Entre le sucre qui caramélise, les fruits confits et les souvenirs d’enfance, les frères Khaidoo ont transformé le métier de leur père en un véritable héritage vivant, moderne et florissant.
Ils ont grandi au milieu des bassines de sucre, des parfums de coco, d’ananas, de mangue et de papaye confite. La cuisine a toujours été le cœur battant de la famille Khaidoo, à Rivière-du-Rempart. Des années plus tard, les frères Faïz, 31 ans, et Fadil, 32 ans, ont choisi de reprendre ce commerce comme on reprend un héritage vivant : pas seulement un métier, mais une histoire de famille, de goût et de passion.
Leur père, Rahamatoolla Khaidoo, 65 ans, récemment retraité, a passé des décennies à sillonner le Sud, puis les plages de Flic-en-Flac, les dimanches et jours fériés, avec ses fruits confits et ses fruits tropicaux frais. « Nou papa ti enn travayer. Li pa ti konn repo. Li ti fer sa metie pou met manze lor latab », confient les deux frères, d’une voix où perce une émotion retenue.
Enfants, ils le regardaient préparer, couper, sécher, cristalliser. Ils le regardaient charger sa « tant bazar », sourire au soleil, discuter avec ses clients fidèles. Sans qu’ils s’en rendent compte, ils apprenaient déjà le métier qui les attendait.
Les deux frères ont effectué leur scolarité au Keats College, à Chemin-Grenier. Après le Higher School Certificate, leurs chemins se séparent : Faïz se dirige vers le graphic design, attiré depuis toujours par l’art et l’image. Fadil choisit l’informatique, passionné par la logique et la technologie. Rien, en apparence, ne les destinait à reprendre le commerce familial. Mais la vie, comme souvent, avait ses propres plans.
La relève
Avec l’âge, Rahamatoolla fatigue. Le soleil, les routes, le poids des caisses… tout devient plus difficile. Pourtant, les clients ne cessent de réclamer ses produits. « Zot ti dir : Rahamatoolla, pa arete. Pa koup sa tradision-la. Nou bizin ou bann frwi. » Alors la question devient inévitable : qui prendra la relève ? Pour Faïz et Fadil, ce métier n’est pas un métier comme les autres. C’est l’histoire de leur père. C’est l’histoire de leur famille. C’est une part d’identité mauricienne. « Nous n’avons jamais regretté. Quitter nos métiers, c’était un sacrifice… mais aussi un retour à l’essentiel. »
Si Rahamatoolla était l’âme du commerce, Sahira, leur mère, en est le cœur. C’est elle qui prépare encore aujourd’hui les sauces sucrées qui accompagnent les fruits tropicaux : la sauce coco-ananas, la sauce rouge traditionnelle, la sauce parfumée à la cannelle, les sirops épicés… Des saveurs qui rappellent l’enfance, les foires, les dimanches à la plage. « Mama li enn trezor. San li, nou biznes pa ti pou ena sa mem gou tradisionel », reconnaît Faïz. Elle transmet ses recettes avec patience, mais aussi une exigence de qualité qui marque profondément ses fils.
L’expansion
Quand ils reprennent l’activité, les frères croient d’abord à une solution temporaire. Mais la demande explose vite : les clients reconnaissent le goût, la fraîcheur, l’authenticité. Ils louent un premier local à La Source, Quatre-Bornes, où ils installent la production, le stockage et la distribution. Pendant trois ans, ils travaillent sans relâche.
Puis une opportunité surgit : Port-Louis. La capitale, avec ses marchés vibrants, ses bureaux, ses touristes, devient leur nouveau laboratoire. Là, leur concept change d’échelle. « Porlwi inn donn nou vizibilite. Nou kapav inove ankor plis. »
À la tête d’Anaco, ils modernisent le savoir-faire transmis par leurs parents : fruits sculptés en forme de fleur, cups en melon d’eau garnies de fruits frais, confits ou glacés, flavins râpés multicolores, présentation soignée, signature visuelle. Mais leur création-phare reste leur topping signature : une sauce à base de coco, d’ananas et de mangue cuite dans un sirop rouge, audacieuse, brillante, entièrement mauricienne. « Nou travay pou amenn nouvote, san perdi lam tradisionel. »
Les frères Khaidoo incarnent une vérité simple : l’entrepreneuriat ne se mesure ni en diplômes ni en titres, mais en passion, en travail et en authenticité. « Nou papa inn donn nou enn metie. Enn vre trezor. Nou pe transmet sa avek respe. » Et leur père Rahamatoolla, fier et ému, les observe avancer là où il a marché seul pendant des décennies. « Lamour pou sa travay-la ti dan nou ADN », dit-il, sourire pudique.
L’histoire de Faïz et Fadil, c’est celle d’une génération qui revient aux sources. Une génération qui comprend que l’avenir se construit avec l’héritage. Une génération qui n’a pas peur de se retrousser les manches, d’innover, d’oser. À Port-Louis comme à Flic-en-Flac, leurs produits sont devenus synonymes de qualité, tradition et créativité.
Deux frères. Deux parcours. Un seul destin : faire vivre – et grandir – le rêve commencé par leur père.
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