En cette période de pandémie et face à l’explosion des contaminations et des décès liés à la COVID-19, ils sont nombreux à être sur leurs gardes. Certains minimisent leurs déplacements. Même si c’est pour se rendre chez le médecin, ils y songent à deux fois. Des médecins proposent ainsi la téléconsultation médicale, également appelée télémédecine.
La télémédecine est commune dans d’autres pays. Mais la pratique a commencé à s’ancrer dans les mœurs des Mauriciens depuis le premier confinement. Aujourd’hui, des médecins, que nous avons sollicités, disent constater qu’elle a pris davantage d’ampleur.
L’engouement s’explique par le fait que les gens ont peur face au nombre de décès liés à la COVID-19 qui ne cesse d’augmenter. Ces médecins disent être sollicités non seulement par des habitués mais aussi par des personnes qu’ils ne connaissent pas, surtout celles qui sont en auto-isolement à domicile.
Mais qu’est-ce que la télémédecine ? La télémédecine implique l’utilisation de communications électroniques et de logiciels pour fournir des services cliniques aux patients sans visite en personne. Comment faire pour y avoir recours ? Il suffit d’avoir un téléphone portable ou un ordinateur. Vous pouvez contacter un médecin à travers un message, un appel ou un appel vidéo.
Une fois le patient en contact avec le praticien, il peut débuter la séance. S’il s’agit d’un patient régulier, le professionnel de santé aura son dossier médical sous les yeux. Si le patient est nouveau, le médecin lui demandera un historique médical avant de poser un diagnostic. Il lui donnera ensuite des conseils et la liste des médicaments à prendre.
Témoignages
Issa, 31 ans :
« Pour moi, la télémédecine est un atout. Cela me permet de rester dans le confort de ma maison et d’être ausculté en ligne. Cela réduit le temps passé en salle d’attente. Je me sens plus en sécurité car à l’hôpital ou chez le médecin, on ne sait pas s’il y a des personnes asymptomatiques à la COVID-19. Étant père de famille, je ne souhaite pas compromettre la santé de mes enfants. »
Rajeshwaree, 45 ans :
« Je m’occupe de ma maman qui est une patiente cardiaque. Elle doit se rendre régulièrement à ses rendez-vous. Afin de limiter les risques d’être contaminé à la COVID-19, on ne sort que lorsque c’est nécessaire. Heureusement que son médecin soignant est à l’écoute. On peut l’appeler ou lui demander un avis par message quand il le faut. »
Les avantages
Moins de risques de contamination
Le Dr Nauseen Kader, qui est pédiatre, confirme que la télémédecine prend de l’ampleur. « Des parents sont réticents à emmener leurs enfants à l’hôpital ou dans un cabinet de consultation car ils ne veulent pas prendre de risques. Il y en a beaucoup qui me sollicitent et je leur donne des conseils au téléphone », explique-t-elle.
Elle avoue qu’elle préfère ce concept au fait de rencontrer les personnes en ce moment. « S’il y a moins de rencontres, le risque de contamination est minime. Sauf s’il faut vraiment que j’ausculte un enfant pour un diagnostic plus précis », indique la pédiatre.
Mais s’il a de la fièvre ou de la toux, elle prodigue des conseils et communique aux parents la liste des médicaments à prendre. « Ce sont des produits facilement accessibles qui ne nécessitent pas la présentation d’une ordonnance médicale. Pour ce qui est du dosage, j’en informe les parents par message ou en leur téléphonant », explique-t-elle.
Patients bien préparés
Le Dr Hemraj Shibchurn, médecin généraliste, qui travaille à son compte à Curepipe explique qu’il faut avant tout faire un tri des patients en les interrogeant pour qu’ils donnent le maximum d’informations, dont des antécédents médicaux (asthme, etc.).
« Je leur demande aussi s’ils ont fait un test rapide antigénique. Si la personne est déjà en auto-isolement, je lui conseille de se tourner vers la hotline du ministère de la Santé pour se mettre en contact avec un médecin de la Domiciliary Monitoring Unit », précise-t-il. Pour ce qui est des autres patients, il dit donner le maximum de conseils.
Réconfort
Selon le Dr Hemraj Shibchurn, la télémédecine est une sorte « d’assurance » pour les patients. « Il y a des personnes qui sont stressées par la situation actuelle avec la propagation de la COVID-19. Elles cherchent du réconfort. Nous sommes là pour être attentifs et leur prodiguer des conseils. »
Moins d’attente
Le Dr Pawan Gopaul et des confrères ont créé une plateforme intitulée medicine.mu afin de regrouper des professionnels de santé (médecins généralistes, pédiatres, dentistes, etc.) qui font des consultations en ligne. Ils ont voulu apporter leur aide durant le confinement. Comme ses autres confrères, le Dr Pawan Gopaul soutient que la télémédecine gagne du terrain. « Avec la résurgence des cas de COVID-19, nombreux sont ceux qui préfèrent avoir une opinion avant de se déplacer. Cela réduit aussi le temps d’attente. En fait, c’est rassurant d’avoir un médecin au téléphone », dit-il.
Il ajoute qu’en règle générale, il faut faire un « screening » des patients. « Certains sont stables et on peut leur donner des conseils au téléphone. D’autres, en revanche, doivent recevoir des traitements dans un centre de santé, à l’instar des patients souffrant de troubles cardiaques », indique-t-il. Ce mèdecin avoue que la télémédecine aide à ne « pas gaspiller le temps en se faisant le déplacement chez un médecin ou à l’hôpital », tout en réduisant les risques de contamination. Dans certains cas, les patients demandent aux médecins de les ausculter chez eux si c’est nécessaire.
Aide
Kushmita Jasbir Doysuree qui exerce comme pharmacologuedit offrir son aide à travers la télémédecine pour soulager les patients qui cherchent où acheter un médicament et leur proposer des alternatifs en cas de rupture. « C’est délicat. Il faut connaître le background médical de la personne avant de donner un avis », intervient-elle. Mais elle estime qu’un petit conseil peut parfois « aider à sauver une vie ».
Les désavantages
Ordonnance médicale
Selon le Dr Hemraj Shibchurn, ce qui est délicat dans la télémédecine c’est la prescription. « On a quelques soucis. Il y a des pharmacies qui jouent le jeu quand cela concerne des médicaments qu’on peut avoir ‘over the counter’. Or, quand il s’agit de médicaments contrôlés, comme les antibiotiques ou les psychotropes, c’est plus délicat. »
Il précise qu’il ne peut pas envoyer l’ordonnance médicale par message car elle pourrait tomber entre de mauvaises mains. « On demande au patient de venir récupérer la prescription pour se procurer des médicaments », avance-t-il.
Kushmita Jasbir Doysuree, pharmacologue, indique qu’il y a des personnes qui ont d’anciennes prescriptions et qui en exigent une nouvelle. « Mais je leur fais comprendre que la loi c’est la loi. Il y a un code de conduite à respecter. Je leur recommande alors de voir un médecin », dit-elle.
Diagnostic
Le Dr Hemraj Shibchurn souligne que c’est plus difficile de faire un diagnostic médical au téléphone. « On n’arrive pas à examiner les patients. On doit leur poser plusieurs questions et leur faire dire des choses pour savoir de quoi ils souffrent. Dans certains cas, il se peut qu’on n’ait pas un diagnostic précis car ils ne donnent pas les informations nécessaires ou répondent par l’affirmative à tout ce qu’on demande », lance-t-il.
Le Dr Pawan Gopaul est de même avis. « On ne rencontre pas le patient en tête-à-tête. Quand on le voit physiquement, on peut déceler des anomalies, comme le fait qu’il ait du mal à s’exprimer ou s’il s’essouffle en marchant un peu. Mais là on doit creuser beaucoup plus pour arriver à une conclusion », détaille-t-il.
Pas de paiement
Plusieurs médecins soutiennent, sous le couvert de l’anonymat, qu’un autre désavantage est qu’ils ne sont parfois pas payés. « Il y a des patients qui nous appellent pour des conseils mais ils ne nous paient pas. Ils pensent que c’est juste un avis médical et non une consultation. On essaie d’aider autant que possible. Mais il s’agit de notre gagne-pain », déplorent certains.
Exigence
Certains médecins avouent que des patients ne font pas preuve de patience : « Il y a des gens qui nous appellent à n’importe quelle heure. Certes, on est là pour aider, mais il arrive parfois où nous n’arrivons pas à répondre aux appels étant occupés. Il y a des patients qui ne le comprennent pas et qui se fâchent. Ils sont exigeants alors que tout ce que nous voulons c’est les aider de notre mieux. »
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