En l’absence de fortes précipitations ces derniers temps, le niveau de l’eau dans nos réservoirs commence déjà à baisser.
Quels sont les principaux secteurs économiques susceptibles d’être touchés par une sécheresse ?
Quelles sont les conséquences pour les consommateurs et les entreprises ? Comment faire face à cette situation ? Zoom.
À la station météo de Vacoas, les données relatives à la pluviométrie ne sont pas encourageantes. Le mois de septembre a enregistré un déficit de précipitations. « Les pluviomètres n’ont recueilli que 40 % de la pluie attendue pour cette période », indique le météorologue Rakesh Seetohul. En effet, selon lui, la météo a enregistré une moyenne de seulement 35 mm de pluie au cours du mois de septembre. Les régions les plus touchées par la sécheresse étaient Sans-Souci, Grande-Providence et Bois-Chéri, ainsi qu’une grande partie de l’ouest du pays. Cependant, notre interlocuteur prévoit une légère amélioration à partir de la troisième semaine d’octobre. « Nous prévoyons entre 40 et 50 mm de pluie d’ici la fin d’octobre, principalement sur le plateau central », affirme-t-il.
L’océanographe et environnementaliste, Vassen Kauppaymuthoo souligne qu’au cours des dix dernières années, la pluviométrie à Maurice a diminué de plus de 8 % par rapport aux années 50. « La situation est déjà critique. Avec le changement climatique, la pluviométrie devient de plus en plus instable, et chaque année nous allons faire face à des périodes de sécheresse prolongée », indique notre interlocuteur. Ce dernier rappelle également que durant l’année précédente, le pays a frôlé une catastrophe, avec seulement une semaine d’eau dans nos réservoirs pour la consommation. « Il est impératif de tirer des leçons de cette situation afin d’éviter qu’elle ne se reproduise », fait-il ressortir.
Pour sa part, Sunil Dowarkasing, consultant en développement durable et environnementaliste, partage cette préoccupation. « Chaque année, en début de saison estivale, nous nous trouvons confrontés à la même situation et nous ne sommes toujours pas en mesure de prendre les mesures nécessaires », déplore-t-il. Selon lui, entre 50 et 55 % de l’eau consommée par les ménages proviennent des nappes souterraines. « Cependant, le stockage d’eau dans ces nappes diminue constamment ces dernières années en raison de la diminution des précipitations. Par ailleurs, le taux d’évaporation dans les réservoirs augmente, sans oublier les fuites d’eau dans les réseaux de distribution », explique-t-il. En conséquence, la situation de l’approvisionnement en eau potable dans le pays devient de plus en plus alarmante.
Répercussions sur les consommateurs et les entreprises
Selon nos interlocuteurs, la sécheresse peut avoir de nombreuses conséquences sur les consommateurs, tant sur leur vie quotidienne que sur leur bien-être général. « La sécheresse réduit la disponibilité d’eau, pouvant contraindre les consommateurs à rationner leur consommation », explique Vassen Kauppaymuthoo. De son côté, Sunil Dowarkasing va encore plus loin en affirmant que les consommateurs paieront plus cher certains produits et services. « La sécheresse entraîne une hausse des coûts pour les entreprises, ce qui se traduit par une augmentation des prix », explique-t-il. Selon lui, ce sont surtout les personnes en situation précaire qui seront le plus durement touchées.
Sécheresses dans d’autres pays
Les conséquences du changement climatique se font ressentir cette année. De nombreux pays sont frappés par la sécheresse, ce qui a même causé des incendies. Parmi, on retrouve la Grèce qui a traversé un été difficile, alors que de violents incendies attisés par la canicule et les vents ont ravagé une partie du pays. Le sud de l’Italie a été touché par une vague de chaleur avec une température de 47,6 °C enregistrée, ce qui a provoqué plusieurs feux. En Algérie, la sécheresse se poursuit. Une situation qui affecte la production de céréales dans le pays.
Questions à …
Lomush Juggoo, directeur de la Water Resources Unit : «Une gestion prudente de la distribution pour les trois prochaines semaines’impose»
Quelle est la situation dans nos réservoirs actuellement ?
Au lundi 25 septembre, le taux de stockage moyen dans les réservoirs était de 79,2 %. Pour la même période de l’année dernière, le taux de stockage était de 80,7 %, ce qui démontre un déficit d’un pour cent. Cependant, il est important de noter que les conditions de pluviométrie ne sont pas comparables. L’année dernière, nous avons connu des périodes exceptionnellement arides, ce qui avait provoqué une sécheresse prolongée. À présent, nous entrons dans la saison sèche, ce qui n’augurera pas un renflouement significatif de nos réservoirs. Par conséquent, une gestion prudente de la distribution d’eau pour les trois à quatre prochaines semaines s’impose.
Quelles sont les mesures prises pour minimiser les conséquences potentielles d’une nouvelle sécheresse dans le pays ?
