Finies les fêtes. Petit à petit, la vie reprend son cours normal. Toutefois, après les réjouissances, c’est toujours le calme plat, surtout au niveau du budget. Janvier, semble-t-il, est le mois le plus long de l’année.
Hajjeemeerudin Balladin, employé dans une compagnie d’externalisation des processus d’affaires (BPO), est marié depuis cinq mois. Pour la première fois cette année, il passe les fêtes en compagnie de son épouse. La vie à deux représente de nouvelles responsabilités. Le budget familial était bien établi, mais décembre est venu tout chambouler.
« Chaque fin de mois, nous dépensons Rs 4 000 pour nos produits ménagers. Pour le mois de décembre, on a déboursé pas moins de Rs 7 500, sans compter le budget pour les sorties, les cadeaux et, bien évidemment, les factures. Nous avons largement dépassé nos limites. Nous allons, devoir nous serrer la ceinture pour affronter le mois de janvier », nous confie le jeune marié. Les sacrifices concernent principalement les sorties. « Les samedis, mon épouse et moi, avons l’habitude d’aller dîner au restaurant. Mais nous ne pouvons nous permettre cela en janvier. Il nous faudra un budget additionnel. Nous allons devoir rester à la maison ».
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"7939","attributes":{"class":"media-image wp-image-13301","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"346","alt":"Balladin"}}]] Le couple Balladin.<
/div>
Hajjeemeerudin a tout prévu depuis décembre. « Nous avons déjà réglé toutes les factures dès que nous avons reçu nos salaires et nos bonis de fin d’année. Certains attendent la dernière minute pour payer leur note, puis c’est la mauvaise surprise : il ne leur reste plus d’argent. Nous avons aussi acheté notre stock alimentaire. Ce qu’il nous reste à faire, c’est d’attendre les prochains salaires pour recommencer à vivre normalement », rigole-t-il.
Cette situation que vivent le jeune homme et son épouse ne fait pas rigoler tout le monde. Shirley Doomun, mère de famille et ancienne ouvrière d’usine, a perdu son emploi en 2015, après 21 ans de service. Quand la fabrique avait déclaré faillite, Shirley et les autres employés n’ont rien reçu en termes d’indemnités. Après 21 ans, c’est la première fois que Shirley ne reçoit ni salaire, ni boni de fin d’année pour le mois de décembre. Un coup dur qu’elle a du mal à accepter.
« D’habitude, j’achète un souvenir pour ma maison chaque décembre. Je fais aussi plaisir à mes enfants après l’obtention de mon boni de fin d’année. Mais je n’ai rien reçu cette année. Mon époux travaille, mais ce que je gagnais était un plus pour faire bouillir la marmite ».
Aujourd’hui, janvier est pour Shirley, synonyme de privations. « Je vais devoir consentir à d’énormes sacrifices pour ce premier mois de l’année. Pour ce qui est des provisions, je vais devoir les gérer minutieusement, tout en se serrant la ceinture. Janvier 2016 sera plus dur que les précédents. J’ai monté mon propre atelier de couture, mais il roule au ralenti pour l’instant. Je dois veiller au grain ».
Même situation du côté de Chantal Marivel, femme au foyer. Le mois de décembre a été pour cette mère de famille une période où elle a beaucoup dépensé.
« Rien qu’avec les provisions, j’ai déboursé pas moins de Rs 5 000, sans compter les autres frais. J’ai une adolescente de 16 ans et il a fallu lui trouver des habits neufs. De nos jours, les jeunes filles préfèrent des vêtements griffés. Décembre m’a coûté pas moins de Rs 10 000 », nous raconte Chantal.
Cette mère de famille nous confie que chaque année, le mois de janvier, elle ne le vit pas, elle le subit. « Chaque année, je dois trouver de l’argent pour le matériel scolaire de ma fille. Cette année, je n’en ai pas encore acheté car elle a pris part aux examens du School Certificate et elle attend ses résultats. Pour mes autres enfants, ils obtenaient les résultats du SC en février, ce qui m’accordait un mois de répit en janvier. Mais cette année, les résultats sont attendus en janvier. Dès qu’elle les aura, je dois voter un budget pour le matériel scolaire. Les livres scolaires pour le Higher School Certificate coûtent plus cher. Je ne sais plus comment nous allons faire pour affronter janvier », soupire Chantal.
