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Peine de mort - Justice vs vengeance : un enjeu capital

Des appels à des peines plus sévères se sont fait entendre lors de la marche pacifique en hommage à la petite Élodie Kathalea Gaspard, dimanche 8 décembre dernier.
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Le meurtre d’Élodie Kathalea Gaspard, 7 ans, a plongé le pays dans le deuil. Ce crime, perpétré par l’ancien compagnon de sa tante, a ravivé les appels en faveur du rétablissement de la peine de mort. Cependant, cette solution extrême permettrait-elle réellement de prévenir de tels actes ?

Il y a deux semaines, la petite Élodie Kathalea Gaspard, 7 ans, a été arrachée à la vie dans des circonstances atroces, violée et tuée par l’ancien compagnon de sa tante. Ce crime a suscité une vague d’émotion et relancé le débat sur la réintroduction de la peine de mort. Mais cette mesure radicale est-elle la solution pour éradiquer la violence ?

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La criminologue Ashitah Aujayeb Rogbeer.

Les crimes pédophiles, actes odieux et inadmissibles, suscitent une profonde indignation et une demande de justice, souligne la criminologue Ashitah Aujayeb Rogbeer. La peine de mort, notamment pour les pédophiles, repose, pour certains, sur l’idée d’un rétablissement de l’équilibre moral face à des souffrances inimaginables. « Les partisans de la peine capitale avancent souvent des arguments émotionnels et moraux. Ils considèrent que la gravité des actes commis justifie une sanction extrême, qui servirait à la fois de punition exemplaire et de dissuasion », explique-t-elle. Cette perspective garantit que les criminels ne peuvent plus récidiver, ce qui offre un certain réconfort aux victimes et à la société.

La criminologue met toutefois en garde contre une approche trop simpliste. « Si la peur de la peine de mort peut sembler dissuasive, il est essentiel de considérer les contre-arguments. La question de la punition des pédophiles est complexe et doit être abordée avec nuance. » Elle rappelle que la privation de vie est une sanction irréversible et soulève de nombreuses questions éthiques et juridiques. « Les sanctions doivent respecter les droits fondamentaux des individus. Il est crucial d’éviter tout traitement cruel, inhumain ou dégradant. » 

Me Bhavish Budhoo, directeur de l’ONG Dis-Moi (Droits humains-océan Indien), abonde dans ce sens. Il rappelle que l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants, et peut également s’appliquer à la peine de mort. « Légaliser la peine de mort, c’est comme cautionner la torture », affirme-t-il. En tant que défenseur des droits humains, le directeur de Dis-Moi est totalement contre la peine capitale. 

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Me Bhavish Budhoo, directeur de l’ONG Dis-Moi.

Souvent invoquée après des crimes particulièrement atroces, la peine de mort est une « solution » qui, selon Me Budhoo, est guidée par l’émotion – la haine, la colère, etc. – plutôt que par la raison. « Nous ne pouvons pas prendre la loi entre nos mains pour mettre fin à la vie d’une personne par la peine de mort. Il s’agit de la vie d’un être humain, et ce n’est pas une solution. » Il est important de ne pas céder à la vengeance et de mener un débat serein sur cette question, insiste-t-il. 

« Cela peut être un meurtre, un viol, une agression violente lors d’un vol, ou encore des cas liés à la drogue. Nous ne pouvons nous-mêmes pas rester insensibles, mais lorsqu’il s’agit de débattre de la légalisation de la peine de mort, un sujet aussi grave, il est important de ne pas laisser les émotions prendre le dessus », insiste-t-il. 

De plus, il souligne les risques d’erreur judiciaire : « Comment garantir un procès équitable à une personne qui n’a pas les moyens de se défendre ? » La présomption d’innocence est un principe fondamental de notre système juridique : « Chaque individu a droit à un procès équitable, où les circonstances atténuantes ou aggravantes sont prises en compte. »

Le système judiciaire doit trouver un juste équilibre entre la protection de la société, la réhabilitation potentielle des coupables et le respect des droits de chacun. Selon Ashitah Aujayeb Rogbeer, « l’objectif principal doit être de prévenir les abus et de protéger les victimes. Les mesures existantes, telles que les peines de prison, les amendes et les dispositifs de suivi, associées à un soutien psychologique et juridique pour les victimes, constituent déjà des outils efficaces ». D’ailleurs, pour elle, il est crucial d’accorder une attention particulière aux victimes, en leur offrant un soutien psychologique et juridique adapté pour les aider à surmonter leur traumatisme.

D’autre part, Ashitah Aujayeb Rogbeer et Me Bhavish Budhoo soulignent tous deux qu’il est essentiel de ne pas réduire la réponse aux crimes à la seule punition. Les auteurs de crimes ne sont pas toujours des individus rationnels qui pèsent soigneusement les conséquences de leurs actes, dit ce dernier : « Souvent, ils sont poussés par des troubles mentaux, des difficultés sociales ou des impulsions incontrôlables. » Ainsi, avance-t-il, la réhabilitation des délinquants, lorsqu’elle est possible, est un enjeu de société tout aussi important.

La criminologue Ashitah Aujayeb Rogbeer plaide, de ce fait, pour une approche thérapeutique envers les auteurs de ces actes. « Des programmes de traitement psychologique pourraient prévenir la récidive en aidant les délinquants à gérer leurs pulsions. Des traitements chimiques ou hormonaux, comme cela se fait dans certains pays, sont parfois utilisés pour réduire les pulsions sexuelles. » Bien que controversées, certaines méthodes sont souvent soumises à un consentement volontaire ou à une décision judiciaire. Dans les cas les plus graves, certains prônent une véritable castration. 

D’autre part, elle préconise la mise en place de mesures de surveillance rigoureuses pour les délinquants sexuels après leur libération, dont un registre des délinquants sexuels, qui pourrait être accessible au public. « De nombreux pays maintiennent un tel registre. Des restrictions de résidence, interdisant aux délinquants de vivre près des écoles, de travailler avec des enfants ou d’utiliser des outils numériques, peuvent également être imposées. » 

Parallèlement, Ashitah Aujayeb Rogbeer insiste sur l’importance de la prévention. « Il est essentiel de mener des campagnes de sensibilisation à grande échelle pour informer le public, en particulier les parents et les professionnels de l’enfance, sur les signes d’abus sexuels. Des programmes d’aide et des ressources doivent également être accessibles pour les personnes à risque, afin de prévenir les comportements criminels avant qu’ils ne se produisent. »

Ces drames qui ont marqué le pays

Au fil des années, plusieurs affaires impliquant des enfants comme victimes ont bouleversé Maurice. Retour sur quelques-uns de ces drames qui ont marqué les esprits.

Juillet 2005 : Le calvaire de Marie Anita Konsita Jolita

 La petite Marie Anita Konsita Jolita, âgée de seulement deux ans et demi, résidait à Cité-Tôle, près de Mahébourg. Le 5 juillet 2005, sa vie a été brutalement interrompue. Elle a été agressée sexuellement et tuée par deux adolescents, Ludovic Prodigue, 14 ans, et Jean Mervyn Roberto Lotoah, 19 ans. Ce crime d’une violence inouïe a choqué l’île entière. Cet acte barbare a mis en évidence l’urgence d’un encadrement strict pour prévenir de tels comportements chez les jeunes.

Juin 2006 : Anne Jennia Arékion, une vie fauchée à Camp-Levieux

Un an plus tard, c’est à Camp-Levieux qu’un autre drame s’est produit. Anne Jennia Arékion, âgée de quatre ans, a été victime d’une agression sexuelle qui lui a coûté la vie. Cette affaire a suscité une vive émotion et a poussé les autorités à réagir.

Avril 2015 : L’horreur pour Marie Eleana Eduarda Gentil

En avril 2015, le corps sans vie de Marie Eleana Eduarda Gentil, une jeune habitante de Résidence Anoska, a été retrouvé sur un terrain boisé à Lapeyre, Nouvelle-France. La jeune fille a subi des violences sexuelles avant d’être cruellement assassinée. Ce crime odieux a ravivé les blessures du passé et renforcé l’appel à une action immédiate et efficace.

Ces tragédies récurrentes ont suscité une vague d’émotion à travers l’île, se traduisant par des marches pacifiques pour dénoncer ces atrocités et réclamer une meilleure protection des enfants. Les associations pour la protection de l’enfance ont montré du doigt les lacunes du système et la nécessité d’une prise de conscience collective.

Les arguments en faveur de la peine capitale

Affirmer que la peine capitale équivaut à « descendre au niveau des criminels » ou à un « meurtre prémédité » de l’État relève d’une simplification extrême, estime Yousouf Jhugroo, consultant légal en Angleterre. Contrairement à un meurtre arbitraire, une exécution judiciaire s’inscrit dans un cadre légal rigoureux, après un procès équitable. Ce n’est pas un acte de vengeance, mais une réponse proportionnée à des actes d’une cruauté exceptionnelle, affirme le consultant légal.

Lorsqu’un individu tue de manière préméditée, « il brise le pacte social et se place en dehors des normes fondamentales de la vie en communauté », explique Yousouf Jhugroo. L’État, en appliquant une sanction ultime, ne s’abaisse pas au niveau du criminel ; il affirme au contraire son rôle de protecteur des citoyens et de garant de la justice.

D’aucuns estiment pourtant que la peine capitale serait incompatible avec une société respectant les droits humains. Pour Yousouf Jhugroo, cette idée repose sur « une interprétation unilatérale ». Les droits humains s’accompagnent de responsabilités, rappelle-t-il. « Un criminel qui nie les droits fondamentaux de ses victimes ne peut réclamer les mêmes protections. Dans des cas exceptionnels, où les crimes menacent la sécurité collective, la justice peut légitimement imposer une sanction exemplaire pour protéger la société et honorer la mémoire des victimes », pense-t-il.

Si les politiques de prévention et d’éducation sont essentielles à long terme, elles n’apportent aucune solution immédiate face aux crimes irrémédiables déjà commis, poursuit le consultant légal. En outre, fait-il ressortir, elles ne dissuadent pas toujours les criminels motivés par des pulsions irrationnelles. Ainsi, pour lui, la peine capitale, bien qu’imparfaite, peut dissuader certains individus et offrir une réponse immédiate pour protéger la société.

