
- Dharam Gokhool : «Il faut savoir l’apprivoiser intelligemment»
À Réduit, le président Dharambeer Gokhool raconte comment l’intelligence artificielle s’invite dans ses journées, entre gouvernance et vie privée, et esquisse une vision éthique pour l’avenir de Maurice.
Publicité
À 67 ans, le président de la République Dharam Gokhool n’a rien d’un geek en quête de gadgets futuristes. Pourtant, lorsqu’il parle d’intelligence artificielle (IA), ses yeux pétillent comme ceux d’un enfant découvrant une technologie promise à changer le monde. « Quand on parle d’IA, les gens pensent tout de suite à des robots futuristes ou à des machines qui remplaceraient l’humain. Mais dans mon expérience, l’IA est avant tout une présence discrète, presque invisible, qui rend mes journées plus efficaces et mes décisions mieux éclairées », dit-il, le ton calme, presque professoral.
Dans le décor feutré du Château de Réduit, l’IA s’est immiscée sans fracas. Pas de robot humanoïde dans les couloirs, mais des logiciels discrets qui digèrent l’information et fluidifient le quotidien. « Le temps est ma ressource la plus précieuse et aussi la plus rare. L’IA m’aide à le gérer », confie-t-il.
Chaque semaine, des montagnes de dossiers s’entassent sur son bureau : rapports économiques, analyses géopolitiques, brèves internationales. Les algorithmes réduisent tout cela en quelques points essentiels. « Ce n’est pas un remplacement de l’expertise humaine, mais une amplification des capacités de mon équipe. »
À cette rationalité s’ajoute une autre fonction, plus subtile : l’aide à la communication. « Chaque mot d’un président est pesé, parfois scruté. L’IA m’accompagne dans les premières étapes de rédaction : organiser mes idées, proposer des structures, intégrer divers points de vue. Mais le message final, lui, reste toujours le mien. »
Car la technologie n’est pas cantonnée à la sphère protocolaire. Elle traverse aussi la vie personnelle du chef de l’État. « J’utilise des applications d’apprentissage linguistique pour perfectionner différentes langues. C’est une façon simple mais précieuse de rester connecté à la diversité culturelle de Maurice », raconte-t-il.
Son smartphone lui suggère de nouveaux artistes, parfois inattendus. « Même dans le domaine artistique, l’IA me fait découvrir de nouvelles musiques ou des artistes que je n’aurais jamais connus autrement. »
L’homme n’oublie pas pour autant ses responsabilités internationales. En novembre, il a pris la parole en Norvège, au Forum sur la gouvernance de l’Internet. « Ces échanges m’ont confirmé que même un petit État insulaire comme le nôtre peut jouer un rôle majeur sur la scène mondiale. » Dans son discours, devant des dirigeants, des innovateurs et des décideurs politiques, il a insisté sur une gouvernance éthique de l’IA, convaincu que la confiance est la clé.
À Maurice, il rappelle la présentation du Digital Blueprint 2025-2029, véritable feuille de route nationale. « Ce plan, c’est notre engagement collectif pour une société plus numérique, mais aussi plus juste. L’IA doit être une opportunité, pas une fracture. »
Le mot revient, encore et toujours : éthique.
« Mon enthousiasme pour l’IA s’accompagne d’une grande vigilance. La technologie doit rester au service de l’humain, et non l’inverse. L’IA doit enrichir notre intelligence collective, pas creuser les inégalités. »
Lui qui a connu l’arrivée d’Internet voit aujourd’hui dans l’IA une révolution comparable. D’ailleurs, il considère l’IA comme « une étape charnière ». Pour lui, l’enjeu n’est pas de se protéger de cette avancée, mais de « l’apprivoiser intelligemment ».
Concrètement, il voit déjà des retombées positives. Dans l’éducation, dit-il, « l’IA peut adapter les contenus pédagogiques au rythme de chaque élève ». Dans la santé, « elle peut aider les médecins à diagnostiquer plus tôt certaines pathologies ». Et dans l’économie, « elle peut donner aux entrepreneurs la capacité d’anticiper les tendances et d’innover avec plus d’assurance ».
Mais il le répète : la technique ne suffit pas. « Il nous faut donner à tous – jeunes et moins jeunes – les compétences, la curiosité et surtout le sens éthique pour utiliser l’IA de manière éclairée. »
Sa conviction est limpide : « L’IA ne nous rend pas moins humains. Au contraire, elle nous libère du temps pour l’être davantage. Elle nous aide à nous concentrer sur ce qui compte : écouter, comprendre, créer et diriger avec sagesse. »
Puis vient la conclusion, presque en forme de manifeste : « Alors que Maurice s’engage dans cette ère de transformation, je suis convaincu que si nous combinons innovation et sagesse, technologie et compassion, l’IA ne sera pas une force qui dicte notre avenir, mais un partenaire qui nous aidera à le construire, ensemble. »

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !