Le Premier ministre adjoint, ministre du Tourisme, du Logement et des terres, Steven Obeegadoo, dédie 2023 à un regroupement de sa Plateforme militante, du Muvman Liberater, du Mouvement Patriotique Mauricien ainsi que des déçus du MMM dans leur ensemble. Sur le plan touristique, il affirme qu’ouvrir grand les portes aux travailleurs étrangers n’est pas une solution. Par ailleurs, il évoque les problèmes rencontrés au sujet du projet de 12 000 logements.
Y aura-t-il un rassemblement de votre Plateforme militante, du Muvman Liberater d’Ivan Collendavelloo et du Mouvement Patriotique Mauricien d’Alan Ganoo pour les élections générales ?
L’objectif des trois formations est de réunir les déçus du MMM, les militants du MMM qui sont très perturbés par cette perspective d’alliance avec Ramgoolam alors même que toutes les initiatives de collaboration entre le MMM et le PTr se sont soldés par un échec aux dépens du MMM, mais aussi cet électoral MMM qui ne vote plus MMM et qui s’abstient. Il me provient régulièrement des échos de l’intérieur du MMM eu égard à cette nécessité de réunification de tous les militants. Avec Alan Ganoo et Ivan Collendavelloo, on se rencontre et on se parle. Lors de la fête de fin d’année de la Plateforme militante, on s’est exprimé en faveur d’un regroupement de nos forces pour ouvrir les bras grands à tous les militants. Mon vœu le plus fort est que 2023 permette ce regroupement et je vais y travailler de toutes mes forces.
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L’objectif pour 2022 était d’accueillir un million de touristes. Avec 997 290 visiteurs du premier janvier au 31 décembre, l’objectif a été plus ou moins atteint. Que faut-il retenir de 2022 ?
Cela a été l’année de tous les défis, car quand nous avons ouvert les frontières, on est passé par une période de forte incertitude. Les hôtels n’avaient pas opéré pendant longtemps. Le personnel hôtelier était, dans une certaine mesure, parti pour ne plus revenir. On estime qu’à travers le monde, au moins 20% du personnel des hôtels a été perdu à jamais. L’aviation a été extrêmement perturbée avec des compagnies aériennes qui ont fait faillite ou ont vendu des appareils et avaient donc moins de capacité. On a donc dû rebâtir après un coup sans précédent pour l’industrie touristique. À la fin de l’année, force est de constater que nous avons rempli le contrat au-delà de mes espérances. Cet objectif d’un million de touristes était pour donner un sens de direction, pour mobiliser des ressources. Mais honnêtement, je n’y croyais pas. Cela a été possible grâce aux efforts de tout un chacun, c’est-à-dire le gouvernement, la MTPA, et le partenariat public-privé qui a été constant de tout temps à Maurice et c’est un des secrets de notre réussite.
Le secteur hôtelier, comme vous le disiez plus tôt, a perdu beaucoup de ressources. Depuis plusieurs mois, l’AHRIM a demandé la permission de pouvoir recruter des travailleurs étrangers en bon nombre. Où en sommes-nous avec ce dossier ?
Ce problème existe à travers le monde. Maurice n’est pas seul dans cette situation. Le gros problème est l’attractivité des métiers du tourisme. Il y a une pénibilité évidente pour ces personnes qui doivent travailler n’importe quand, jour et nuit, les dimanches, les jours de fête. La vie familiale en souffre. De plus, ceux qui entrent au bas de l’échelle se voient proposer des salaires qui ne sont pas mirobolants. Il y a donc un réel problème. J’estime qu’il faut travailler sur l’attractivité des métiers de l’hôtellerie et du tourisme.
Qu’en est-il de la main d’œuvre étrangère ?
C’est toujours une question délicate. Elle peut être utile et nécessaire dans certains cas, mais en même temps, il ne faut pas que cela nous fasse oublier la nécessité de soigner l’attractivité du secteur. D’une part, préserver les talents que nous avons en les récompensant et d’autre part, rendre attrayant le métier avec des perspectives de carrière intéressantes. Il n’y a donc pas de réponses simples. Dire oui ou non à la main d’œuvre étrangère ne résout pas le problème. Il faut trouver le juste équilibre dans une perspective dynamique.
On ne va donc pas vers une situation où on verra des milliers de travailleurs étrangers à l’œuvre dans les hôtels mauriciens ?
Ce n’est certainement pas souhaitable parce que le touriste ne vient pas pour être servi par des travailleurs étrangers. Mais en même temps, il est évident que l’industrie hôtelière aura recours à une certaine main d’œuvre étrangère dans les années à venir. Il faut trouver la juste mesure. On doit aussi revaloriser les métiers du tourisme et cela s’accompagne par une politique de formation pour produire et attirer les talents pour ce secteur.
Les hôteliers vous diront que c’est très bien de rendre attractif le secteur en proposant de meilleures conditions. Mais, ils ajouteront aussi que jamais ils ne pourront offrir les salaires qu’offrent les compagnies de bateaux de croisière ainsi que d’autres pays qui cherchent à recruter pour les besoins de leur propre industrie touristique…
C’est sûr ! Je suis attentif à toutes les solutions. Il faut avancer dans le partage et le dialogue. Il ne faut pas que la pénurie de main d’œuvre soit un obstacle au développement du secteur touristique.
Cette année-ci, le but est de 1,3 million de touristes…
On veut retrouver le niveau pre-Covid-19. Nous avions eu, en 2018, un peak de 1,4 million. Il nous faut donc ambitionner de faire cela.
C’est 30% en plus d’une année à l’autre. C’est ambitieux quand-même…
C’est extrêmement ambitieux. Mais comme l’année écoulée, on a choisi de placer délibérément la barre très haut pour insuffler un dynamisme pour amener tout le monde à travailler dur, pour nous poser un défi, pour faire preuve de créativité afin de nous approcher le plus possible de ce but. Il faut se fixer un objectif et c’est vers cela que nous allons avancer.
Allons-nous explorer de nouveaux marchés ou se concentrer davantage sur des marchés spécifiques ?
La MTPA fait un travail remarquable et elle a mon soutien total. La semaine prochaine, elle sera en Inde pour le salon du tourisme, et je m’y déplacerai sans doute. En effet, si les marchés traditionnels ont fait une très bonne performance en 2022, l’Inde, qui représentait avant la Covid-19 9 à 10% des arrivées touristiques à Maurice, redémarre assez lentement. Notre priorité est de consolider nos positions sur les marchés traditionnels, de retrouver le niveau pré-Covid en Inde et de travailler les marchés d’opportunité. Je pense notamment au Moyen-Orient, les pays du Golfe persique, les Émirats arabes unis et au-delà, l’Arabie saoudite et la Turquie. Précisons que le marketing est très lié à la connectivité aérienne. Nous attirons des touristes là où il y a des vols directs et fréquents. On a des vols directs de la Turquie, des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite. Par contre, nos efforts sont plombés dans le cas de l’Inde par la capacité limitée d’Air Mauritius qui fait tout son possible mais qui, à ce jour, ne vole que sur Mumbai. Celle-ci nous annonce pour le milieu de l’année la reprise de vols vers Delhi, alors que nous y desservions au moins quatre villes avant la Covid-19. Nous devons aussi diversifier le produit du tourisme à travers le tourisme culturel et historique, le tourisme vert. On doit également rendre le tourisme plus écologique, car le touriste qui se déplace vers Maurice est un touriste avisé et instruit qui cherche à contribuer à préserver l’équilibre écologique. Il y a donc énormément de travail à faire pour soigner le produit local.
Vous parliez d’Air Mauritius. Celle-ci se retrouve entre le marteau et l’enclume. D’un côté, elle doit garantir sa survie financière après avoir été sous administration volontaire en 2020 et une bonne partie de 2021, et de l’autre accompagner la croissance du secteur touristique.
D’abord, elle a une responsabilité de servir l’intérêt national, de soutenir le développement du pays, donc le tourisme, le commerce et l’économie par le mouvement des passagers. C’est pour cela, avec des moyens limités qu’elle a au moment de la relance de ses activités, Air Mauritius tente de faire une utilisation optimale de ses ressources. Elle doit être aussi au service de la population et de ses attentes au sens large. D’où la reprise vers Perth et la Malaisie qui ne nous apporte pas nécessairement un grand nombre de touristes, mais qui permet aux Mauriciens d’aller vers des destinations qui ne sont pas desservies par d’autres compagnies à partir de Maurice. Elle a aussi une obligation de rentabilité financière. Celle-ci va dicter la survie et le développement futur de la compagnie nationale. Réconcilier toutes ces objectifs n’est pas chose simple, mais je suis très heureux qu’Air Mauritius fait preuve d’énormément de dynamisme en ce moment et nous allons travailler étroitement avec elle pour continuer à avancer.
