
Bien que n’ayant jamais été frappé par un tsunami de grande ampleur, Maurice a déjà connu des scénarios suffisamment préoccupants pour susciter la réflexion. La complexité des phénomènes naturels, combinée à la position géographique de l’île – influencée même par des plaques tectoniques éloignées – rappelle que tout peut basculer à tout moment. D’où l’importance de se préparer à toute éventualité.
Tsunamis et risques climatiques : une double menace pour les communautés côtières

La semaine dernière, un puissant séisme sous-marin d’une magnitude de 8,8 sur l’échelle de Richter, survenu au large de la péninsule du Kamtchatka en Russie, a déclenché des alertes au tsunami dans tout l’océan Pacifique. Les vagues du tsunami ont atteint les côtes du nord du Japon, de l’Alaska, d’Hawaï et de certaines régions de la Californie, entraînant des évacuations, des alertes d’urgence et une surveillance renforcée à travers plusieurs fuseaux horaires.
Bien que ce tsunami en particulier soit d’origine géophysique et ne soit pas directement lié au changement climatique, il rappelle de manière frappante la vulnérabilité de l’île Maurice et de ses communautés côtières. Entre la montée du niveau de la mer, l’intrusion saline déjà existante et la fréquence croissante d’événements météorologiques extrêmes tels que les cyclones et les inondations côtières, les risques climatiques viennent s’ajouter aux aléas naturels déjà existants.
Cet événement soulève de nouveaux défis pour l’île Maurice et renforce l’urgence de mettre en place des stratégies intégrées de gestion des risques, combinant des systèmes d’alerte précoce géophysiques à une planification axée sur la résilience climatique, afin de protéger les vies humaines et les moyens de subsistance dans les zones côtières du monde entier.
Les plaques tectoniques : une nuisance naturelle invisible
C’est quoi les plaques tectoniques ? Les plaques tectoniques sont de larges plaques rigides de l’enveloppe terrestre, qui comprend la croûte et la partie supérieure du manteau (appelée lithosphère). Ces plaques reposent sur une couche rocheuse plus tendre (appelée l’asthénosphère) et à écoulement lent, située en dessous, et se déplacent progressivement au fil du temps, un peu comme des icebergs dérivant à la surface de l’océan.
Il existe sept plaques tectoniques principales, dont la plaque Pacifique, la plaque eurasienne et la plaque africaine, ainsi que de nombreuses plaques plus petites qui, ensemble, forment l’enveloppe terrestre. Si les plaques tectoniques ne sont pas intrinsèquement dangereuses, c’est le mouvement à leurs limites qui engendre l’instabilité géologique à l’intérieur de la Terre.
Ces interactions se produisent principalement de trois manières :
- Les limites divergentes : les plaques s’éloignent l’une de l’autre. Cela entraîne souvent l’expansion des fonds marins, ainsi que de légers tremblements de terre et une activité volcanique.
- Les limites convergentes : les plaques se rapprochent l’une de l’autre. Ces collisions peuvent entraîner la formation de montagnes, des éruptions volcaniques ou la subduction, où une plaque est poussée sous une autre.
- Les frontières de transformation : là où les plaques glissent l’une sur l’autre. Ces phénomènes sont généralement associés à de forts séismes dus à l’accumulation et à la libération soudaine de contraintes le long des failles.
Par essence, ce sont le mouvement et l’interaction des plaques tectoniques qui remodèlent continuellement la surface de la Terre, créant des phénomènes naturels puissants tels que les tremblements de terre, les tsunamis, les volcans et les chaînes de montagnes
L’impact dynamique de la structure interne de la Terre
Comprendre la structure interne de la Terre est essentiel, non seulement pour les géologues, mais aussi pour développer des systèmes d’alerte précoce, des stratégies de réduction des risques et des communautés résilientes face aux aléas naturels.
La Terre est composée de quatre couches principales : la croûte, le manteau, le noyau externe et le noyau interne. Chacune de ces couches possède des états physiques distincts, des compositions chimiques spécifiques et chacune joue un rôle essentiel dans la formation et l’évolution de notre planète.
La croûte est la couche la plus externe, fine et solide, sur laquelle nous vivons.
En dessous se trouve le manteau, une épaisse couche de roche semi-solide qui s’étend jusqu’à environ 2 900 kilomètres de profondeur.