Les opposants à la peine de mort évoquent souvent le spectre des erreurs judiciaires. Ce risque, bien que réel, peut être considérablement réduit grâce aux avancées technologiques, comme l’analyse ADN, et un système judiciaire rigoureux, souligne Yousouf Jhugroo. En parallèle, maintenir des criminels dangereux en prison à vie engendre des coûts colossaux pour les contribuables, tout en posant des risques tels que l’évasion ou la radicalisation.

« Si la réhabilitation est une aspiration noble, certains criminels démontrent, par la nature même de leurs actes, qu’ils ne sont pas réhabilitables », ajoute-t-il. Les auteurs de meurtres prémédités et cruels, notamment pour des motifs sexuels, montrent un mépris absolu pour la vie humaine, avance le consultant légal. Dans ces cas, l’État a la responsabilité première de protéger ses citoyens et de rendre justice aux victimes.

Pour lui, la réintroduction de la peine de mort ne doit pas être vue comme un retour à la barbarie, mais comme un outil réservé aux crimes les plus odieux. « Elle envoie un message clair : certains actes sont si inacceptables qu’ils excluent leurs auteurs de la société civilisée. C’est une affirmation des valeurs fondamentales de la justice, où le droit des victimes à obtenir une réponse proportionnée prime sur celui des criminels à échapper à une sanction ultime. »

Tendance vers l’abolition de la peine de mort

Plus de 70 % des pays dans le monde ont aboli la peine de mort, une tendance qui se poursuit, selon Me Bhavish Budhoo. « En avril 2023, le Parlement malaisien a voté pour l’abolition de la peine de mort pour 11 crimes graves, tels que le meurtre et le terrorisme », dit-il. 

Toutefois, certains pays continuent d’appliquer la peine capitale. Se référant aux données recueillies par Amnesty International, en 2023, le directeur de Dis-Moi fait remarquer que 1 153 exécutions ont eu lieu dans 16 pays, représentant une augmentation de 31 % par rapport à 2022. « Cela nous montre que l’exécution de personnes n’empêche pas la commission de crimes. » 

Les émotions vs la raison

Les émotions jouent un rôle crucial dans l’amplification des demandes de sanctions radicales, notamment face à des crimes odieux comme les agressions sexuelles sur mineurs. « Le choc et l’indignation provoqués par ces actes suscitent un besoin viscéral de justice, souvent perçu comme une vengeance légitime », explique Ashitah Aujayeb Rogbeer. Ce sentiment est d’autant plus fort lorsque les victimes sont particulièrement vulnérables, comme les enfants. « Les émotions collectives renforcent également un sentiment d’unité contre une menace perçue, amplifiant les revendications pour des sanctions sévères. » 

Ce phénomène est exacerbé par la diffusion de discours simplistes et polarisants sur les réseaux sociaux. En effet, les algorithmes favorisent la propagation d’idées radicales, créant une sorte de chambre d’écho où les opinions extrêmes sont amplifiées. « La psychologie des foules joue un rôle central. Les foules suscitent souvent un désir de rétablir l’ordre moral immédiatement, parfois au détriment des procédures légales et nuancées. Cette pression peut conduire à des sanctions exemplaires et, parfois, disproportionnées », dit-elle.

Cependant, il est crucial de réfléchir aux effets négatifs de ces décisions influencées par les émotions. Elle souligne que des lois adoptées sous la pression populaire, mais sans réflexion approfondie, peuvent avoir des conséquences négatives à long terme.

Me Bhavish Budhoo abonde dans ce sens. Il rappelle que la peine de mort, souvent présentée comme une réponse expéditive à la criminalité, est une solution dangereuse et inefficace. « En outre, le risque d’erreur judiciaire est réel, et la privation de la vie est une sanction irréversible. »

Du reste, poursuit Me Bhavish Budhoo, « les crimes, comme celui survenu à la fillette de 7 ans, ne se produisent pas tous les jours. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de prendre des décisions drastiques, mais plutôt d’examiner les causes profondes du problème pour y remédier ». 

Les articles 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et 6 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques garantissent le droit à la vie. Adopter la peine capitale serait une violation directe de ces deux articles internationaux. « Je soutiens que la peine capitale n’a pas sa place dans la société », insiste le directeur de Dis-Moi. En tant que défenseur des droits humains, il insiste sur l’importance de la réhabilitation plutôt que de la rétribution : « La réformation d’un individu est une mesure plus efficace qu’une punition irréversible. »

Questions à…Me Kooshal Bansoodeb, avocat pénaliste : « L’imposition d’une sentence ne peut être utilisée comme un moyen de vengeance »

kooshalÀ chaque crime atroce, la question de la peine de mort refait surface. Pourtant, des alternatives en accord avec les valeurs d’un État de droit existent. Me Kooshal Bansoodeb, avocat pénaliste, nous livre son analyse.

La réintroduction de la peine de mort revient tel un leitmotiv à chaque crime atroce qui est commis. Quelle est la responsabilité fondamentale de l’État en matière de justice ?
L’article 222 (1) du Code pénal mauricien prévoit une sentence maximale de servitude pénale à vie pour meurtre ou pour le meurtre d’un nouveau-né, ainsi qu’une sentence maximale de 60 ans de servitude pénale dans les cas où des circonstances atténuantes justifient l’imposition d’une peine plus légère.