Tout d’abord, il est important de souligner que le Water Resources Monitoring Committee se réunit régulièrement pour analyser la situation. Ce comité, composé de représentants de la station météo, de l’Irrigation Authority et de la Central Water Authority, est présidé par le ministère de l’Énergie et des Services publics. Nous examinons le niveau de nos réservoirs et fournissons des informations sur les précipitations actuelles. Par conséquent, nous prendrons des mesures pour garantir une allocation de l’eau dans tout le pays. La priorité est bien entendu donnée aux ménages. Nous nous efforçons de prolonger la disponibilité de l’eau autant que possible.
Doit-on craindre une situation similaire à celle de l’année dernière en ce qui concerne la distribution d’eau ?
L’année dernière, d’août à décembre, nous avons connu une grave pénurie de pluie, notamment en septembre, le mois le plus sec de l’année. Si cette tendance persiste, nos réservoirs continueront de se vider, entraînant potentiellement une sécheresse. Cependant, des précipitations à venir pourraient améliorer la situation. Tout dépendra donc du temps, mais j’incite vivement la population à utiliser l’eau de manière responsable, car nous entrons dans une période sèche. De plus, j’encourage chacun à collecter l’eau de pluie pour des usages autres que la consommation, comme l’arrosage et le nettoyage.
Les solutions
Suivi continu de la situation
Vassen Kauppaymuthoo explique que pendant les périodes de sécheresse, plusieurs comités de haut niveau sont mis en place pour s’attaquer à la situation. « Malheureusement, une fois que la situation dans les réservoirs s’améliore, les réunions prennent fin et les dossiers sont mis dans les tiroirs », déplore-t-il. Selon lui, il est nécessaire d’établir en permanence un suivi et un plan de gestion.
Investissement dans les tuyaux
Pour nos deux interlocuteurs, il est possible d’améliorer la gestion des ressources hydriques nationales en investissant dans des infrastructures de distribution, en modernisant les procédés de traitement, et en réduisant les pertes causées par des fuites. Vassen Kauppaymuthoo souligne que 50 à 60 % de la ressource hydrique se perdent dans les réseaux de distribution. « On peut augmenter le stockage si on investit dans les tuyaux », dit-il. Sunil Dowarkasing abonde dans le même sens. « Il est impératif de substituer les canalisations du réseau de distribution pour prévenir les fuites », insiste-t-il.
Éducation de la population
Selon Vassen Kauppaymuthoo, le citoyen mauricien consomme en moyenne 180 litres par jour, une quantité qu’il juge excessive étant donné la situation de l’approvisionnement en ressources hydriques dans le pays. Il souligne la nécessité d’une sensibilisation envers la population quant à l’utilisation responsable de cette précieuse ressource. Cela s’applique, précise-t-il, non seulement aux individus, mais également aux entreprises. Il insiste sur le fait qu’il est impératif de prendre conscience que, face aux conséquences du changement climatique, l’abondance d’eau ne sera plus une garantie.
Limiter les développements dans certaines zones
Les environnementalistes persistent et signent. « On ne peut plus permettre de nouveaux développements dans certaines régions du pays », déclarent-ils. À titre d’exemple, Sunil Dowarkasing parle de constructions dans des zones de conservation. « La déforestation va encore détériorer la situation. Nous avons besoin des arbres pour la création des précipitations », appuie-t-il. Vassen Kauppaymuthoo, pour sa part, avance qu’il faudra refuser et abandonner les projets situés sur les flancs des montagnes ou dans la zone côtière, ainsi que dans la région de la capitale. « On est en train de vendre Maurice comme une destination touristique et de retraite. Mais cela ne vaut pas le coût d’avoir de gros projets immobiliers dans le pays en période de pénurie d’eau », dit-il.
Récupération de l’eau de pluie
Selon Sunil Dowarkasing, 70 à 75 % de l’eau de pluie finissent dans la mer. « Face à une pluviométrie de moins en moins favorable, il est grand temps pour les Mauriciens et les entreprises de se lancer dans la récupération de l’eau de pluie. On peut capter de l’eau pour l’utiliser dans l’agriculture, par exemple. Par ailleurs, il faut également trouver des moyens pour la stocker », dit-il.
Il affirme qu’à Singapour, les gens consomment même de l’eau recyclée. « À Maurice, nous en sommes loin, mais on peut toujours récupérer l’eau de pluie pour d’autres utilisations », poursuit-il.
Le citoyen mauricien consomme en moyenne 180 litres par jour
Le taux de remplissage dans les réservoirs lundi 25 septembre | |
---|---|
Réservoir | Taux de remplissage (%) |
Mare-aux-Vacoas | 73,4 |
La Nicolière | 46,2 |
Piton-du-Milieu | 86,0 |
La Ferme | 61 |
Mare-Longue | 71,8 |
Midlands | 97,4 |
Bagatelle | 85,6 |
En moyenne | 79,2% |
Source: Water Resources Unit |
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !