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Impact du « forward rate » et marché noir : la crise des devises perdure à Maurice

Les devises se font rares sur le marché de change.
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Alors que le manque des principales devises sur le marché de change continue de susciter des inquiétudes, la pratique du « forward rate » par les banques et cambistes aggrave davantage la situation. Certains évoquent également le risque du marché noir. 

Un banquier, spécialiste dans les devises, est catégorique. Sous couvert de l’anonymat, il indique que la situation actuelle est critique. « Déjà, il y a une forte appréciation des devises principales telles que le dollar, l’euro et la livre sterling », dit-il. Mardi 2 juillet, cite-t-il, le dollar se vendait à Rs 48,35, l’euro à Rs 52 et la livre sterling avait déjà passé la barre de Rs 60. Suivant la tendance, le banquier fait ressortir que les devises vont apprécier davantage dans les jours, voire les semaines à venir. 

Pour profiter de cette situation et faire de bonnes affaires, certains cambistes et des banques commerciales pratiquent le « forward rate », aussi connu sous le nom de taux à terme, observe-t-il. Le « forward rate », explique le banquier, permet aux cambistes ainsi qu’aux banques de vendre des devises à une valeur au-delà du taux officiel. « Par exemple, récemment, un bureau de change a vendu l’euro à Rs 52,50 alors que le prix était officiellement affiché à Rs 51,50 ce jour-là », indique-t-il. Si la différence peut, à première vue, sembler dérisoire, à seulement une roupie, « ce type de transaction se fait en gros montant, soit à partir de 50 000 euros et plus. Donc, le bénéfice aussi est énorme ».

Une pratique légale

Le « forward rate » est une pratique tout à fait légale, poursuit le banquier. « Par exemple, si une entreprise sait qu’elle aura besoin de dollars dans six mois, elle peut conclure un contrat à terme pour acheter ces dollars à un taux fixe aujourd’hui », souligne-t-il. Cependant, il est d’avis que certains établissements de crédit et cambistes abusent de cette pratique, ce qui aggrave davantage la pénurie de devises sur le marché. 

Face à cette situation, la Banque de Maurice (BoM) doit intervenir et établir des directives strictes pour qu’il n’y ait pas d’abus, insiste le banquier. Les perdants du « forward rate », fait-il valoir, sont principalement ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter en grande quantité : « Il s’agit notamment des petits commerçants, ceux qui partent en voyage et ceux qui poursuivent leurs études à l’extérieur. »

Beelall
Beelal Baichoo.

Beelal Baichoo, consultant en « Compliance », affirme que la pénurie de devises n’est pas nouvelle. « Si on parle aux commerçants, aux importateurs et aux autres opérateurs, on comprend que cette pénurie dure depuis un certain temps déjà », dit-il. D’ailleurs, avance, lui, Amit Bakhirta, CEO d’ANNEAU, la crise des devises fortes s’explique, d’une part, par une pénurie accumulée depuis la pandémie de COVID-19 et, d’autre part, par la préférence de la BoM pour une monnaie plus faible. « Cela amplifie ainsi le choc entre l’offre et la demande dans le système bancaire, dans lequel les banques commerciales et les acteurs du marché ont perdu confiance dans la roupie. Ils accentuent alors la demande de devises les plus fortes, alors que l’offre de celles-ci est restée extrêmement limitée », fait-il comprendre. 

En outre, ajoute-t-il, dans le contexte actuel de resserrement des liquidités, les exportateurs sont moins enclins à vendre et à abandonner leurs « précieuses » devises, craignant un affaiblissement accru de la roupie. « Ce qui les amène à ne pas vendre leurs devises et à les thésauriser, à l’instar des banques commerciales pour qui plus la roupie se déprécie, plus leurs revenus en devises provenant des activités du segment B sont élevés, et elles sont donc susceptibles de déclarer des revenus et des bénéfices plus élevés libellés en roupies », explique Amit Bakhirta. 

Du point de vue du différentiel de taux d’intérêt, le portage du dollar américain et de l’euro est aujourd’hui plus attractif pour les investisseurs que la roupie. Ainsi, poursuit-il, à l’échelle mondiale, à mesure que l’environnement monétaire se resserre, une crise de liquidité est attendue. « Et donc cette spirale descendante qui n’est pas résolue alimente, entre autres, une réputation négative catastrophique de notre juridiction financière internationale », déplore Amit Bakhirta.

 

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