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Surveillance de masse : Une ligne rouge franchie

L'annonce de Navin Ramgoolam soulève des inquiétudes sur la protection de la vie privée et les libertés individuelles. Me Ashok Radhakissoon et Me Neil Pillay analysent les implications légales et démocratiques de cette surveillance de masse. 

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Me Ashok Radhakissoon : « Une atteinte flagrante à la vie privée » 

« Il s’agit d’un cas typique d’atteinte à la vie privée », affirme tout de go Me Ashok Radhakissoon. Il souligne que la Constitution protège les citoyens contre de telles violations. « L’interception des appels téléphoniques est illégale, sauf dans des circonstances exceptionnelles définies par l’article 32 de l’Information and Communication Technologies Act », indique l’homme de loi. Cet article, dit-il, prévoit deux exceptions principales autorisant les interceptions :

  • Sécurité et contenu illicite : Un opérateur télécom public ou l’un de ses employés peut intercepter et retenir un message s’il a des raisons de croire que celui-ci est indécent ou abusif, ou encore de nature à mettre en danger la sécurité publique.
  • Mandat judiciaire : Un juge, à la demande de la police dans le cadre d’une enquête pénale, peut émettre une ordonnance pour autoriser un opérateur public à intercepter un message ou à le divulguer à la police. Toutefois, souligne le juriste, cette procédure doit être scrupuleusement respectée. La police doit convaincre le juge en chambre du bien-fondé de sa demande en déposant un affidavit pour appuyer sa requête. Une fois convaincu, le juge autorise l’interception des appels pour une période de 60 jours. 

Cependant, Me Radhakissoon met en garde contre le risque d’instrumentalisation de la sécurité nationale. « Il incombe aux autorités de prouver l’existence d’une menace réelle et de démontrer comment elle a été détectée », dit-il. 

Si cette surveillance illégale est confirmée, les victimes ont plusieurs recours pour obtenir réparation : 

  • Action en justice : La première option est d’intenter une action au civil pour réclamer des dommages et intérêts. Toutefois, une difficulté subsiste : identifier le véritable responsable de cette interception illégale. 
  • Plainte auprès des autorités : La victime peut également déposer une plainte auprès de la police. Celle-ci peut alors mener une enquête pour identifier l’auteur de l’interception. 

Me Neil Pillay : « Ne prenez plus ce peuple pour des imbéciles ! » 

Me Neil Pillay exprime vivement ses préoccupations face à une situation qu’il considère comme une possible violation des libertés fondamentales. Il rappelle que la liberté d’expression est un droit protégé par la Constitution.  Sur le plan juridique, Me Pillay insiste sur le fait qu’aucune disposition légale ne permet une interception téléphonique massive. « L’article 32(6) de l’Information and Communication Technologies (ICT) Act prévoit des situations bien précises pour intercepter des communications dans le cadre d’enquêtes criminelles, mais il ne justifie en aucun cas une écoute à grande échelle. Aucune loi en vigueur à Maurice ne permet une telle pratique. La liberté d’expression doit primer, car c’est la base de notre démocratie », dit-il.  Il remet en cause le rôle de l’Information and Communication Technologies Authority (Icta), en posant la question : « Que faisaient les responsables de l’Icta vis-à-vis de leurs obligations sous l’article 18(1)(u) de la loi cadre ? Cet article impose à l’Icta de contrôler l’importation d’équipements capables d’intercepter des appels et autres communications. » 

Pour lui, il est impératif de clarifier les responsabilités dans cette affaire. Il va plus loin, soulignant que tout cela nous ramène à la question de la compétence, de l’intégrité et de la nécessité d’avoir une gouvernance nationale basée sur la vérité. « Assez de yes-men, de népotisme et de copinage dans les nominations », affirme-t-il fermement, ajoutant : « Place aux ‘right men in the right place’ et pas de ‘roder bout’. »

Sanctions sévères

Sur le plan pénal, Me Pillay rappelle que les sanctions sont sévères. Selon l’article 46(o) de l’ICT Act, toute interception illégale constitue un délit. « Sous l’article 47, une personne coupable pourrait se voir infliger une amende allant jusqu’à Rs 1 million et une peine de prison pouvant aller jusqu’à dix ans », précise-t-il. 

Quant aux recours possibles pour les citoyens, il admet qu’il est possible de poursuivre l’État en justice. Cependant, il met en garde contre les risques d’instabilité : « N’ouvrons pas la boîte de Pandore en ces temps de fragilité économique et financière. Nous devons aussi préserver notre tissu social. »  Il conclut en soutenant que cette situation doit être un avertissement pour le gouvernement actuel et futur : « Tirons des leçons de cette situation pour éviter que cela ne se reproduise. Ne prenez plus ce peuple pour des imbéciles ! »

 

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