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Octroi de médicaments inappropriés : cinq causes possibles aux origines des erreurs

Premautee Ramphul. La fiole de Zexate, une injection utilisée pour traiter certains types de cancer. La boite remise à la nièce de Premautee Ramphul à l’hôpital de Mahébourg.

L’octroi d’une injection contre le cancer au lieu d’une goutte pour les yeux à la pharmacie de l’hôpital de Mahébourg fait des vagues. Après avoir mené l’enquête, Le Défi Plus a relevé cinq facteurs qui peuvent mener à la distribution d’un mauvais médicament à un patient. 

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C’est une affaire qui fait grand bruit dans le giron de la Santé. Premautee Ramphul, une sexagénaire qui a des problèmes de vue, a obtenu une fiole  contenant une injection contre le cancer au lieu de gouttes pour les yeux de l’hôpital de Mahébourg. