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Procédures de nomination controversées - La NEF «sous emprise» : le «Changement» à l’épreuve

La NEF, censée lutter contre la pauvreté, devient-elle un outil politique au service d’un parti ? Derrière des nominations controversées, une promesse de gouvernance transparente s’effondre. Le scandale secoue l’Alliance du Changement, alimentant les soupçons de clientélisme.

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«Lancer une manifestation d’intérêts, présélectionner 40 candidats sur les 269 qui se sont manifestés et choisir les neuf était un exercice politique de ReA. » Avec cette phrase, Kugan Parapen, Junior Minister à l’Intégration sociale, a mis le feu aux poudres. En assumant une mainmise de Rezistans ek Alternativ (ReA) sur les nominations au conseil d’administration de la National Empowerment Foundation (NEF), il a déclenché une tempête. Sept mois après l’arrivée de l’Alliance du Changement, la promesse d’une gouvernance transparente s’effrite. La NEF, censée protéger les plus vulnérables, est-elle devenue un outil politique ?

La NEF, financée par les contribuables, doit « corriger les injustices sociales, soutenir les plus vulnérables et lutter contre la pauvreté », rappelle Jugdish Joypaul, journaliste aguerri. Mais cette mission vacille. Les neuf nominations au conseil, issues d’un processus flou, sentent le clientélisme. « La NEF ne doit pas devenir un instrument au service d’un ou des partis politiques », martèle Jugdish Joypaul. Pourtant, Kugan Parapen l’admet : ces choix sont un « exercice politique de ReA ». Une dérive qui menace de détourner l’institution de son but premier, « au profit de l’agenda d’un seul groupe politique ».

L’Alliance du Changement avait promis une rupture avec le passé clientéliste. La réalité ? Un mirage. Sur 269 candidatures, 40 ont été présélectionnées, et neuf retenues. Mais comment ? Par qui ? Le rôle de Dany Marie, conjointe du ministre Ashok Subron, dans les entretiens de sélection fait grincer des dents. « Il était question de créer des comités pour choisir des personnes compétentes », déplore Judgish Joypaul, pointant une promesse trahie. Ce manque de transparence alimente les doutes : assiste-t-on à une « captation » de la NEF par ReA ?

« C’est une véritable gaffe, voire une disqualification du ReA », tranche l’observateur Yvan Martial. Pour lui, ces nominations relèvent d’« une forme déguisée de clientélisme ». Il va plus loin : « Si nous (les contribuables) payons, nous avons le droit de recruter. » Le parallèle avec Kobita Jugnauth, critiquée pour des nominations controversées sous l’ancien régime, est cinglant. « Cette fois, c’est un embarras pour le gouvernement du Changement, mais également pour les partenaires de l’alliance », ajoute Judgish Joypaul.

Reeaz Chuttoo, de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), est tout aussi sévère : « C’est définitivement une façade. » Il accuse l’Alliance d’avoir trahi ses promesses. « L’Alliance du Changement a compris que cela ne fonctionnerait pas vis-à-vis du peuple », assène-t-il. Les espoirs portés par l’arrivée d’Ashok Subron s’effondrent. « Il devrait démissionner », lance-t-il, d’ajouter, amer : « Mais ce n’est pas le cas. » La réponse évasive d’Ashok Subron, qui promet de s’expliquer « en temps et en lieu », ne fait qu’attiser la colère.

Au cœur du scandale, les plus vulnérables paient le prix. Edley Maurer, de l’ONG Safire, exige « plus de transparence dans le choix des candidats » et des profils « spécifiquement formés à la lutte contre la pauvreté ». Patricia Adele-Félicité, de Caritas, insiste : « Il ne faut pas que des fonctionnaires, mais aussi des personnes qui connaissent le terrain. » Trop de bénéficiaires, note-t-elle, « n’arrivent pas à bénéficier » des projets, malgré les budgets alloués. À la NEF, des employés s’interrogent : « Comment ces personnes ont-elles été recrutées parmi les 270 candidatures reçues ? Il serait pertinent de clarifier les critères et qualifications utilisés. »

Ce scandale, le premier que doit affronter l’Alliance du Changement, est un révélateur. La NEF glisse-t-elle vers une logique de pouvoir ? « Si c’est cela le changement, alors retournons à Lakwizinn », ironise Yvan Martial.

La charge contre le clientélisme de Rajesh Bhagwan… en 2023 

En octobre 2023, Rajesh Bhagwan, alors député de l’opposition du MMM, mettait la NEF sous les projecteurs. Une question parlementaire acérée avait forcé la révélation du salaire et des qualifications de Hans Margueritte, ex-CEO de la NEF. À l’époque, Rajesh Bhagwan, aujourd’hui ministre de l’Environnement, ne mâchait pas ses mots : « Ma question ne se limite pas qu’à Hans Margueritte, mais concerne tous les amis proches et membres de Conseils d’administration, directeurs, présidents de Conseils d’institutions gouvernementales où des fonds publics sont en jeu. » Une charge contre le clientélisme, visant les nominations opaques sous l’ancien régime.

Les exigences pour siéger à la NEF 

Les critères d’éligibilité pour siéger au sein de la NEF suscitent de vives interrogations, notamment en raison de l’opacité entourant le processus de nomination des membres du Board et du CEO.

« La loi ne prévoit aucune exigence formelle en matière de qualifications ou d’expertise pour les membres du conseil d’administration ou pour le CEO de la NEF. Toutefois, il existe une attente forte de la part du public : le CEO de l’organisme est censé posséder un solide parcours académique et professionnel. Le Board, quant à lui, est composé de personnes ayant à la fois une vaste expérience de terrain et des qualifications académiques directement ou indirectement en lien avec la mission de la NEF », a déclaré Kugan Parapen, Junior Minister au ministère de la Sécurité sociale, au Défi Quotidien mercredi après-midi.

Selon nos informations, le Pay Research Bureau (PRB) de 2018 stipule clairement que le CEO de la NEF doit impérativement détenir, entre autres, au minimum une licence universitaire (university degree) en gestion ou en sciences sociales. Le document précise : « (i) A university degree in Management, Social Work, or any other relevant field, (ii) A minimum of ten years’ experience in a senior management position, preferably in the fields of social work, management, or areas related to vocational training and workforce development. »

Nominations et démissions : les polémiques ayant entaché la NEF

Depuis juin 2020, la NEF a vu se succéder trois directeurs généraux et deux responsables intérimaires. Jean-François Chaumière, nommé à la tête de l’institution en juin 2020, a démissionné en 2022 après sa nomination comme ambassadeur à Maputo, au Mozambique. Il avait succédé à Alain Aliphon, dont le contrat n’avait pas été renouvelé. Ce dernier a quitté ses fonctions à la mi-2023, laissant la place à Hans Margueritte, nommé le 1er octobre 2023. Mais celui-ci a démissionné quelques jours plus tard, faute de disposer des qualifications requises.

Deux candidats étaient en lice pour le poste de CEO de la NEF : David Utile, ancien maire de Beau-Bassin/Rose-Hill, et Didier Moutou. Toutefois, aucune nomination n’a été entérinée, et l’organisme a été placé sous la responsabilité d’un Officer-in-Charge. Ce dernier, haut fonctionnaire au ministère de la Sécurité sociale, a présenté sa démission quelques semaines seulement après son entrée en fonction. Mais celle-ci n’avait pas été acceptée par le ministère.

 

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