
En 2025, IBL a enregistré une croissance de 19 % de son chiffre d’affaires, avec plus de la moitié des revenus générés à l’international. Pour son Chief Financial Officer, Cedrik Le Juge, Maurice reste le centre opérationnel du groupe, qui y développe ses compétences et pilote son expansion régionale.
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IBL a enregistré une croissance de 19 % de son chiffre d’affaires en 2025, avec plus de la moitié des revenus générés hors de Maurice. Comment expliquez-vous cette performance et quel rôle joue la stratégie Beyond Borders dans cette dynamique ?
Beyond Borders n’a jamais été une quête de croissance à tout prix, mais plutôt la volonté délibérée de transformer une expertise mauricienne reconnue en moteur de croissance pérenne sur des marchés à fort potentiel. Nous avons privilégié des secteurs que nous maîtrisons – le retail, la distribution pharmaceutique et de produits de grande consommation, l’industrie – et, crucialement, nous avons tissé des partenariats locaux robustes qui nous permettent de mieux comprendre les réalités et les enjeux de chaque marché.
Cette rigueur stratégique a porté ses fruits : comme vous le rappelez, le chiffre d’affaires a progressé de 19 % pour atteindre Rs 120,8 milliards. Plus révélateur encore, 54 % de nos revenus proviennent désormais de l’international, contre à peine 15 % il y a cinq ans. C’est la démonstration qu’une expertise bâtie à Maurice peut rayonner bien au-delà de nos frontières, tout en consolidant notre ancrage local.
Quels sont aujourd’hui, selon vous, les marchés ou les secteurs les plus porteurs pour le Groupe, et où voyez-vous les prochaines opportunités d’expansion ?
L’Afrique de l’Est et l’océan Indien constituent nos principaux relais de croissance. Au Kenya, avec Naivas, nous avons franchi le cap des 110 magasins et le potentiel reste considérable dans la grande distribution, porté par l’urbanisation rapide et l’émergence d’une classe moyenne dynamique. Dans la santé, Harley’s et HealthActiv bâtissent un réseau régional de distribution pharmaceutique intégré pour répondre au mieux à une demande croissante en matière d’accès aux soins. Côté boissons, Phoenix Beverages continue de renforcer sa position dans la région. Cela a débuté il y a près de neuf ans avec l’acquisition d’Edena à La Réunion, et plus récemment, avec le rachat stratégique de Seychelles Breweries.
Ces trois secteurs – grande distribution, santé et boissons – concentrent nos efforts, car ils conjuguent volume, résilience et génération de cash-flow. Mais nous cherchons à construire des écosystèmes, et le succès de ces secteurs permet à d’autres d’envisager une croissance ou une implémentation organique, comme dans les énergies renouvelables, la distribution de produits de grande consommation ou encore l’immobilier logistique, qui peuvent tous, à leur niveau, accompagner la croissance des économies régionales.
IBL est présent dans la construction, l’agro-industrie, l’énergie, la santé ou encore la logistique. Quels secteurs considérez-vous comme prioritaires pour soutenir la croissance nationale dans les prochaines années ?
D’abord l’énergie : sans capacité de production fiable et durable, aucun pays ne peut soutenir sa croissance. Nous investissons dans 36 MW de projets solaires qui contribueront à la transition énergétique nationale. Ensuite, nous pouvons être fiers d’avoir dans le pays des filières industrielles qui sont des centres d’expertise forts, des pourvoyeurs importants d’emploi et souvent tournées vers l’export. La filière du seafood, dans laquelle des sociétés du Groupe interviennent sur toute la chaîne de valeur, en est un très bon exemple pour IBL. Ce sont, cela dit, des filières parfois fragiles, plus sensibles aux chocs externes et que nous avons à cœur de préserver.
Enfin, le retail et la distribution, qui garantissent la sécurité alimentaire et préservent le pouvoir d’achat des ménages, sont des secteurs prioritaires non seulement pour IBL, mais pour l’ensemble de la société mauricienne.
Quels sont les défis majeurs auxquels font face les entreprises mauriciennes aujourd’hui ?