Sous le manteau se trouve le noyau externe, une couche liquide composée principalement de fer et de nickel en fusion, responsable de la génération du champ magnétique terrestre.
Au centre, se trouve le noyau interne, une sphère solide composée essentiellement de fer et de nickel, maintenue à l’état solide par une pression immense malgré des températures extrêmes.
La mécanique tectonique à l’origine de la formation des tsunamis
Les tsunamis sont le plus souvent causés par des limites de plaques convergentes, en particulier dans les zones de subduction, où une plaque tectonique est forcée de passer sous une autre. Voici comment cela fonctionne :
Lorsque deux plaques convergent, la plaque océanique s’enfonce généralement sous une plaque continentale ou une autre plaque océanique ;
Au fil du temps, alors que les plaques sont verrouillées ensemble, des contraintes s’accumulent au niveau de la zone de subduction ;
Lorsque cette contrainte est soudainement libérée, généralement sous la forme d’un séisme de « megathrust » (méga-chevauchement), cela peut provoquer un soulèvement ou un affaissement soudain du plancher océanique. Ce mouvement vertical brutal du fond marin déplace une énorme quantité d’eau, générant des vagues de tsunami qui se propagent rapidement à travers l’océan.
Le cas de l’île Maurice et les tsunamis
L’île Maurice se trouve sur la plaque somalienne et doit son origine volcanique au point chaud de La Réunion. Contrairement aux régions situées à proximité des limites tectoniques, notre île est localisée à l’intérieur de la plaque, loin des zones de collision ou de subduction des plaques, généralement associées à une activité sismique importante.
Certains facteurs ont contribué à dévier et à atténuer l’impact des vagues de tsunami sur les régions côtières des îles de l’océan Indien Sud-Ouest, y compris Maurice. Il s’agit notamment de l’influence atténuante des courants océaniques le long de l’Équateur, combinée à la topographie du plateau des Mascareignes, dont certaines parties plongent jusqu’à 147 mètres sous le niveau de la mer.
Ces formations sous-marines peu profondes peuvent modifier la trajectoire des vagues de tsunami et réduire potentiellement leur énergie avant qu’elles n’atteignent les côtes insulaires.
Rodrigues est une tout autre histoire
Pour l’île Rodrigues, la situation est différente. Environ 300 km à l’Est de l’île se trouve une zone de forte activité géologique connue sous le nom de « Rodrigues Triple Junction », ainsi que la « Mid-Indian Ocean Ridge » (MIOR). Cette jonction tectonique, située à la latitude 19 degrés Sud, est le point de rencontre de trois grandes plaques tectoniques : les plaques africaine, antarctique et indienne. Il s’agit d’une région où les processus géologiques sont particulièrement actifs.
Des tremblements de terre modérés (de magnitude 5,0) se produisent fréquemment sur le plancher océanique à l’Est de Rodrigues. Toutefois, rien n’indique que ces événements aient déjà généré des tsunamis destructeurs ayant affecté l’île.
Le rôle du continent englouti sous l’île Maurice : un bienfait géologique
L’histoire commence en 2013, lorsqu’une équipe de recherche, dirigée par le Professeur Torsvik, du Centre for Earth Evolution and Dynamics (CEED) de l’Université d’Oslo, a prélevé des échantillons de sable sur une plage de l’île Maurice à des fins d’analyse géologique.
Dans certains de ces minuscules grains de roche volcanique, les chercheurs ont découvert des particules microscopiques de zircon – un minéral bien plus ancien que l’île elle-même. Cette découverte inattendue a révélé que l’histoire géologique de Maurice est bien plus ancienne que ce que l’on pensait auparavant.
Les analyses en laboratoire ont confirmé que les formations volcaniques relativement jeunes de l’île recouvrent des fragments d’une croûte continentale ancienne, autrefois rattachée à un supercontinent reliant l’Inde et Madagascar, il y a environ 85 millions d’années. Le professeur Torsvik a proposé le nom de « Mauritia » pour désigner ce continent englouti et oublié depuis longtemps.
Dans une étude plus récente, le professeur Torsvik – en collaboration avec Lewis D. Ashwal (Université du Witwatersrand, Afrique du Sud) et Michael Wiedenbeck (GFZ, responsable des analyses SIMS) – a mis au jour d’autres traces de ce continent caché sous l’île Maurice, renforçant ainsi l’hypothèse de son existence.
