Société

La COP 21 vue de Maurice: presque l’indifférence malgré la sensibilisation

Aujourd’hui s’ouvre la 21e édition de la Conférence internationale sur le climat. Une énième occasion pour les 165 pays participants de trouver un consensus afin de combattre le réchauffement climatique. Alors que le débat fait rage sur le plan international, à Maurice, ce n’est pas encore l’effervescence. C’est à Paris que s’ouvre ce lundi 30 novembre la 21e Conférence annuelle des Parties (COP) à la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Cette initiative politique internationale visant à trouver des solutions durables au changement climatique se tiendra jusqu’au 11 décembre 2015. Cette année, les enjeux sont cruciaux. Pour la première fois en plus de 20 ans de négociations aux Nations unies, la conférence sur le climat à Paris tentera d’aboutir à un accord universel, juridiquement obligatoire, sur le climat, avec pour objectif de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés centigrades par année. Si cette conférence s’avère importante pour les militants écologistes, la société civile dans son ensemble n’y prête pas grande attention. Nous avons, pour le confirmer ou l’infirmer, approché quelques étudiants de l’université de Maurice. Sur une dizaine d’étudiants interrogés, seuls deux avaient entendu parler de la COP 21 et connaissaient les enjeux du réchauffement climatique.

Étudiants indifférents

« Non, je n’ai jamais entendu parler de la COP 21 », « le changement climatique, pour moi, c’est le changement de saison, c’est-à-dire, il fait chaud un jour et froid le lendemain », « il fait très chaud ces derniers temps, on n’arrive même plus à se concentrer en classe. C’est peut-être les retombées du changement climatique. » C’est à peu près tout ce qu’on a pu tirer de ces jeunes. Après l’UoM, nous avons approché quelques pêcheurs qui sont directement concernés par la montée des eaux. Les pêcheurs que nous avons interrogés ne se sentent pas encore concernés. « Nous ne connaissons pas ce qu’est le changement climatique. Nous n’en avons jamais entendu parler. Personne n’est jamais venu nous l’expliquer. Par contre, on sait qu’il y a de moins en moins de poissons dans nos lagons », nous ont répondu les pêcheurs que nous avons approchés.
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/div> Selon Khalil Elahee, professeur associé à l’université de Maurice et président de l’Energy Efficiency Management Office, l’écologie n’intéresserait personne à Maurice, car elle est parfois vécue comme une contrainte. « Quand une personne doit trier ses déchets, par exemple, elle peut trouver cela incommodant. Ce qu’il faut faire, c’est sensibiliser les jeunes dès l’école primaire. L’écologie doit être intégré dans nos mœurs, car aujourd’hui la sensibilisation auprès des Mauriciens est faible ». Pourtant, selon lui, c’est auprès de la société civile que reposeraient les espoirs d’une transformation à partir de la base. « La société civile aurait le potentiel d’élever les timides propositions des différents pays au-delà de ce qui serait initialement prévu. Contrairement aux ‘parties’ qui s’intéresseraient au climat d’abord, les ONG, les scientifiques-activistes et les forces vives remonteraient à la source du problème, soit à l’énergie et aux gaz à effet de serre. Ils auraient aussi défendu l’idée que seule une approche systémique pourrait apporter de vraies solutions. Ils oseraient remettre en question le modèle économique dominant et la société de surconsommation. Ils refléteraient aussi toute une diversité de tendances, de sensibilités et d’intérêts répercutant tant les enjeux locaux que des priorités globales. Ils seraient libres des limitations auxquelles sont soumis les politiques et ne dépendraient pas des puissances financières. Ils seraient proches des populations et de la réalité des citoyens », affirme l’universitaire.

« Une opportunité »

 
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Il est rejoint dans ses propos par Vassen Kauppaymuthoo, océanographe. Ce dernier explique que nous sommes en plein dans ce qu’il appelle, une « crise écologique ». Et que les jeunes d’aujourd’hui commencent à prendre conscience du changement climatique et de ses dangers. Il soutient aussi que c’est le moment de renforcer la sensibilisation auprès de la jeune génération. « Quand on est en crise écologique, on fait les choses bien et on essaie d’innover. C’est là que le changement climatique est une opportunité. Il ne faut pas le voir comme une contrainte, mais comme une opportunité pour toute une génération qui arrive aujourd’hui à prendre conscience de l’environnement. Je vois de nombreux jeunes qui en parlent autour d’eux. En parler, c’est vrai, cela ne suffit pas, mais c’est déjà un début. Aujourd’hui, quand on parle d’environnement cela attire un jeune. Là, c’est le moment d’accentuer la sensibilisation auprès des jeunes et de les canaliser ».
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De son côté, Yan Hookoomsing, militant écologiste, insiste sur le fait que les politiques devraient commencer par intensifier leurs actions concernant la sauvegarde de l’environnement. « Supposons que les Mauriciens commencent à trier leurs déchets, qu’ils séparent les cartons, les bouteilles, les déchets ménagers. Est-ce que les éboueurs qui collectent les déchets ne les entreposeront pas au même endroit à Mare-Chicose ?» Selon lui, le ramassage d’ordures doit reposer sur le triage. « Il doit y avoir un jour pour le carton, un jour pour les bouteilles en plastique et ainsi de suite. Placer des poubelles de recyclage et de tri sélectif dans les coins de rues serait une bonne idée. C’est un système qui doit être mis en place au niveau national. Le citoyen chez lui ne peut faire grand-chose tout seul. C’est la responsabilité du gouvernement d’encourager les gens à trier leurs déchets. S’il vient de l’avant avec un plan national, le Mauricien devra suivre ». Une prise de conscience est donc plus que nécessaire. Les plus jeunes, comme leurs aînés, doivent être sensibilisés. Le changement climatique est malheureusement bien réel. L’éco système est affecté, menaçant la race humaine elle-même. Il est donc essentiel de trouver des solutions pour ce monde que nous lèguerons demain à nos enfants.
 

Ameenah Gurib-Fakim, présidente de la République: « Maurice devra établir une stratégie d’adaptation »

  La présidente de la République dirigera la délégation mauricienne à cette 21e conférence internationale sur le climat. Ameenah Gurib-Fakim soutient que c’est dans l’intérêt du monde entier de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés centigrades. Une décision essentielle pour les Petits États Insulaires comme Maurice.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"5121","attributes":{"class":"media-image wp-image-8538","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"404","alt":"Ameenah Gurib-Fakim"}}]] Ameenah Gurib-Fakim, présidente de la République

L’objectif de la COP 21 est de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés centigrades. Est-ce un objectif réaliste? Deux degrés centigrades, c’est ce qu’on appelle « le seuil critique. » Les recherches ont déjà démontré ce qui se passera, si nous maintenons nos activités habituelles, si nous ne réduisons pas nos émissions de gaz à effet de serre et si nous dépassons ce seuil de 2 degrés centigrades. C’est donc dans l’intérêt de tous, non seulement des pays du nord, mais dans l’intérêt de la planète entière d’arriver à des solutions. Les pays qui polluent doivent limiter leur émission de gaz à effet de serre. Les petits pays comme Maurice doivent développer des stratégies à travers la science et la technologie pour que nous puissions nous adapter au changement climatique. Quelle position nous, en tant que Petit État Insulaire, allons adopter à cette COP? L’île Maurice a déjà soumis son Intended Nationally Determined Contributions  (Ndlr : voir détails plus loin). Ce que nous devons faire, c’est adopter la même stratégie que les autres Petits États Insulaires. Maurice devra établir une stratégie d’adaptation, car nous ne sommes pas un pays pollueur, nous n’avons pas de grandes industries polluantes. Cela dit, nous devons quant même développer notre agriculture autour du principe de durabilité. Nous devons aller vers le recyclage, car avec la façon dont nous consommons jusqu’à présent, la planète entière ne disposera pas suffisamment de ressources pour assurer davantage la consommation linéaire que nous connaissons. Pensez-vous que cette COP sera une réussite? De nombreux pays participants ont déjà soumis leur INDC. C’est un engagement à travailler vers une stratégie globale afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Maintenant, le sommet de Paris sera déterminant, car il devrait établir des objectifs contraignants. Toutefois, les pays connaissent déjà les détails de l’accord qui sera signé lors de cette conférence.
   

La position de Maurice à la COP 21

  Maurice a déjà soumis son Intended Nationally Determined Contributions (INDC). Il s’agit d’une série de mesures à entreprendre dans le cadre de la Convention sur les changements climatiques. Ce rapport a été envoyé au secrétariat de la United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCC) en septembre dernier. Les pays participants doivent implémenter les objectifs de ladite convention qui inclut la réduction de l’émission de gaz à effet de serre. Le but de cette démarche est de réduire le réchauffement climatique à moins de 2 degrés centigrades. [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"5122","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-8540","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"399","alt":"COP 21"}}]]« La compilation de ce rapport n’a pas été faite de façon isolée », assure Raj Dayal, le ministre de l’Environnement, lors d’une conférence de presse tenue le 25 septembre dernier. « Les parties concernées, ainsi que les organisations, ont été consultées. Les institutions publiques et le secteur privé y ont également participé, et ce, dans le cadre de la COP 21 ». Il faut préciser que l’INDC s’attarde sur des moyens d’atténuer et de s’adapter aux changements climatiques. Dans cette optique, les secteurs tels l’énergie, le transport et l’industrie seront passés à la loupe. Il s’agit de secteurs les plus concernés par l’émission de gaz à effet de serre. On s’attarde également sur l’agriculture, l’utilisation des terres et de la forêt ainsi que la gestion des déchets. « Pour mettre en oeuvre des mesures dans ce sens, le gouvernement mauricien bénéficie d’un soutien technique et financier dans le cadre de la convention. Maurice réduira ses émissions de gaz à effet de serre de 30% d’ici l’an 2030 », soutient Raj Dayal. Concernant les moyens de s’adapter à ces changements climatiques, une attention particulière est accordée à la récupération de l’eau, au secteur du tourisme, à l’infrastructure de la pêche, aux zones côtières, à la biodiversité et à la santé. Les actions d’adaptation se concentreront sur la stratégie de réduction des risques de catastrophe, entre autres. Maurice aura besoin, pour cela, au total de 5,5 milliards de dollars sous forme de subventions, d’investissements, de transferts de technologie et de renforcement de ses capacités. Ce montant inclut 1,5 milliard de dollars pour les mesures d’atténuation et quelque 4 milliards de dollars pour les mesures d’adaptation jusqu’à 2030.
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