Avant l’administration volontaire, outre le gouvernement, elle avait des actionnaires tels que Rogers, Air India, Air France pour ne nommer que ceux-là. Aujourd’hui, Air Mauritius appartient à 100% à la nouvelle structure qu’est Airport Holdings Ltd (AHL). Cette dernière est détenue à 51% par le gouvernement et à 49% par la Banque de Maurice à travers sa filiale Mauritius Investment Corporation (MIC). Y aura-t-il à un moment ou à un autre l’entrée en jeu d’un autre partenaire stratégique ?
C’est prématuré à ce stade. Pour l’instant, il faut assurer le redécollage d’Air Mauritius et tous nos efforts sont concentrés dans ce sens.
Voir venir un partenaire stratégique tel qu’un géant du secteur aérien n’est donc pas pour maintenant ?
Pas autant que je sache non.
Passons au logement. Le gouvernement s’était fixé l’ambition de construire 12 000 logements d’ici la fin de ce mandat. Pour l’instant, aucun n’a été construit. Où en êtes-vous sur ce dossier ?
C’est ma préoccupation principale du moment. Avec le Premier ministre et le ministre des Finances, nous travaillons jour et nuit à élaborer la solution appropriée. À la présentation du Budget de 2020, qui précédait la Covid-19 qui nous a mis à genoux sur le plan économique, déjà l’énonciation de ce projet était sans précédent. Le mieux qu’un gouvernement ait pu construire en un mandat, c’est environ 3 900 logements. C’était lors du mandat MSM/MMM de 1991 à 1995. Le plus petit nombre était de 2011 à 2014 avec 548 logements sociaux livrés. Ce mégaprojet est censé répondre à la demande des Mauriciens, car quand je suis arrivé au ministère du Logement, on avait une demande de plus de 24 000 logements sociaux. Ce qui veut dire que tous les gouvernements sans distinction ont construit plus lentement que l’augmentation de la demande. Quand vient cette récession sans précédent avec une contraction de 15% de la richesse nationale, cela a été un coup de massue. Beaucoup d’autres pays ont eu à sacrifier des programmes sociaux à cause de la Covid. Nous avons tenté de maintenir le cap. Après il y a eu l’inflation avec une hausse d’au moins un tiers des coûts de construction depuis que nous avions annoncé notre intention.
À l’époque, le budget était de Rs 12 milliards. Si on y ajoute les 30% de hausse, cela nous donne donc Rs 16 milliards pour 12 000 logements ?
Ce n’est pas aussi simple. Les moyens de l’État sont limités et le sont encore plus par l’impact de la Covid et de la récession face à l’inflation galopante. On ne peut pas d’un coup de baguette magique demander au ministère des Finances de nous offrir Rs 18, 24, 36 milliards au pied levé. Le budget envisagé à l’époque était de Rs 12 milliards. Selon la formule en vigueur, l’État subventionne les deux tiers des coûts d’un logement social. Le reste est à la charge de l’acheteur qui reçoit des facilités de l’État sur une période allant jusqu’à 35 ans.
Il faut comprendre l’effort des autorités publiques en la matière. Ceci explique pourquoi les différents gouvernements ont construit ce qu’ils ont construit. Il y a la volonté politique et la vision, mais aussi ce coût prohibitif de ces logements. Si l’État maintient son enveloppe prévue et si on construit des maisons du même niveau que ceux de la NHDC, la part qui reviendrait à l’acquéreur augmenterait de beaucoup. Or, ceux qui optent pour les logements sociaux sont les familles les moins fortunées. Nous cherchons la formule appropriée.
On a beaucoup progressé et j’espère que je vais pouvoir énoncer de manière très claire comment nous allons progresser. Il y a plusieurs pistes en considération pour pouvoir livrer un nombre conséquent de logements sociaux sous ce projet de 12 000 maisons d’ici la fin de l’année prochaine.
