Inégalités salariales : les principales causes

Inégalités salariales

Dans son rapport « Mauritius Adressing Inequality through more equitable labour markets » publié cette semaine, la Banque Mondiale fait une analyse des causes de l’inégalité salariale à Maurice.

Publicité

L’inégalité salariale est largement attribuée aux changements structurels intervenus dans le monde du travail durant ces 15 dernières années.  La transition des secteurs traditionnels (agriculture et manufacturier) aux secteurs des services a entraîné dans son sillage une demande accrue pour des travailleurs qualifiés que le marché du travail ne peut fournir. C’est cette inéquation entre l’offre et la demande qui explique que ce sont les salariés les plus qualifiés et compétents qui sont les mieux rémunérés.

Entre 2004 et 2005, leurs salaires par heure de travail a connu une hausse de 31% contre 15.8% pour ceux qui ont un faible niveau d’éducation secondaire et 22.2% qui ont complété le cycle primaire.

Selon le rapport de la Banque Mondiale (BM), les progrès économiques qu’a connus le pays entre 2001 et 2005 n’ont pas été équitablement rétribués. « The period between 2001 and 2015 was characterized by substantial economic growth and yet limited shared prosperity and increasing inequality. The Gini coefficient of household income increased form 0.37 in 2001 to 0.42 in 2015(+15.4%) peut-on lire dans le rapport.

La BM conseille aux autorités de faire une évaluation des compétences actuelles et pour les besoins à venir, suivie d’autres mesures dans l’éducation et au niveau de la formation professionnelle.

Les principales conclusions du rapport

  • Les revenus entre les 10% des plus riches et des plus pauvres ont augmenté par 37%.
  • L’écart salarial s’est creusé par trois fois entre les 10% des ménages les plus riches et les plus pauvres.
  • 98% des inégalités sont attribuées aux salaires.
  • Les inégalités salariales sont grandement attribuées à un manque de compétence.
  • La structure salariale dans le secteur privé n’a pas changé depuis ces 15 dernières années.
  • Le nombre de jeunes surqualifiés au travail est passé de 15% en 2006 à 39% en 2015.
  • Le nombre de jeunes chômeurs qui ont fait des études tertiaires ou universitaires est passé de 7% en 2006 à 40% en 2015.
  • Les Remuneration Orders ont contribué modérément à l’inégalité salariale. Selon une estimation, une augmentation de 10% des salaires régis par les Remuneration Orders, pourrait provoquer une baisse de 0.57% au niveau des emplois.  
  • Le salaire par heure de travail des femmes dans le secteur privé est inférieur à 28% comparé aux hommes.
  • Le nombre de jeunes sans emploi parmi les 16-24 ans est passé de 19% en 2008 à 25% en 2015.
  • Le taux du chômage parmi les jeunes de 16-24 ans est trois fois plus élevé que des 25-29 ans.

Réactions

Radhakrishna Sadien : «Un débat pour les hauts salaires»

Le président de la Government Services Employees Association et ancien président du National Economic & Social Council (NESC), Radhakrishna Sadien, a rappelé que les syndicats ont, à plusieurs reprises, attiré l’attention des autorités sur le fossé grandissant entre les riches et les pauvres. « Le pays qui aspire à devenir une économie à haut revenu ne peut permettre que certains de ses compatriotes vivent dans la misère. »

Radhakrishna Sadien souhaite que le gouvernement prenne des mesures dans son prochain budget pour, non seulement protéger les plus pauvres de la société, mais aussi la classe moyenne qui s’effrite d’année en année. Parmi, il cite notamment l’introduction d’un impôt gradué sur les revenus de façon à ce que les plus riches contribuent davantage à la taxe.

Il lance aussi l’idée de l’introduction d’un plafond salarial pour les hauts salaires sans pour autant affecter les professionnels. « Je souhaite qu’on ait des débats à ce sujet, car ce n’est pas possible que, d’un côté, les mieux lotis touchent jusqu’à Rs 1 M par mois alors que d’autres vivent avec des salaires de misère. »

Dev Luchmun : «Le NRB doit agir en toute indépendance»

Tout en reconnaissant que certains points, soulevés par la BM, sont pertinents, le consultant en relations industrielles et économiste de formation, Dev Luchmun, a des réserves sur d’autres. Il cite surtout les Remuneration Orders.

Commentant la position de la BM sur les Remuneration Orders, il estime que le National Remuneration Board (NRB) aurait assumé pleinement son rôle s’il ne devait pas attendre le bon vouloir du ministre du Travail pour revoir les salaires et conditions de travail dans tel ou tel secteur. Il souhaite l’introduction d’une législation afin que le NRB puisse revoir les salaires et conditions de travail pour l’ensemble du secteur privé chaque cinq ans comme c’est le cas pour le PRB.

Dev Luchmun estime qu’à travers la négociation collective, les travailleurs, soutenus par leurs syndicats, auraient pu négocier pour de meilleurs salaires. « Le problème, c’est le faible nombre de syndiqués dans le secteur du travail », dit-il. 

Il prône aussi une refonte en profondeur de la formation pour encourager davantage les jeunes à choisir la filière technique et s’adresser au problème de l’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail. A cet effet, Dev Luchmun recommande que les centres de formation locaux signent des accords avec de grands centres de formation internationaux afin que les jeunes bénéficient de la meilleure formation possible. Il souhaite aussi une redéfinition du rôle de la Youth Career Guidance de même que son transfert dans un endroit plus accessible.

Reeaz Chuttoo est en faveur de l’introduction de négociations sectorielles dans le secteur privé et de l’intégration des accords dans les Remuneration Orders respectifs afin que les salariés, syndiqués ou non, puissent en bénéficier.

Du côté du patronat, on parle de l’importance d’une corrélation entre le système d’éducation et la demande sur le marché de l’emploi. Il avance que le niveau des salaires devrait s’améliorer si les travailleurs sont mieux formés.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !