Economie

Taux de croissance élevé: un pari réalisable?

Le gouvernement mise beaucoup sur le secteur de la construction pour une forte croissance.
Le ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, prévoit un taux de croissance au-delà de 5 % à partir de 2017-2018, citant même le chiffre de 8 % annuellement dans cinq ans. Place-t-il la barre trop haute ?
Le taux de croissance en 2014 était estimé à 3,5 % alors que celui de l’année 2013 était de 3,2 %. Les estimations pour l’année 2015 ont été révisées au moins deux fois. En mars 2015, la prévision était de 4,1 %. En juin 2015, Statistics Mauritius ramenait à la baisse la croissance prévue à 3,8 %. Ensuite, en septembre 2015, une nouvelle baisse, cette fois-ci à 3,6 %. Malgré le pessimisme de Statistics Mauritius, le ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, est confiant d’une reprise à partir de 2017, avec un taux de croissance supérieur à 5 %. Mieux, il ambitionne aussi un taux de 8 % annuellement dans cinq ans. [padding-p-0 custom_class=""][/padding-p-0]

Définition

La croissance désigne l’évolution annuelle, exprimée en pourcentage du PIB (Produit intérieur brut). Pour éviter le problème dû à l’augmentation des prix, la croissance est calculée en « monnaie constante » (hors inflation). Ceci permet de calculer une croissance en volume.
[blockquote]«La croissance n’a été capable ni de réduire la pauvreté, ni de renforcer la cohésion sociale. Un même taux de croissance peut signifier un accroissement ou une réduction des inégalités. Et une croissance illimitée dans un monde fini est une illusion.» [/blockquote](Manifeste Utopia – 2008)
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Les phases de la croissance

La croissance économique n’est qu’une phase particulière du cycle de l’activité économique. Celui-ci comporte plusieurs phases possibles.
  • Une phase d’expansion économique : le taux de croissance augmente (la croissance « accélère »), donc le volume de production croît de plus en plus vite.
  • Une phase de ralentissement : le taux de croissance reste positif mais diminue (la croissance « ralentit »), donc le volume de production continue à augmenter, mais de moins en moins vite.
  • Un moment de crise : retournement brutal de la conjoncture.
  • Une phase de récession : la croissance ralentit fortement, éventuellement jusqu’à devenir négative. Si le taux de croissance devient négatif, ce qui signifie que le volume de production diminue. On dit que l’économie entre en récession si le taux de croissance est négatif pendant au moins deux trimestres consécutifs.
  • Une phase de dépression : diminution importante et durable de la production. Ce phénomène s’accompagne souvent d’une déflation (baisse des prix et des salaires). C’est le cas de la crise mondiale de 1929.
  • Une phase de reprise : le taux de croissance redevient positif, donc le volume de production réaugmente après avoir diminué.

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Arvind Nilmadhub: « Un taux de 8 % possible si… »

L’économiste Arvind Nilmadhub explique que l’objectif ne doit pas être « Economic growth for the sake of economic growth. »  Le gouvernement ambitionne un taux élevé dans les années à venir, et le moyen le plus simple est de réduire les coûts. Il avoue qu’un taux de croissance supérieur à 5 %, voire 8 % est parfaitement réalisable si la volonté politique est là, si la politique économique efficace est implémentée, mais surtout si des réformes radicales sont enclenchées. « On ne peut pas perdre de temps. Oublions la politique « trial and error. » Un gouvernement qui « means business » doit avoir le courage de privilégier les compétences à tous les niveaux et de renvoyer ce qui ne peuvent « deliver. » C’est l’image même du gouvernement qui est engagée. Le peuple attend des résultats concrets et positifs. Toutefois, nous notons une importance accrue donnée à l’immobilier. Certes, ce secteur boostera l’économie, mais ce sera pour quelques années, puis un retour à la case de départ. Par contre, il faut impérativement éliminer la lourdeur administrative, améliorer notre rang dans les classements internationaux et concentrer sur le type de développement plus apte à amener des emplois durables et une création de richesse pour un meilleur partage afin de réduire l’inégalité. Il faut privilégier l’investissement productif et durable. » Comment le gouvernement arrivera-t-il à réaliser un taux de 8 % ? Arvind Nilmadhub énumère quelques mesures : encourager les PME à lever des fonds sur la Bourse, en créant, si nécessaire, des marchés appropriés ; encourager les « start-ups » à avoir accès à la Bourse pour lever des fonds ; diversifier les produits financiers offerts par Maurice mais aussi les promouvoir ; booster le secteur manufacturier, car il a un impact positif sur d’autres secteurs ; démocratiser l’accès au broadband et favoriser l’implantation des sociétés BPO/KPO. Il conclut que ce sont les PME qui vont générer la richesse, mais encore faut-il que les PME soient bien encadrées et qu’elles aient accès aux facilités nécessaires pour innover.  

Frankie Tang: « Il faut placer la barre haute »

  Frankie Tang, économiste et consultant en investissements, pense que le ministre a raison de placer la barre très haute. « Il faut toujours être ambitieux, et si le ministre est si optimiste, il faut croire en lui et impérativement le soutenir dans ses objectifs. Comme je l’ai dit plusieurs fois, les PME seront le moteur de croissance. Maurice a la capacité d’atteindre un tel niveau de croissance, » explique Frankie Tang.

Indicateur de la santé de l’économie

Le Produit intérieur brut (PIB) sert principalement à suivre l’état de santé de l’économie et à mesurer l’évolution de l’activité économique. C’est l’indicateur essentiel, produit dans le cadre des comptes nationaux, pour adapter la politique économique en fonction de la situation de l’activité du pays. Les comptes nationaux sont aussi le point de départ de nombreuses prévisions économiques. Les taux officiels aident également les entreprises à connaître le contexte économique local.

Les limites du PIB

L’utilisation du PIB comme indicateur de richesse produite est parfois critiquée, car il ne représente que la valeur des échanges économiques. Le PIB ne prend pas en compte l’évolution des richesses qui ne résultent pas d’activités de production comme, par exemple, les plus ou moins-values boursières. Les activités bénévoles ou domestiques sont également exclues de la mesure du PIB. En revanche, sont comptabilisées des activités généralement considérées comme négatives ou nuisibles. Par exemple, un embouteillage crée du PIB parce qu’il augmente la consommation d’essence et donc l’activité de la branche pétrolière. Et pourtant, il nuit à l’environnement et fait perdre du temps ! Le PIB ne reflète ni la nature de l’activité économique, ni son impact environnemental. Par exemple, le PIB mesure la richesse produite, mais non la richesse détruite, notamment l’épuisement des stocks de ressources épuisables ou la pollution.

Ce qui est hors du PIB

Certaines activités sont exclues de la comptabilisation, par exemple le travail domestique, non rémunéré, effectué dans une famille et dont la production est consommée au sein de cette famille, le bénévolat, le secteur informel, etc.

Des indicateurs complémentaires

Selon le prix Nobel Joseph Stiglitz, la fonction du PIB est d’offrir un suivi conjoncturel de l’activité économique et non mesurer le bien- être. Le PIB n’est donc pas adapté pour évaluer la qualité de vie de la population. Pour prendre en compte cette dimension, le PIB doit être complété par des indicateurs de qualité de vie. Au-delà des aspects économiques, l’objectif est, ici, d’évaluer les effets sociaux et environnementaux du développement économique. Les limites du PIB ont conduit le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) à mettre en place en 1990 un nouvel indicateur prenant en compte la dimension qualitative du progrès socio-économique : l’indice de développement humain (IDH). Même si Maurice a un faible taux de croissance, le pays est honoré sur d’autres indicateurs globaux (voir notre dossier paru le 14 octobre 2015).

L’économie souterraine

L’activité dissimulée des entreprises, le secteur informel, le travail non-déclaré, tout ça ne figure pas dans le PIB ou le taux de croissance. Le taux officiel serait plus élevé si tout le secteur informel était inclus. À Maurice, il n’y a pas eu d’études pour mesurer l’ampleur du secteur informel qui fait vivre des milliers des familles et qui génère un chiffre d’affaires conséquent. Même les chiffres du chômage ne sont pas totalement fiables, car beaucoup de personnes enregistrées comme chômeurs s’adonnent à des activités en tant que « self-employed. »

Ce qui amènera la croissance

Le ministre des Finances a basé sa prévision du taux de croissance sur plusieurs facteurs. D’abord, il y a les gros projets d’infrastructures, notamment les nouvelles routes et échangeurs, la poursuite de la Ring Road, etc. Puis, il y a le développement portuaire qui comprendra un port de pêche. Ce dernier est aussi en ligne avec le développement de l’État océan, qui comprend plusieurs créneaux, à savoir, l’aquaculture, l’exploration marine, le bunkering, le shipping hub, la pêche, la transformation alimentaire des produits de la mer, etc. Ensuite, le gouvernement mise beaucoup sur la contribution des petites et moyennes entreprises, et dans ce contexte, la nouvelle banque Maubank, qui est une fusion de la MPCB et la NCB, est appelée à jouer un grand rôle. Dans le même souffle, le combat contre la bureaucratie, à travers l’abolition de plusieurs permis et la simplification des procédures favorisera un meilleur climat des affaires propice au développement accéléré. Le ‘One-Stop-Shop’, opérant sous l’égide de la SMEDA, aura fort à faire pour soutenir les PME alors que le ‘One-Stop-Shop’ au niveau du Board of Investment pour accompagner les gros projets est déjà opérationnel. Il y a également plusieurs projets dans le secteur immobilier qui doperont la construction, ces projets ayant eu un énorme coup de pouce par le Fast Track Committee. Parmi, des hôtels, des projets sous le Property Development Scheme et le Smart City Scheme. D’autre part, pour attirer plus d’investissements directs étrangers, le gouvernement ouvrira plusieurs bureaux d’investissements à l’étranger. Les opportunités en Afrique contribueront aussi dans cet élan national. À travers l’« Outward Investment », les entrepreneurs mauriciens seront en mesure de créer de la richesse dans la région et les bénéfices seront ramenés à Maurice sous diverses formes. En Afrique, il y a surtout le projet Techno Park au Ghana. Par ailleurs, la consolidation des relations économiques avec plusieurs pays de la région, notamment La Réunion, les Seychelles, Madagascar, entre autres, est un autre facteur important.


Taux de croissance annuelle 1991-2015

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