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Agression mortelle à la prison de Melrose : une commission d’enquête qui interroge

Vendredi dernier, à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Navin Ramgoolam a annoncé la mise sur pied d’une commission d’enquête à la suite de la mort du détenu Andy Selmour. Cette commission, instituée en vertu du Public Inquiries Act et présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen, vient s’ajouter à une enquête menée par la police criminelle. 

Mais cette double procédure divise. Entre ceux qui y voient une démarche nécessaire pour établir les responsabilités systémiques et ceux qui la jugent inutilement lourde, les juristes et défenseurs des droits de l’homme interrogent autant l’efficacité du dispositif mis en place que les défaillances structurelles du système pénitentiaire mauricien.

Pour Me Jean Claude Bibi, la décision relève avant tout du politique. « Une commission d’enquête vise à établir les faits et à situer les responsabilités. Selon son mandat, elle peut examiner des aspects larges, comme les politiques carcérales », explique l’avocat. Cette démarche ne remplace pas l’enquête policière ou judiciaire, précise-t-il, mais peut « mettre en lumière des manquements, recommander des poursuites et proposer des réformes structurelles, notamment en matière de prisons, de supervision et de prévention ».

L’avocat est catégorique sur un point : les conclusions d’une commission d’enquête ne peuvent pas, en elles-mêmes, mener à des poursuites pénales. « La prérogative de poursuivre au pénal à Maurice revient exclusivement au DPP », rappelle-t-il. En revanche, les commissions d’enquête disposent souvent de pouvoirs d’investigation étendus, parfois plus larges que ceux de certaines institutions, leur permettant d’entendre des témoins sous serment et d’exiger la production de documents. À l’issue de ses travaux, le rapport est remis au président de la République, puis transmis au Cabinet, qui décide de sa publication et des suites à donner.

Perte de temps

Interrogé sur le risque que la commission se limite à des responsabilités administratives, Me Jean Claude Bibi reconnaît que cette possibilité existe. « Tout dépendra des preuves recueillies », dit-il. Si des éléments susceptibles de poursuites pénales émergent, le rapport peut être transmis au DPP, à la police ou à d’autres autorités compétentes.

Me Ravi Rutnah, lui, ne cache pas son scepticisme. Pour lui, la mise en place d’une commission d’enquête en parallèle de l’enquête policière constitue une perte de temps. Les conclusions de la commission pourraient prendre des années, sans garantie de publication, estime-t-il. Pire, selon lui, cette procédure ralentit une affaire qui aurait dû être rapidement élucidée. « Nous avons dépassé le simple cadre d’un règlement de comptes. Il y a vraisemblablement un gang à l’œuvre », affirme-t-il.

Les suspects sont des détenus, les autorités disposent de la vidéosurveillance : pour Me Ravi Rutnah, l’enquête policière aurait dû être rapidement bouclée. « Un mort en prison dans de telles circonstances, c’est grave », souligne-t-il, rappelant que la famille d’Andy Selmour dispose de recours juridiques. Elle peut notamment engager une action contre l’État, en tant que commettant, et contre le Commissaire des prisons, en tant que préposé.

Au-delà du drame individuel, Me Jean Claude Bibi voit dans cette affaire le symptôme d’un système carcéral à réformer en profondeur. L’avocat évoque la présence de drogue en prison et la corruption qui affecte plusieurs organismes. Il appelle à une révision de la formation des surveillants et de leur grille salariale afin « de réduire les risques de dérives ».
 

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