En vertu de l’article 41 (3) du Dangerous Drugs Act 2000, les trafiquants de drogue risquent une sentence maximale de 60 ans de servitude pénale. Ainsi, la législation mauricienne dispose déjà de mécanismes efficaces pour punir les criminels, dissuader la commission de crimes atroces et assurer la sécurité de la société.

Pour garantir le bon fonctionnement du système juridique, il est impératif que l’État mauricien investisse davantage dans les ressources policières et les technologies modernes, afin d’améliorer l’efficacité des enquêtes criminelles.

Les émotions entrent souvent en jeu après un crime crapuleux, notamment si la victime est un enfant. Et nombreux sont ceux qui estiment que la prison n’est pas une mesure suffisamment dissuasive. La peine capitale est-elle compatible avec les principes d’un État de droit ?
Pour citer Sir Victor Glover, ancien chef juge : « ... je suis d’avis que la plupart des gens qui commettent des crimes n’ont pas le temps de s’asseoir, de réfléchir et de se dire qu’ils seront pendus s’ils les font. » Il existe un consensus sans équivoque parmi les différents mouvements de défense des droits humains à travers le monde à l’effet que la peine de mort est une violation majeure des droits de l’homme. L’article premier de notre Constitution, la loi suprême du pays, garantit le respect des droits humains et précise que « Mauritius shall be a sovereign democratic State which shall be known as the Republic of Mauritius ».

À mon avis, la réintroduction de la peine capitale équivaudrait à un pas en arrière pour la démocratie. La raison principale repose sur le fait que dans divers pays où la peine capitale est ou a été appliquée, on constate souvent des erreurs judiciaires (miscarriages of justice dans le jargon juridique). Nous devons nous demander si la réintroduction de la peine de mort ne serait pas une arme à double tranchant. 

En droit, on fait souvent référence au « Blackstone’s ratio » ou « Blackstone’s formulation » : « It is better than ten guilty persons escape than that one innocent suffer. » Une cour de justice peut toujours annuler une sentence de servitude pénale, mais elle ne peut redonner la vie à un exécuté.
Selon Amnesty International, les pays qui exécutent continuent d’utiliser la peine de mort comme moyen de dissuader les gens de commettre un crime. Cette affirmation a été maintes fois réfutée, et il n’y a aucune preuve que la peine de mort soit plus efficace pour réduire le taux de criminalité que l’emprisonnement à vie.

Amnesty International va plus loin dans son analyse en affirmant que le poids de la peine de mort est porté de manière disproportionnée par ceux qui sont issus de milieux socio-économiques défavorisés ou qui appartiennent à une minorité raciale, ethnique ou religieuse. Cela inclut, par exemple, leur accès limité à une représentation légale adéquate ou leur désavantage face à l’expérience du système de justice pénale.

La prison à vie semble être une sentence plus lourde que la peine capitale»

Comment l’État peut-il garantir la justice pour les victimes tout en respectant les droits fondamentaux des accusés ?
La prison à vie constitue, selon moi, une sentence encore plus sévère que la peine capitale. Le principal objectif d’une sentence est de protéger le public contre le délinquant et de dissuader la commission d’actes criminels similaires. Cependant, l’imposition d’une sentence ne doit jamais être perçue comme un moyen de vengeance. En effet, nos lois confèrent suffisamment de pouvoir au judiciaire pour administrer des sentences adaptées à différents types de délinquants.

En quoi la peine de mort peut-elle être perçue comme une vengeance plutôt qu’une justice ?
La réponse peut se résumer en cette citation du Mahatma Gandhi : « An eye for an eye makes the whole world blind. » Prendre la vie d’un individu en réponse à un meurtre ne ferait que nous abaisser au niveau du criminel.

De nombreuses lois ont été renforcées, mais elles ne semblent pas avoir les effets dissuasifs escomptés…
La réintroduction des sentences d’emprisonnement accompagnées de « hard labour » (travaux forcés) pourrait être une solution appropriée. En revanche, cela impliquerait plusieurs autres épreuves constitutionnelles. Cependant, il est essentiel de comprendre que les auteurs des crimes les plus graves ne prennent généralement pas le temps de réfléchir aux sentences auxquelles ils feront face s’ils sont condamnés. Certains sont tellement déterminés à agir qu’aucune sentence, quelle qu’en soit la sévérité, ne pourra les dissuader de commettre l’irréparable.

Comment ces alternatives peuvent-elles répondre à la demande de justice des victimes et de leurs familles ?
Malheureusement, la douleur des familles des victimes ne peut ni être quantifiée ni compensée. Une solution pour atténuer leur souffrance pourrait être d’accélérer les enquêtes policières. Par ailleurs, l’amélioration de notre système juridique, souvent confronté à un manque de personnel, pourrait aussi répondre à leur demande de justice. Selon moi, la fameuse phrase « Justice delayed is justice denied » reste tout à fait pertinente pour les familles des victimes.

Comment évaluez-vous l’évolution des attitudes publiques et politiques envers la peine de mort à Maurice ?
Les dernières personnes à avoir été condamnées à l’exécution à Maurice furent Benedite Polimon, Louis Léopold Myrtille et Essan Nanyeck. Avant son exécution, Essan Nanyeck était détenu dans la même cellule que Roger de Boucherville, également condamné à être exécuté.

