À Maurice, la disparition d’Ackmez Aumeer, 9 ans, à Pailles en janvier 2003, reste à ce jour non élucidée. Elle rappelle l’affaire Gregory : ce garçon de 4 ans, disparu en 1984 dans les Vosges, en France. Ces deux affaires présentent des points communs : un enfant en bas âge disparu dans des circonstances mystérieuses, des enquêtes longues et complexes, et des familles plongées dans l’angoisse et l’incertitude.
Contrairement au petit Gregory Villemin, dont le corps a été retrouvé non loin de sa maison le 16 octobre 1984, celui d’Ackmez Aumeer, qui serait aujourd’hui âgé de 31 ans, est toujours introuvable. Au fil des ans, les espoirs se réduisent, mais l’espoir perdure même si l’enquête est au point mort, a-t-on appris du côté des Casernes centrales en fin de semaine.
En 2011, le Central CID a réouvert le dossier et a envisagé de collaborer avec des experts étrangers, mais l’absence totale d’indices matériels a restreint ses possibilités. En l’absence de nouveaux éléments de preuves, soit des « fresh & compelling evidence », le cas est toujours classifié comme « Cold Cases », c’est-à-dire des affaires non résolues.
Toutefois, hors de question de baisser les bras pour les enquêteurs. En effet, ils lancent un appel à témoins et invitent toute personne disposant d’informations utiles à se présenter aux Casernes centrales, où leur anonymat sera garanti. Ils affirment qu’une nouvelle piste pourrait relancer l’enquête.
Pour la famille, en revanche, le temps est devenu l’ennemi le plus cruel : témoins disparus, souvenirs effacés, informations diluées.
Le jour où la vie d’une famille bascule
En ce samedi 25 janvier 2003, à Camp Chapelon, rien ne présageait le drame qui allait se jouer plus tard. Ackmez, 9 ans, jouait dans la cour avec son petit frère. Ce dernier s’absente quelques minutes pour aller récupérer du pain et de l’eau dans la maison et lorsqu’il revient, Ackmez n’est plus là. Il va voir sa mère pour lui dire : « Mo nepli trouve Bhai ».
À partir de cet instant, la vie de la famille Aumeer bascule. La police lance une première opération de recherche. Le quartier est passé au peigne fin. Une maison est inspectée après des bruits d’enfants signalés, mais les recherches ne révèlent rien. L’enquête se heurte à une succession de pistes contradictoires : enlèvement, règlement de comptes ou erreur d’identité sur la « cible » des kidnappeurs. Un oncle est interrogé, avant d’être finalement disculpé.
Les pistes explorées sans succès
Depuis 2003, l’affaire Aumeer a été ponctuée de rebondissements, ravivant à chaque fois l’espoir de retrouver le garçon avant de s’effacer. Pour la famille, ces appels raniment à la fois l’espoir qu’Ackmez soit encore en vie et l’amertume de voir l’enquête incapable d’en identifier les auteurs.
Au niveau des Casernes centrales, dès le Jour 1, plusieurs unités de police ont été appelées à travailler sur l’affaire. Le dossier a passé par les mains des enquêteurs de la Criminal Investigation Division (CID) de Port-Louis Sud, la Major Crimes Investigation Team (MCIT), ainsi que les équipes spécialisées de « Cold Cases » au sein du CCID. Ceux qui ont mené l’enquête, passés et présents, affirment avoir exploré de nombreuses pistes, sans résultat concret.
Focus sur quelques-unes des pistes les plus significatives
Les enquêteurs de la Major Crimes Investigation Team avaient à un moment orienté leurs investigations vers un individu qui aurait proposé un cerf-volant « Karambol » au petit Ackmez Aumeer, le jour de sa disparition. Des enquêteurs, placés sous la férule du défunt surintendant de police Prem Raddhoa, avaient obtenu une piste sur le voisinage du disparu où un habitant de Camp Chapelon avait été identifié comme l’auteur de cette offre. Cette piste était non négligeable à l’époque.
Cet individu serait le seul à avoir dit avoir aperçu une fourgonnette dans laquelle se trouvaient des gens encagoulés, qui auraient embarqué le garçonnet, explique un enquêteur ayant labouré le terrain en quête d’indices. Mais en approfondissant leurs investigations sur cette piste, aucun élément concret n’était ressorti, déplore un limier.
Ce dernier se demande si les malfrats derrière la disparition du petit n’ont pas embobiné les enquêteurs de l’époque et les ont entraînés sur de fausses pistes. « Eski dan sa case la akizer ti vin informateur la police pou detour lanket ? », a-t-il confié au Défi Plus.
La piste d’un vol de cannabis
Un ex-enquêteur de la MCIT évoque la thèse d’un règlement de comptes lié à une histoire de cannabis (gandia). À l’époque, le père d’Ackmez, cultivateur de bananes, l’aurait un jour emmené avec lui. L’enfant aurait-il été repéré et identifié par des malfrats qui en voulaient au père ? Ils auraient reproché à ce dernier d’être mêlé à un vol de plantations de cannabis, non loin d’une culture de bananes.
La police a suivi la piste selon laquelle Ackmez aurait été kidnappé près de chez lui par des cultivateurs de gandia, par vengeance. Mais en creusant cette hypothèse, aucun élément concret n’a émergé.En 2004, un détenu nommé Antoine Chetty a prétendu posséder des informations sur la disparition du garçon. Toutefois, les vérifications sont restées sans issue. Huit ans plus tard, un SMS affirmait qu’Ackmez est « sous contrôle » et pourrait être relâché. Puis, en 2015, les parents de l’enfant reçoivent un appel troublant. Au bout du fil, une voix masculine soutient être Ackmez et se trouver dans l’est du pays. En 2023, la mère reçoit un appel similaire durant lequel un interlocuteur anonyme affirme être son fils. Il lui dit : « Mo pe viv dan enn lakaz Poste-de-Flacq… Mo an danzer ». Le Groupement d’Intervention de la Police Maurice (GIPM) est déployé dans le quartier signalé, sans résultat. D’autres recherches ont été menées dans plusieurs régions suite à des informations faisant état de la présence d’Ackmez Aumeer à différents endroits, notamment Vacoas, Flacq, Baie-du-Cap, Cité La Cure. Toutefois, elles sont demeurées infructueuses.
Grégory : un mystère qui perdure
L’affaire Gregory débute le 16 octobre 1984 dans les Vosges, lorsqu’un garçon de quatre ans, Gregory Villemin, est enlevé à son domicile de Lépanges-sur-Vologne et retrouvé mort le soir même dans la rivière Vologne, à quelques kilomètres de là. Rapidement, l’enquête se complique : de multiples pistes sont explorées, allant de l’enlèvement familial à un règlement de comptes, en passant par des erreurs d’identité sur la « cible » des kidnappeurs. Plusieurs proches, dont un oncle, sont interrogés puis disculpés, tandis que des appels anonymes continuent de nourrir les mystères et les fausses pistes.
En 2011, face à l’absence de résultats concrets et à la complexité des dossiers, le Central CID décide de rouvrir l’enquête et envisage une collaboration avec des experts étrangers. L’objectif est de réexaminer les preuves anciennes et d’explorer de nouvelles pistes scientifiques, notamment l’ADN et les analyses comparatives, dans l’espoir de résoudre un drame qui reste l’un des faits divers les plus marquants et énigmatiques de l’histoire criminelle française.
Dernier développement en date : le 24 octobre 2025, Jacqueline Jacob, la grand-tante de Gregory, a été mise en examen pour « association de malfaiteurs criminelle ».
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