L’autre facteur qui a énormément compliqué les choses, ce sont les terres. L’État n’est pas un grand propriétaire terrien. À chaque fois que nous devons initier un projet, on doit acheter des terrains et cela prend énormément de temps. Ensuite, les terrains doivent être construisibles. On a eu le problème de Gros-Cailloux la semaine prochaine où un terrain mal choisi débouche sur un énorme problème des années plus tard. Beaucoup de terrains sélectionnés par l’État sont rejetés par les autorités compétentes comme non-construisibles. On a perdu beaucoup de temps dans la recherche de terrains. Aujourd’hui, le problème est réglé dans une grande mesure.
Si je comprends bien, l’objectif de 12 000 logements sera revu ?
L’ambition est de construire 12 000 maisons et d’en livrer le plus grand nombre d’ici la fin de l’année prochaine.
Donc, il s’agit d’au moins de démarrer la construction de 12 000 unités et non pas de les terminer d’ici fin 2024 ?
Tout à fait.
Connaît-on les prix auxquels ils seront vendus ?
Certainement pas. C’est très dynamique. Les prix de construction évoluent sans cesse. Le Premier ministre s’engage personnellement pour avancer au plus vite.
Vous disiez que lorsque vous avez pris le ministère, il y avait environ 24 000 demandes de logement sociaux. Sommes-nous toujours sur ce chiffre ?
Pas du tout. On a aujourd’hui plus de 30 000 familles inscrites auprès de la NHDC, mais elles ne sont pas nécessairement toutes éligibles.
La semaine dernière, lors des pluies torrentielles, on a vu des logements de la NHDC, notamment à Gros-Cailloux, être inondés. Qu’est-ce qui sera fait pour éviter de tels problèmes à l’avenir ?
Depuis 1992, la NHDC a construit 156 complexes résidentiels. Avec les pluies torrentielles, il y a eu trois de ces complexes, à Dagotière, Gros-Cailloux et Chebel, qui ont enregistré des plaintes formelles de dégâts conséquents. Ce n’est donc pas un problème généralisé. Ensuite, à Gros-Cailloux, il y a eu environ 26 sur 126 maisons, selon la NHDC, inondées. Ce qui est arrivé est tout à fait dramatique. Je n’ai pas fermé l’œil dans la nuit du jeudi à vendredi et vendredi, nous étions sur la brèche pendant toute la journée pour demander à la SMF, les pompiers et la police de prêter main forte.
Je dois dire que le député Rajesh Bhagwan a joué un rôle très positif. Je ne compte plus le nombre d’appels téléphoniques qu’il y a eu entre lui et moi pour voir comment nous pouvions intervenir concrètement pour aider les gens. C’est un exemple de comment les différentes forces politiques doivent coopérer pour aider des personnes en détresse.
Dès samedi, la NHDC a commencé à travailler sur des mesures immédiates pour parer au pire. Lundi, on a eu une réunion pour parler des grands travaux à faire dans les mois à venir pour nous protéger contre la prochaine saison de pluies. Cela dit, je suis interpellé. C’était certes un phénomène météorologique exceptionnel. Le projet de Gros-Cailloux a été initié en 2016. À cette époque, je n’étais pas là, mais la NHDC a suivi les procédures de l’époque et avait eu le feu vert de toutes les autorités. J’ai demandé l’institution d’une enquête pour comprendre si c’était prévisible ou pas et si les gens concernés, c’est-à-dire les bâtisseurs, les agences d’État qui donnent leur aval et ceux qui suivent le projet au niveau de l’assurance-qualité, ont fait leur travail. S’il y a faute, on va devoir situer les responsabilités. Il n’est pas question que l’État continue à investir de grosses sommes d’argent public pour mettre des gens à risque.
Quand on parle de logements de la NHDC, il faut aussi parler des syndics qui sont là pour veiller à ce que l’entretien se fasse bien. Or, souvent, ils ne fonctionnent pas. Qu’est-ce qui est fait à ce niveau ?
J’ai commandité un rapport à ce sujet. Il y a une série d’initiatives à adopter pour les relancer, car ils ne donnent pas satisfaction. Je le présenterai bientôt au conseil des ministres. Il faut réinventer tout ce système de syndics. Paradoxalement, alors que l’État vend toutes les maisons et qu’il n’est plus propriétaire, c’est lui qui doit en assurer l’entretien parce que les syndics qui sont là pour s’occuper de cela, ne le font pas. C’est un énorme casse-tête et le rapport vise à dépasser cet état de choses. Cela va nécessiter de gros investissements de la part de l’État et de grands changements dans les règlements.
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