À la suite des négociations menées par sir Gaëtan Duval, QC, l’Abolition of Death Penalty Act 1995 a été introduit, entraînant ainsi la suspension de la peine capitale à Maurice. De Boucherville, qui attendait toujours son exécution, a vu sa sentence commuée en une peine de servitude pénale après une décision du Privy Council.

Cependant, en vertu de l’article 4 (1) de notre Constitution : « No person shall be deprived of his life intentionally save in execution of the sentence of a Court in respect of a criminal offence of which he has been convicted », il est clair que la peine de mort existe toujours. Il suffirait qu’une loi appropriée soit adoptée au Parlement, avec une simple majorité de votes, pour que la suspension de la peine capitale soit levée.

Néanmoins, il est important de rappeler que la République de Maurice est signataire de plusieurs conventions internationales. Réinstaurer une telle mesure, considérée par plusieurs pays comme inhumaine, pourrait avoir des conséquences internationales pour Maurice. Cela entraînerait des impacts négatifs sur le tourisme, le commerce et les finances de notre pays.

Maurice, comme une centaine d’autres pays, a aboli la peine capitale dans sa législation ou ses pratiques, marquant ainsi un progrès vers la reconnaissance des droits humains et le modernisme. Je suis fermement opposé à un retour vers le passé.

Questions à…Me Prinsnee Cootthen : « La justice restauratrice pourrait apporter des changements positifs à notre système judiciaire »

PrinsneeLes appels à la peine de mort ont resurgi avec le décès de la petite, Élodie Kathalea Gaspard. L’avocate Prinsnee Cootthen se penche sur un mode alternatif de justice : la justice restauratrice. 

Qu’est-ce que la justice restauratrice ?
La justice restauratrice cherche à réparer le tort causé par un crime ou un délit, en mettant l’accent sur la réconciliation entre le délinquant, la victime et la communauté. Contrairement à la justice punitive traditionnelle, qui se concentre principalement sur la sanction du délinquant, la justice restauratrice vise à restaurer les relations brisées et à offrir une opportunité de guérison à toutes les parties concernées. Le but est de réparer les préjudices causés à la victime, que ce soit par des excuses, des compensations financières ou d’autres formes de réparation. 

Le processus implique que le prévenu reconnaisse le tort causé et prenne la responsabilité de ses actions. Cela peut prendre la forme de cercles de parole, de médiations ou de discussions. L’attention se focalise non pas sur la transgression de la loi, mais sur les conséquences concrètes de l’acte délictueux.

En quoi la justice restauratrice pourrait-elle transformer le système judiciaire à Maurice ?
L’application de la justice restauratrice à Maurice pourrait apporter plusieurs changements positifs au système judiciaire du pays, qui fait face à divers défis tels que la surpopulation carcérale, la récidive et la perception de l’inefficacité des sanctions punitives. En permettant aux délinquants de réparer le tort causé par des moyens alternatifs à l’incarcération, comme des programmes de médiation ou des travaux d’intérêt général, la justice restauratrice pourrait réduire le nombre d’individus incarcérés et désengorger les prisons. Cela pourrait aussi réduire la récidive en favorisant la réhabilitation et en permettant aux individus de se réinsérer dans la société de manière constructive.

Dans un système de justice restauratrice, les victimes ne sont pas seulement des témoins passifs du procès. Elles ont l’opportunité de participer activement au processus judiciaire, d’exprimer leurs émotions et leurs besoins, et d’obtenir une forme de réparation qui leur semble significative. Cela peut les aider à surmonter le traumatisme et à se sentir davantage entendues.

Cependant, l’introduction de la justice restauratrice à Maurice nécessiterait une série d’adaptations.

Quelles seraient, justement, les implications d’introduire un tel système ?
Il incombera d’adapter nos lois et nos structures de justice en conséquence. De plus, il faudra voir si la population adhère à cette nouvelle approche de la justice, car bien qu’efficace dans de nombreux cas, elle nécessite un changement de mentalité. La société pourrait percevoir ce modèle comme étant trop clément envers les délinquants, ce qui pourrait freiner son adoption.

Parfois cela permet de surmonter des sentiments de colère ou de vengeance et d’initier un processus de guérison émotionnelle»

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets où la justice restauratrice a été mise en œuvre avec succès ?
La justice restauratrice a été mise en œuvre avec succès dans plusieurs pays. Notamment en Nouvelle-Zélande où le programme « Family Group Conferencing » a été introduit dans les années 1980 pour les jeunes délinquants. Une réunion est organisée avec le jeune, sa famille, la victime, les membres de la communauté et les autorités pour trouver des solutions réparatrices. Cela a conduit à une réduction de la récidive et à une meilleure compréhension des conséquences des actes criminels sur les victimes.

Au Canada, le Canadian Restorative Justice Program propose des alternatives à la prison et offre la possibilité de travailler avec les détenus pour réparer les torts causés. Le programme « Restorative Justice for Indigenous Offenders » permet aux délinquants autochtones de dialoguer avec leurs victimes et d’intégrer des pratiques culturelles, conduisant à une réintégration et une réconciliation, ainsi qu’à une réduction de la récidive.

