
Face à la montée des détresses émotionnelles dans les écoles, les psychologues scolaires redoublent d’efforts pour accompagner les élèves. Le ministère de l’Éducation affirme ne laisser aucun enfant seul face à la détresse : un dispositif complet est mis en place pour prévenir, écouter et accompagner.
Les établissements scolaires font face à une hausse des situations de détresse émotionnelle chez les élèves. Face à cette réalité préoccupante, le ministère de l’Éducation, par le biais du Dr Vedhiyen Moonsamy, Acting Director de la Health & Wellness Directorate, intensifie ses efforts pour offrir un soutien psychologique adapté.
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Il souligne que lorsqu’un élève perd un camarade, les psychologues scolaires interviennent : « Un espace sécurisé est aménagé au sein de l’école pour permettre aux élèves d’exprimer leurs émotions sans crainte. Les séances peuvent être individuelles ou en groupe, et les étapes du deuil — déni, colère, marchandage, dépression, acceptation — sont expliquées de manière adaptée à l’âge des enfants. »
De plus, les enseignants sont formés pour aborder le sujet en classe et repérer les signes de détresse. Les parents, eux, reçoivent des conseils pour soutenir leurs enfants à la maison et sont informés des procédures de référencement en cas de besoin. Si un élève nécessite un accompagnement plus approfondi, il est orienté vers les services spécialisés.
Aborder le suicide avec tact
Le sujet du suicide est traité avec une extrême délicatesse. « L’objectif est de créer un climat de confiance où les élèves peuvent s’exprimer librement. Les psychologues insistent sur le fait que le suicide est lié à une grande souffrance et que demander de l’aide est un acte de courage. Le discours est adapté à l’âge des élèves, sans jugement ni culpabilisation », insiste le Dr Vedhiyen Moonsamy.
Les camarades sont aussi encouragés à parler à un adulte de confiance s’ils remarquent des signes de détresse chez leurs amis. Les procédures de référencement vers des unités spécialisées comme LifePlus ou les hôpitaux sont expliquées aux élèves des classes supérieures.
Signes à surveiller
Les enseignants et les parents sont invités à être attentifs à des changements émotionnels ou comportementaux : pleurs fréquents, agressivité, isolement, baisse des performances scolaires, propos inquiétants sur la mort, automutilation, perte de poids ou d’appétit. « Même si ces signes ne traduisent pas toujours un danger imminent, une intervention précoce peut éviter une aggravation de la souffrance », avise-t-il.
Les psychologues scolaires travaillent main dans la main avec les enseignants, les responsables scolaires et les parents. Ces derniers sont sensibilisés à l’importance du dialogue ouvert avec leurs enfants et à la reconnaissance des signes de détresse. Des visites à domicile sont effectuées par les travailleurs sociaux pour accompagner les familles et leur offrir des conseils pratiques.
Dispositifs de soutien renforcés
Pour prévenir les situations de crise, le ministère a mis en place plusieurs structures :
- Le “Student Care and Counselling Desk” dans les collèges d’État, animé par des enseignants bénévoles.
- Les “Counselling Units” ou “Services d’Écoute”, présents dans 62 collèges, animés par des psychologues et travailleurs sociaux.
- Des causeries en classe sur la prévention du suicide, la santé mentale et les stratégies d’adaptation.
- Des techniques de respiration, le sport et d’autres activités pour aider les élèves à gérer leurs émotions.
Prévention dès le plus jeune âge
Un programme de sensibilisation a été introduit dès le Grade 4, axé sur la sécurité corporelle et la régulation émotionnelle. Des campagnes continues abordent des thèmes comme la gestion de la colère, la discipline et les comportements difficiles. Les écoles collaborent avec des partenaires tels que le ministère de la Santé, le ministère du Genre et la Brigade pour la protection de la famille. En outre, des outils simples mais efficaces, comme des marque-pages et des affiches, sont distribués dans les écoles de Maurice, Rodrigues et d’Agalega pour promouvoir le bien-être psychologique et sensibiliser au harcèlement scolaire.
Gestion du stress
En ce troisième trimestre, les élèves se préparent activement aux examens finaux. Afin de les soutenir dans cette étape importante, les causeries proposées mettent l’accent sur la préparation aux examens et la gestion du stress. Ces séances ont pour objectif d’aider les élèves à adopter des méthodes d’organisation adaptées, à développer leur confiance en eux et à apprendre à canaliser leur anxiété de manière constructive. L’approche vise à les outiller pour qu’ils abordent les évaluations avec sérénité et efficacité.
Parallèlement, une série de causeries sera organisée à l’intention des parents dont les enfants feront leur entrée en Grade 1 en janvier 2026. Ces rencontres ont pour but de faciliter la transition entre l’éducation préprimaire et le cycle primaire. Elles permettront aux parents de mieux comprendre les changements auxquels leurs enfants seront confrontés et de se préparer à les accompagner dans cette nouvelle étape.
Solutions innovantes contre le harcèlement scolaire
Depuis janvier, 52 cas de harcèlement scolaire ont été enregistrés dans les établissements primaires et secondaires du pays. Le Dr Arvin Authelsingh, consultant en éducation, fait ressortir que face à l'augmentation des cas, il est impératif d'adopter des solutions novatrices, au-delà des approches traditionnelles, pour garantir un environnement éducatif sûr et propice à l'épanouissement de chaque enfant.
« Les fondements de la lutte contre le harcèlement résident dans la sensibilisation accrue des élèves, du personnel éducatif et des parents, ainsi que dans la formation des enseignants à la détection et à la gestion des conflits. Un cadre disciplinaire clair et juste, combiné à un soutien psychologique accessible aux victimes, demeure essentiel. L'île Maurice a déjà posé des jalons importants avec la Children's Act de 2020, mais l'heure est à l'innovation », soutient-il.
Le consultant en éducation propose certaines mesures adaptées au contexte mauricien.
Il cite des plateformes numériques intégrées : « En développant une application mobile ou une plateforme web sécurisée et anonyme, celle-ci permettrait aux élèves de signaler les incidents de harcèlement, d'accéder à des ressources d'aide psychologique et juridique, et d'interagir avec des modules d'apprentissage sur la citoyenneté numérique et la prévention. »
Le Dr Arvin Authelsingh parle aussi de justice réparatrice et de médiation par les pairs : « L'accent serait mis sur la réparation du tort et la réconciliation, plutôt que sur la seule punition. Des élèves formés à la médiation aideraient leurs camarades à résoudre les conflits, favorisant ainsi l'autonomie et la responsabilité. »
Il ajoute qu’il faut intégrer de manière systématique le développement des compétences socio-émotionnelles (empathie, gestion des émotions, résolution de problèmes) dans le curriculum scolaire. « Ces compétences sont cruciales pour bâtir des relations saines et prévenir les comportements agressifs », indique-t-il.
Selon lui, une attention particulière doit être portée aux enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux, souvent plus vulnérables au harcèlement. Cela implique une formation spécialisée du personnel, des programmes d'inclusion renforcés et des outils de communication adaptés pour leur permettre de signaler les abus et de se sentir en sécurité.
Le Dr Arvin Authelsingh soutient qu’il faut explorer l'utilisation éthique de l'IA pour analyser des données anonymisées (interactions sur plateformes éducatives, mots-clés) afin d'identifier des signaux faibles de harcèlement. Cela permettrait des interventions précoces et ciblées, potentiellement via des partenariats avec des entreprises technologiques locales.

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