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Donneurs réguliers, les vrais héros de l’ombre 

Jocelyn Amadis et M. A. Ancsy Nanette partagent une conviction commune : le don est un geste désintéressé qui sauve des familles entières. Ils lancent un appel à la solidarité et rappellent l’urgence d’un engagement régulier.

Jocelyn Amadis : donner, encore et toujours depuis… 40 ans

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C’est dommage qu’on puisse perdre sa vie faute d’avoir une poche de sang, 
dit Jocelyn Amadis.

Donneur de sang depuis ses 20 ans, Jocelyn Amadis, aujourd’hui âgé de 59 ans, perpétue avec fierté une tradition familiale. Membre actif de la Blood Donors Association (BDA), il continue de porter haut le message du don, même si un problème de santé l’empêche, pour l’heure, de tendre le bras.

Tout a commencé avec son père. Donneur régulier, celui-ci lui a transmis bien plus qu’une habitude : un véritable esprit de solidarité. « Au départ, je donnais surtout pour des membres de la famille ou des amis qui en avaient besoin », confie-t-il.

Pendant longtemps, Jocelyn Amadis se contentait de deux dons par an. Un rythme qu’il juge aujourd’hui trop modeste. Le déclic est venu il y a une dizaine d’années, lorsqu’il rejoint la BDA. « C’est à ce moment-là que je me suis engagé plus sérieusement. Je donnais jusqu’à quatre fois par an », raconte-t-il.

Mais son engagement dépasse largement ses propres dons. Passionné de théâtre, il a trouvé un moyen inattendu de sensibiliser les plus jeunes : l’expression artistique. À Bambous, puis au Morne, il encadre des enfants et les entraîne dans des projets créatifs autour du don de sang. Lors d’un carnaval, ils défilent avec des pancartes frappées de slogans forts, comme ce désormais célèbre : « Kan mo vinn gran mo pou donn mo disan ». « Cela a déclenché quelque chose chez certains parents. Ils se sont mis à donner, eux aussi », dit-il avec une fierté discrète. Et la relève est assurée : plusieurs enfants qu’il suivait sont devenus donneurs dès leur majorité.

Depuis l’an dernier, un ennui de santé le tient temporairement éloigné des centres de collecte. Une pause forcée qui lui rappelle à quel point le réseau qu’il s’est construit est précieux. Lorsque sa fille – aujourd’hui décédée – avait besoin de sang, puis plus récemment son épouse, il a pu compter sur la solidarité des donneurs. « En tant que donneurs réguliers, nous avons des contacts. C’est important quand on traverse une épreuve et qu’on a besoin de sang pour une transfusion ou avant une intervention », affirme-t-il.

Même s’il ne peut plus donner pour l’instant, Jocelyn Amadis n’a rien perdu de son enthousiasme. À la tête d’une entreprise familiale de catering, il sponsorise régulièrement les collectes et offre des repas aux volontaires. 

Son engagement lui a aussi permis d’acquérir des connaissances qu’il partage volontiers. « J’ai beaucoup appris sur le rôle des plaquettes et tout ce qui entoure le don. Je ne donne pas mon sang de manière mécanique », explique-t-il. Il insiste sur un point souvent ignoré : un seul don peut sauver jusqu’à trois vies.

Pour lui, donner son sang est aussi bénéfique pour le donneur. « On devient plus soucieux de sa santé. Et puis, chaque don s’accompagne d’un petit check-up. Certains découvrent ainsi qu’ils souffrent d’hypertension ou de diabète », raconte-t-il.

Ce qui l’inquiète davantage, en revanche, c’est la démographie des donneurs. « Les plus réguliers ont plus de 40 ans. Beaucoup de jeunes ont peur de l’aiguille… » regrette-t-il. Une raison de plus pour poursuivre son combat auprès des nouvelles générations. Dans les collèges, l’objectif est double : expliquer l’importance d’avoir une vie saine, sans consommation de substances illicites, et montrer que donner son sang, c’est aussi aider les autres. « Pour un détail aussi simple qu’un manque de sang à la banque de sang, on peut perdre un patient. C’est dommage qu’on puisse perdre sa vie faute d’avoir une poche de sang. On ne peut pas se le permettre », martèle-t-il.

Ancsy Nanette : vaincre sa phobie pour redonner vie 

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Donner son sang, c’est gratuit, sans rien attendre en retour, dit Ancsy Nanette.

Donneuse régulière depuis près de vingt ans, M. A. Ancsy Nanette incarne un engagement profond envers le don de sang. Malgré une phobie tenace des aiguilles, elle se rend deux à trois fois par an aux collectes, déterminée à faire sa part, et à entraîner les autres avec elle.

Le déclic remonte à sa première grossesse, il y a 18 ans. Son médecin lui apprend alors qu’elle possède un groupe sanguin rare et particulièrement recherché : le O positif, groupe universel. Elle réalise également que, chaque année, des personnes meurent faute de transfusion. « Ce jour-là, quelque chose s’est passé dans ma tête. J’ai aussi repensé à un accident que j’avais eu peu de temps avant. J’ai voulu aider les autres », raconte-t-elle.

Une expérience marquante va ancrer définitivement cette conviction. Lors du passage à Maurice d’une amie, la fille de celle-ci tombe malade et a besoin d’une transfusion. Par chance, la fillette partage le même groupe sanguin qu’Ancsy. « Après avoir donné mon sang, elle s’est rétablie. J’ai ressenti une immense joie. Je me suis dit que si elle était décédée, le monde se serait écroulé pour ses parents », confie-t-elle. Depuis, elle voit le don de sang non comme un geste altruiste : « C’est redonner vie à une personne. »

Année après année, elle continue donc à donner, malgré la peur des seringues, qu’elle affronte à chaque visite. « Je pense aux vies que cela peut sauver. Sauver une personne, c’est sauver une famille entière », dit-elle. Elle exprime aussi sa gratitude envers Dewanand Hossen, président de la Blood Donors Association, pour son soutien constant.

La solidarité, chez elle, se vit en famille. Son fils, 22 ans, donne son sang depuis sa majorité. Pour le convaincre, elle lui avait demandé d’imaginer une personne mourante, une famille dans l’attente désespérée d’un donneur. Son mari, lui aussi ancien donneur régulier, a dû arrêter après avoir été diagnostiqué diabétique.

Ancsy Nanette regrette toutefois que certains ne se présentent que lorsqu’un proche a besoin de sang. « Pourtant, cela peut arriver à n’importe lequel d’entre nous. Au lieu d’attendre une urgence, ce devrait être une motivation pour donner régulièrement », déplore-t-elle. À ses yeux, le don prend toute sa force lorsqu’il est complètement désintéressé : « Le geste est plus grand quand on ne sait pas à qui il profitera. C’est un don gratuit, sans attente. »

Elle en appelle à la solidarité typiquement mauricienne : « Aider ceux en difficulté fait partie de notre culture. Nous sommes comme une famille à Maurice. » Aux femmes en particulier, elle adresse un message : donner son sang non pour faire plaisir, mais en pensant à ceux qui n’ont plus d’autre espoir. « Quand on sauve la vie d’un inconnu, quelqu’un d’autre sera là pour nous quand nous en aurons besoin », insiste-t-elle. Pour elle, donner son sang rend plus « humain ». « Cela change notre regard sur les autres : un inconnu peut, à travers son geste, nous sauver la vie », conclut-elle, avec une conviction qui ne faiblit pas.

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