Au Royaume-Uni, les « Restorative Justice Circles » sont utilisés pour les délinquants adultes, où victimes et délinquants discutent des crimes commis et de leurs impacts. Les participants travaillent ensemble pour trouver une solution réparatrice, ce qui a conduit à une plus grande satisfaction des victimes et à une réduction de la récidive pour les crimes mineurs et moyens. Ces exemples montrent que la justice restauratrice permet de traiter les conséquences des crimes de manière plus humaine.

Quel rôle les victimes et leurs familles jouent-elles dans un processus de justice restauratrice ?
Contrairement à la justice traditionnelle où la victime est souvent un simple témoin dans le procès, la justice restauratrice place la victime au cœur du processus. Elle aide à la guérison des victimes en leur offrant un espace sécurisé pour exprimer leurs sentiments et en leur permettant de rencontrer le délinquant dans un environnement contrôlé. Le processus vise à aider la victime à surmonter son traumatisme. Parfois cela permet de surmonter des sentiments de colère ou de vengeance et d’initier un processus de guérison émotionnelle.

Pour certaines victimes, entendre des excuses sincères ou comprendre les raisons qui ont poussé le délinquant à agir peut constituer une forme de réhabilitation. Parfois, la victime peut alors accepter de pardonner le délinquant, ou du moins de lui donner une chance de se racheter. 

Les familles peuvent apporter des suggestions ou des exigences concernant les actions réparatrices. Par exemple, dans les cas de violence domestique, la famille de la victime peut vouloir que des garanties soient mises en place pour assurer que le délinquant ne nuise plus à la victime.

Dans quelle mesure est-il envisageable d’introduire la justice restauratrice à Maurice ?
Nous avons vu des tensions sociales liées à une criminalité parfois perçue comme croissante, ce qui peut rendre difficile l’acceptation de modèles alternatifs de justice qui semblent moins punitifs. La perception selon laquelle la justice traditionnelle, avec des punitions sévères comme la prison, garantit une certaine sécurité peut freiner tout élan à l’adoption de la justice restauratrice.

Le système judiciaire mauricien repose sur des principes largement hérités de la tradition coloniale britannique, avec une forte dépendance à la pénalisation et à l’incarcération comme réponse à la criminalité. 

Cependant, le pays a déjà entrepris des efforts pour repenser la réhabilitation des détenus, par exemple avec des programmes d’éducation et de formation en prison et les travaux communautaires. La justice restauratrice pourrait être une extension naturelle de ces efforts vers la réinsertion sociale. Elle est particulièrement adaptée aux délits moins graves, comme les vols, les agressions mineures ou encore les infractions liées à des conflits familiaux.

Bien que la justice restauratrice semble envisageable, elle nécessite un effort concerté pour adapter le cadre légal et sensibiliser la population aux avantages de cette approche. Toutefois, avec une préparation adéquate, elle pourrait devenir une composante clé de notre système judiciaire.

Quelles réformes judiciaires seraient nécessaires pour promouvoir des politiques axées sur la réhabilitation et la prévention des crimes ?
Il serait nécessaire de réformer les lois pénales afin d’introduire des mécanismes de justice restauratrice, qui permettent d’offrir des alternatives à la prison, par exemple, des programmes de médiation, des conférences de groupes familiaux ou des travaux d’intérêt général. 

Aussi, les policiers, les travailleurs sociaux et les autres acteurs de la société civile doivent être formés pour comprendre les concepts de réhabilitation et de prévention de la criminalité. Ils doivent être capables de repérer les signes de vulnérabilité chez les jeunes, les personnes en situation de précarité ou celles issues de milieux sociaux difficiles.

Il est également essentiel d’introduire des programmes éducatifs de prévention de la délinquance dans les écoles. Cela pourrait inclure des programmes sur la gestion des émotions, la non-violence, la résolution de conflits et l’importance du respect des lois.

Les prisons à Maurice sont souvent perçues comme des lieux de punition, mais pour que le système judiciaire soit réellement axé sur la réhabilitation, des programmes de réinsertion doivent être développés en milieu carcéral. Cela inclut des programmes éducatifs, des ateliers de développement personnel, ainsi que des thérapies psychologiques pour traiter les causes profondes de la délinquance, telles que la toxicomanie et les troubles du comportement.

Éduquer les enfants à la sécurité : une priorité absolue

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L’ancien inspecteur Ranjit Jokhoo insiste sur le rôle clé des parents.

Le meurtre de la petite Élodie Kathalea Gaspard, 7 ans, à Bain-des-Dames, Cassis, a suscité une vive émotion, et relancé le débat sur la sévérité des peines. Plusieurs voix se sont élevées pour réclamer un durcissement de la loi actuelle. D’autres réclament tout bonnement la réintroduction de la peine capitale. Entre répression et prévention, comment trouver un juste équilibre pour que plus jamais de tels drames ne se reproduisent ?

Un constat d’emblée. L’ancien inspecteur Ranjit Jokhoo, que nous avons sollicité, précise que sur environ six cas d’infanticide qu’il a enquêté au cours de sa carrière au sein de la Major Crime investigation Team (MCIT), le coupable était un proche de l’entourage : « Sis ka infantisid e bann koupab se enn bann pros lantouraz zanfan-la. »

Souvent, souligne l’ancien inspecteur Ranjit Jokhoo, les prédateurs sexuels sont des personnes connues de la victime : un oncle, un voisin ou un proche de la famille. « Ces individus observent la victime de près et passent à l’action lorsqu’ils estiment que le moment est propice », explique-t-il. 
Cela semble avoir notamment été le cas pour la petite Élodie Kathalea Gaspard. « Le suspect, qui connaissait bien la petite fille et sa famille, s’est présenté chez elle et lui a demandé de le suivre. Li enn dimounn ki konn zanfan-la e linn gagn so konfians e sa finn amenn o dram », commente-t-il.