Il y a aussi ceux qui ont connu des mois de janvier difficiles mais qui ont décidé de ne pas commettre les mêmes erreurs que les années précédentes. C’est le cas de Jimmy, la trentaine. Il se souvient parfaitement de janvier 2012. « Pour les fêtes de décembre 2011, j’avais dépensé mon boni et mon salaire en quelques jours. J’avais fait la fête pendant au moins dix jours de suite. J’ai payé à boire et à manger pour tous mes amis. J’ai acheté des cadeaux à des prix exorbitants pour mes proches. C’était de la folie, mais je n’y pensais pas ».
Au mois de janvier, Jimmy n’avait presque plus rien. « Je me souviens que mon épouse était très en colère. Il n’y avait plus rien à manger à la maison. Heureusement qu’on n’avait pas d’enfant. Pour ne pas mourir de faim, j’ai dû contracter un prêt auprès d’une banque pour finir le mois de janvier sans contrainte financière ». Cette année, Jimmy a fait preuve d’un grand sérieux, d’autant que son épouse a accouché de leur premier enfant, une fille, il y a tout juste quelques mois.
« Cette année, j’ai mis de côté une bonne partie de mon boni au cas où en janvier il nous manquerait quelque chose. En plus, j’ai déjà acheté les produits alimentaires pour le mois de janvier. Le bébé a ses boîtes de lait et ses couches. Un ouf de soulagement pour moi ! » s’exclame-t-il.
Publicité
Michel Hardy, président de l’Apea: « Essentiel de faire un budget »
Le mois de décembre signifie forcément achats compulsifs. Ces courses, parfois démesurées, provoquent l’endettement, voire le surendettement, chez les Mauriciens. Michel Hardy, président de l’Association pour la protection des emprunteurs abusés (APEA), met en garde. « Les employés ont obtenu deux salaires pendant le mois de décembre: le boni et le salaire normal. Si les salariés ne savent pas utiliser à bon escient tout cet argent, ils se retrouveront sans le sou en janvier. Le conseil que je peux donner, c’est de faire un budget. Un planning qu’ils doivent suivre minutieusement. Depuis décembre, ils doivent établir ce qu’ils vont faire de leur argent. Comme on est tenté d’acheter beaucoup de choses en décembre, on doit ménager nos dépenses. En faisant un budget, les gens sauront combien ils peuvent débourser pour les fêtes et combien ils peuvent économiser pour janvier ». Michel Hardy conseille de ne pas céder à la tentation. « On est souvent tenté d’acheter des choses, dont on n’a pas vraiment besoin. Il faut savoir dire non. Les choses que nous voulons acheter doivent être utiles. Il faut savoir résister à la tentation. Ce n’est pas parce qu’on dispose d’un 13e mois qu’il faut tout dépenser. Il faut aussi éviter la vente à tempérament et les crédits à zéro dépôt. Si en décembre, il n’y a rien à payer, en janvier il fuadra mettre la main à la poche ».Suttyhudeo Tengur: « Il faut économiser une partie du boni »
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"7463","attributes":{"class":"media-image wp-image-11953","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"300","alt":"Suttyhudeo Tengur"}}]] Suttyhudeo Tengur
Le président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (Apec) fait ressortir qu’il y a beaucoup de facteurs qui peuvent expliquer comment un salarié, qui a reçu son salaire en plus de son boni pendant le mois de décembre, peut se retrouver en difficulté pendant le mois de janvier.
Suttyhudeo Tengur explique que l’évolution fait que les Mauriciens dépensent beaucoup plus lorsqu’ils célèbrent les fêtes de fin d’année.
« Avant, les familles se réunissaient autour d’un repas à la maison. Ce qui coûtait moins cher. Aujourd’hui, les sorties dans les restaurants, les séjours dans les hôtels ou encore les voyages à l’étranger sont très prisés. Toutefois, cette nouvelle façon de fêter nécessite un budget ».
Autre facteur: la flambée des prix en décembre, selon le président de l’Apec. « Pendant les fêtes, les commerçants affichent une hausse de prix. Les consommateurs doivent examiner les prix pour éviter de se faire arnaquer. Avec le boni de fin d’année en poche, les salariés ont tendance à dépenser sans compter et c’est ainsi qu’ils se retrouvent sans argent en janvier ».
Suttyhudeo Tengur prévient les salariés que janvier peut être dur s’ils ont tout dépensé en décembre. Il conseille aux Mauriciens « d’économiser une partie de leur boni de fin d’année pour ne pas se retrouver sans le sou en janvier ».Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !