibre. Elle est restée sans travail pendant des mois. « J’ai frappé sans succès à la porte de plusieurs usines pour avoir un emploi », dit-elle.

Résignée, elle a finalement accepté de faire le repassage pour le compte d’une famille, à raison de deux fois par semaines et pour un salaire de Rs 700 par mois. Satisfait de son travail, son employeur l’a recommandée à une autre famille. Par la suite, elle a pu trouver une troisième chez qui faire le repassage. Elle affirme qu’au total, elle peut toucher jusqu’à Rs 3 000 par mois. Parfois, elle effectue d’autres travaux pour ces familles, ce qui lui permet d’arrondir ses fins de mois, dit-elle.

Manifestation syndicale le 10 mars

Une manifestation syndicale est prévue pour le 10 mars pour dénoncer la situation précaire de femmes à Maurice. Elle coïncide avec la Journée internationale de la femme, qui sera célébrée le 8 mars. La marche démarrera du siège de la CTSP à Rose-Hill, à 14 h 30, pour se diriger jusqu’au monument des travailleurs à la place Margéot.

Encore une année pour le salaire minimal ?

Le conseiller technique de la CTSP, Emmanuel Edoo, dénonce, pour sa part, la situation précaire des femmes qui travaillent dans certains secteurs à Maurice. Il cite notamment la zone franche, le Sea food hub et autres entreprises qui, dit-il, brassent des millions de roupies de profit par an. « Certes, le gouvernement a institué un comité sur l’introduction d’un salaire minimal au niveau national. Mais doit-on encore attendre une année pour connaître ce qu’on va nous proposer », peste-il.

Il attire aussi l’attention sur le fait que plusieurs Remuneration Orders n’ont pas été révisés depuis des années. Parmi, il cite celui de la zone franche dont la dernière révision remonte à 1984.

Jane Ragoo : « Les femmes contribuent énormément à l’économie »

Jane Ragoo se dit « outrée » qu’à une époque où le gouvernement compte investir des milliards dans le métro Express, des Mauriciennes continuent à vivre avec des salaires de misère. La présidente de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP) estime que les gens ne cessent de s’appauvrir. « Des salariés touchant Rs 12 000 par mois ne cessent de se plaindre de l’érosion de leur pouvoir d’achat… Comment vivent ces mères de famille avec Rs 2 000 par mois ? », se demande la syndicaliste.

Elle cite le dernier Price Index de la CTSP, qui indique que les dépenses alimentaires ont augmenté par Rs 467 entre novembre 2015 et novembre 2016 pour une famille composée de deux adultes et deux enfants. Elle a aussi tenu à rendre hommage à ces milliers de Mauriciennes qui font le ménage à la maison et qui ne perçoivent pas de salaire. « Ces femmes contribuent énormément à l’économie au même titre que d’autres travailleurs. »

Jane Ragoo encourage les hommes à donner une partie de leur salaire à leur épouse, car c’est grâce à elles, qu’à leur retour du travail, ils ont un repas chaud et que leurs vêtements sont repassés. Elle ajoute qu’au CTSP, les ménagères sont considérées comme des travailleurs à part entière et sont, de ce fait, éligibles pour faire partie du Credit-Union de la confédération syndicale.

 

 

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