Le premier défi reste le coût du travail, qui a fortement augmenté et pèse lourdement sur les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme l’industrie, le commerce ou l’hôtellerie. Le deuxième concerne la compétitivité dans un environnement de marchés ouverts. Nous faisons face à des concurrents régionaux et mondiaux tout en opérant depuis une petite île avec des contraintes logistiques importantes. Enfin, la volatilité macroéconomique – qu’il s’agisse des taux d’intérêt, des devises ou des coûts d’importation – accentue l’incertitude ambiante. Face à ces défis, les entreprises mauriciennes doivent impérativement gagner en productivité, en agilité et en capacité d’innovation.
L’Afrique de l’Est et l’océan Indien constituent nos principaux relais de croissance.»
Comment les entreprises mauriciennes doivent-elles s’adapter pour rester compétitives dans un contexte marqué par la transformation digitale, la transition énergétique et les attentes croissantes en matière de durabilité ?
Il faut appréhender ces transformations non comme des contraintes, mais comme de véritables leviers de croissance. La digitalisation permet d’améliorer l’expérience client, de réduire les coûts opérationnels et de prendre des décisions éclairées fondées sur les données. La transition énergétique, si elle est correctement accompagnée, peut réduire notre dépendance aux importations fossiles et renforcer notre autonomie stratégique. Quant à la durabilité, elle est désormais une attente forte des consommateurs, des investisseurs et de nos collaborateurs et, pour notre pays au capital naturel si stratégique, ce n’est plus un facteur « négociable » dans une stratégie de long terme. IBL a pris l’initiative de lancer le Responsible Business Summit, qui rassemble aujourd’hui plusieurs grandes entreprises autour d’un agenda commun.
Pensez-vous que Maurice attire suffisamment d’investissements étrangers, et quels leviers devraient être actionnés pour renforcer son attractivité économique ?
Maurice conserve des atouts indéniables : stabilité politique, cadre juridique solide et ouverture internationale. Mais la concurrence s’intensifie : nous faisons face à une pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, à une fuite de talents qui s’accélère et à une concentration des investissements étrangers sur des segments relativement restreints de l’économie, notamment l’immobilier. Un cadre de gouvernance de haut niveau sera, à mon sens, un facteur déterminant pour permettre à Maurice d’atteindre pleinement son potentiel de rayonnement régional. Il est également crucial d’offrir un environnement fiscal compétitif et stable. Les investisseurs ont besoin de visibilité et de confiance pour engager des projets à long terme.
L’attractivité dépend aussi de la qualité de nos infrastructures, tant physiques que digitales, et de notre capacité à offrir un environnement véritablement durable. Les entreprises mauriciennes, à travers leurs investissements régionaux, peuvent jouer un rôle d’ambassadeurs en démontrant qu’à partir de Maurice, il est possible de bâtir des plateformes régionales performantes.
L’Afrique de l’Est et l’océan Indien sont devenus des zones majeures de croissance pour IBL. Quels sont vos objectifs concrets dans ces régions, et pensez-vous que Maurice reste un hub stratégique pour orchestrer cette expansion internationale ?
Nous cherchons désormais à consolider nos positions existantes et à poursuivre une croissance sélective et maîtrisée. En Afrique de l’Est, nous continuons à renforcer Naivas et Harley’s. Dans l’océan Indien, nous avons établi une présence solide à La Réunion et aux Seychelles, avec des marques fortes comme Edena, Run Market ou Seychelles Breweries. Maurice demeure notre centre névralgique d’expertise et notre vivier de talents. Nous nous appuyons sur des équipes managériales locales de grande qualité, qui maîtrisent leurs marchés, et nous cherchons à les accompagner au mieux sur les sujets stratégiques ou de transformation, afin d’y ajouter de la valeur. Cette synergie où les talents se complètent est vraiment passionnante à voir au quotidien.
Près de 20 000 de nos collaborateurs travaillent à Maurice et c’est ici que nous développons les compétences que nous déployons ensuite dans la région. Donc oui, Maurice reste un hub stratégique dans l’écosystème régional, non seulement par sa position géographique, mais surtout par la qualité de ses ressources humaines et de son écosystème financier.

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