« Nous constatons que dans 90 % des cas, l’auteur est une personne du cercle familial ou proche de la famille, ayant un accès privilégié à l’enfant », concède un gradé de la Brigade pour la protection de la famille (BPF), unité qui a absorbé la défunte Brigade pour la protection des mineurs. D’ailleurs, en cette période de vacances scolaires, il est recommandé aux parents d’être très vigilants. « Souvan nou tann dir pe avoy zanfan pass vakans kot lezot paran ou granparan. Bann predater zot osi souvan dans bann milie pros e zot trouv bann sib fasil dan sa bann ka-la. »

Face à cette situation alarmante, la BPF mise sur la prévention pour améliorer la protection des enfants, notamment à travers des campagnes de sensibilisation dans les écoles. Les délits d’attouchements et d’agressions sexuelles sont mis en avant : « Nous expliquons aux enfants les notions de bon et de mauvais toucher, en insistant sur le fait qu’ils ne doivent pas se sentir coupables s’ils sont victimes d’attouchements. » Des livrets pédagogiques comme « Le bon toucher, le mauvais toucher » sont utilisés pour faciliter la compréhension des plus jeunes.

Les parents ne sont pas en reste. La BPF mène également des campagnes de sensibilisation à leur intention, en particulier les mères : « Nou explik zot bizin pa les zanfan al ar etranze, pa les zanfan mars tousel, fer zanfan pa aksepte bonbon, etc. »

L’ancien inspecteur Ranjit Jokhoo insiste, lui aussi, sur le rôle clé des parents. « Un enfant reste un enfant, et il incombe aux parents de les éduquer. Ils doivent enseigner à leurs enfants de ne pas laisser qui que ce soit les approcher, les toucher ou leur faire des bisous sans leur consentement. Il est essentiel d’expliquer qu’ils ne doivent jamais partir avec quelqu’un en l’absence des parents, même si cette personne leur est familière », tonne-t-il.

Il est catégorique : les parents doivent rester sur leurs gardes en permanence. « La confiance aveugle envers l’entourage est une erreur. Les prédateurs savent manipuler la vulnérabilité des enfants, surtout si les parents baissent la garde. »

Et qu’en est-il du cadre légal ? Est-il suffisamment dissuasif ? Au sein de la BPF, on rappelle qu’avec les amendements apportés au Children’s Act 2020, les enfants sont mieux protégés. Cependant, pour des cadres de cette unité, cela ne suffit pas : « Il faut des lois bien plus strictes que celles existantes à l’encontre des prédateurs sexuels ciblant les enfants. Des lois plus sévères seraient synonymes de peines et condamnations plus importantes pour les criminels. »

Nos sources font état du projet de bracelet électronique pour un meilleur contrôle des délinquants fichés, mais elles se disent déçues que le système n’ait pu être appliqué à Maurice. En cause : le coût d’une telle mesure, principalement. Pourtant, fait remarquer un haut gradé, dans bien des cas, les criminels ciblant des enfants sont des récidivistes : « Kan inn fer ‘case’ enn kout, sa bann dimounn-la mem regagn lot ka similer ou pir… »  

De son côté, l’ancien inspecteur Ranjit Jokhoo estime que les dispositions concernant l’infanticide sont appliquées avec toute la rigueur nécessaire. Cependant, il est convaincu que la prévention et l’éducation restent les meilleurs moyens de protéger les enfants. Il conclut par un appel solennel : « Parents, protégez vos enfants. Apprenez-leur à dire non, à s’éloigner des situations suspectes, et surtout, à vous alerter au moindre signe d’inconfort. Chaque enfant mérite de grandir en sécurité, et cela commence par une vigilance sans faille de ceux qui les aiment. »

Parler de violence aux enfants sans les traumatiser

La violence, qu’elle soit physique, verbale ou sexuelle, est un sujet difficile, voire complexe, à aborder avec les enfants. Il est pourtant essentiel de leur en parler dès le plus jeune âge pour les protéger et leur donner les clés nécessaires à la compréhension des dangers qui les entourent. Julien Quenette, docteur en psychologie du développement, et la psychologue Virginie Bissessur, directrice de Pédostop, nous expliquent comment aborder ces sujets sensibles avec les enfants sans les traumatiser et en favorisant leur bien-être.

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Julien Quenette, docteur en psychologie du développement.

Il est faux de croire qu’un enfant ne comprend pas ou ne voit pas ce qui se passe autour de lui, précise Julien Quenette. « Les enfants perçoivent énormément de choses, même s’ils ne sont pas toujours en mesure de formuler ce qu’ils ressentent. Les encourager à mettre des mots sur leurs émotions est essentiel », indique-t-il.

La sécurité émotionnelle et physique passe également par des discussions ouvertes et régulières sur des sujets sensibles, comme la violence ou la sexualité. « Si l’on ne crée pas un espace pour en parler, l’enfant pourrait se retrouver désemparé face à des situations qu’il ne comprend 
pas », avertit-il.

Aborder la sexualité est une étape cruciale de l’éducation. Il faut que l’enfant sache, dès son plus jeune âge, que son corps lui appartient et qu’il doit en prendre soin et le respecter, insiste Julien Quenette. Les parents doivent expliquer à l’enfant que personne n’a le droit de toucher ses parties intimes sans sa permission, pas même un membre de la famille. Il ne faut pas avoir peur d’utiliser les mots justes et précis.

« Mon corps est à moi, et je décide qui peut le toucher », un exemple simple et efficace pour faire comprendre à l’enfant les limites de ce qui est acceptable. Il est crucial que les parents ne minimisent pas l’importance de ce sujet, même si cela peut sembler inconfortable pour certains, ajoute-t-il. En ne parlant pas de ces sujets, on prive l’enfant des outils nécessaires pour se protéger.

Cependant, cette mise en mots doit être progressive et adaptée à leur âge, en les sensibilisant à des notions de sécurité, de respect de soi et de consentement. Les stratégies éducatives doivent viser à sensibiliser les enfants sans les culpabiliser ni les perturber.

La psychologue Virginie Bissessur recommande de s’adapter à l’âge et au niveau de compréhension de l’enfant pour aborder ce thème. « Il n’y a pas de mauvais âge pour parler de la violence, mais il faut utiliser des mots et des concepts adaptés », explique-t-elle. En fonction de l’âge, le vocabulaire et la manière d’aborder cette question doivent évoluer.

Parler de la violence avec les plus jeunes

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Virginie Bissessur, directrice de Pedostop.

Chez les enfants en bas âge, à partir de 3 ou 4 ans, il est possible d’introduire des concepts simples comme « le bien » et « le mal ». Virginie Bissessur insiste sur l’importance de la prévention précoce. « On leur explique déjà que mentir, voler ou frapper, ce n’est pas bien », dit-elle. Par exemple, on peut leur dire : « Si quelqu’un te frappe, va en parler à l’enseignante ou, si quelqu’un te touche, il faut le dire à un adulte de confiance. »
Avec les adolescents : un dialogue ouvert et réaliste

Avec les adolescents, la manière d’aborder la violence change. « Les ados attendent de la réalité dans les conversations, pas des fables ou des paraboles », souligne Virginie Bissessur. Ils veulent des discussions sincères sur ce qu’ils vivent au quotidien, loin des discours idéalisés. Il est donc essentiel de parler franchement des différents types de violence, qu’il s’agisse de violences physiques, psychologiques, verbales ou sexuelles.

La prévention : une question de qualité, pas de quantité

Ce dialogue n’est pas qu’une question de quantité de temps passé avec l’enfant ou l’adolescent, mais de qualité. « Ce n’est pas tant le nombre d’heures que vous passez avec votre enfant qui compte, mais le temps que vous lui consacrez de manière véritablement attentive », insiste-t-elle. Être réellement présent, s’intéresser à ses préoccupations quotidiennes, à ses amis, à son école, crée un climat de confiance propice à la discussion.

Julien Quenette s’appesantit, lui aussi, sur le rôle primordial des parents dans l’instauration d’un cadre sécurisant pour l’enfant. Il rappelle que l’éducation commence à la maison, même si, avec l’évolution de la société, les parents ont moins de temps à consacrer à leurs enfants. « Les besoins des familles modernes sont une réalité, mais il est crucial qu’ils trouvent du temps pour établir un lien de confiance avec leur enfant. »
Ce cadre, conçu pour rassurer l’enfant, doit permettre de lui expliquer les situations de manière claire, simple et adaptée à son âge. De nombreux outils pédagogiques existent pour aborder ces questions de manière ludique et adaptée à l’âge des enfants. Livres pour enfants, vidéos animées, jeux de rôle peuvent être d’une grande aide pour faciliter la compréhension et favoriser le dialogue. Ces supports permettent de poser des bases solides de respect, de consentement et d’autonomisation, ajoute Julien Quenette.

Pour lui, une éducation affective solide permet à l’enfant de se sentir en sécurité et de comprendre qu’il est entouré de personnes prêtes à le protéger et à lui apporter les informations nécessaires pour se défendre contre les dangers. Si un enfant, qu’il soit adolescent ou plus jeune, se sent écouté et soutenu dans son quotidien, il sera plus enclin à partager des expériences, même douloureuses, renchérit Virginie Bissessur.

Ainsi, même si un parent peut se sentir gêné de commencer une conversation difficile, il peut utiliser des événements de l’actualité ou des situations vécues par l’enfant pour introduire le sujet de la violence. Par exemple, après avoir vu une scène de violence à la télévision, il est possible de poser des questions ouvertes : « Qu’en penses-tu ? », « As-tu déjà vu ce genre de situation à l’école ? ».

En définitive, la clé de la prévention de la violence chez les enfants et les adolescents réside dans la qualité de la relation parent-enfant. Plus les parents montrent à leur enfant qu’ils s’intéressent à ce qu’il vit, plus l’enfant se sentira libre de partager ses peurs et ses préoccupations. « Les enfants veulent parler de leur quotidien. Si vous leur offrez un espace sécurisé, ils oseront aborder des sujets plus graves, comme la violence », conclut Virginie Bissessur.

 

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