Les considérations sismiques ne doivent pas être négligées
Cependant, certains dangers potentiels subsistent. Bien que l’île Maurice ne soit pas située sur une limite de plaque tectonique active, les scientifiques estiment que des fragments de croûte continentale ancienne, comme « Mauritia », pourraient conserver des caractéristiques tectoniques résiduelles (par exemple, des failles ou des zones de fracture).
Bien qu’il soit peu probable que ces zones soient à l’origine de tsunamis majeurs, l’accumulation de contraintes tectoniques pourrait, en théorie, provoquer une activité sismique mineure ou influencer indirectement le comportement des vagues, en les amplifiant dans certains cas.
Cependant, certains faits ne doivent pas être ignorés. Il s’agit notamment de :
La proximité de Maurice avec la jonction triple de Rodrigues, située à environ 300 km à l’Est de Rodrigues
Cette jonction tectonique, où se rencontrent les plaques africaine, indienne et antarctique, est une zone sismiquement active. Bien que les séismes y soient rares, ils pourraient déclencher des tsunamis régionaux.
Le risque de tsunamis à l’échelle de l’océan Indien
Des événements tels que le tsunami de 2004 dans l’océan Indien (provoqué par un séisme de magnitude 9,1 au large de Sumatra) montrent que des méga-séismes lointains peuvent affecter des pays situés à des milliers de kilomètres. Maurice avait alors enregistré une activité de vagues, sans dégâts significatifs.
L’impact du changement climatique
Le fait est que même de petits tsunamis pourraient représenter des risques accrus à l’avenir, en raison du changement climatique, de la montée du niveau de la mer et de l’urbanisation croissante des zones côtières.
L’île Maurice est considérée comme présentant un risque faible à modéré de tsunamis, car elle n’est pas située sur une limite active de plaques tectoniques, ce qui signifie qu’elle est éloignée des grandes zones de subduction (comme celles situées près de Sumatra ou de la ceinture de feu du Pacifique), là où naissent la plupart des tsunamis majeurs. Cependant, elle n’est pas totalement à l’abri.
L’île bénéficie d’une certaine stabilité géologique, puisqu’elle repose sur la plaque somalienne, bien à l’intérieur de celle-ci, rendant la survenue de séismes locaux générateurs de tsunamis extrêmement improbable.
Il convient également de souligner que le plateau des Mascareignes, ainsi que d’éventuels vestiges du continent englouti « Mauritia », forment des dorsales et zones peu profondes sous-marines qui pourraient dévier, perturber ou atténuer l’énergie des vagues de tsunami avant qu’elles n’atteignent les côtes.
La principale inquiétude réside dans les tsunamis d’origine lointaine et l’activité sismique régionale à proximité des jonctions tectoniques. Dans ce contexte, la préparation, les systèmes d’alerte précoce et l’éducation du public demeurent essentiels.
L’interaction entre le continent englouti « Mauritia » et les tsunamis
L’interaction entre le continent englouti « Mauritia » et les tsunamis est subtile, mais scientifiquement fascinante. Les scientifiques estiment qu’il agit clairement comme une barrière naturelle. Bien que « Mauritia » ne soit pas directement à l’origine des tsunamis, sa structure géologique et sa topographie sous l’océan Indien Sud-Ouest pourraient influencer la manière dont les vagues de tsunami se propagent dans la région.
Certaines parties de « Mauritia », aujourd’hui enfouies sous des roches volcaniques et des sédiments marins, pourraient former des dorsales sous-marines, des plateaux ou des zones peu profondes capables de perturber ou de dévier la propagation des vagues de tsunami. Cela pourrait également réduire l’énergie des vagues avant qu’elles n’atteignent les côtes avoisinantes de l’île Maurice, ainsi que d’autres îles comme La Réunion ou les Seychelles.
Ce continent submergé pourrait jouer un rôle similaire à celui du plateau des Mascareignes, connu pour son influence sur les courants océaniques et la dynamique des vagues. Il est également scientifiquement prouvé que des croûtes continentales émergées comme « Mauritia » peuvent provoquer une réfraction des vagues, redirigeant leur énergie vers certaines zones ou éloignant d’autres.
En fin de compte, le rôle de « Mauritia » dans les tsunamis ne réside pas dans leur génération, mais plutôt dans la possibilité de moduler ou d’atténuer leur impact, grâce à ses structures géologiques submergées et à son influence sur la topographie du fond marin.
Par Sunil Dowarkasing

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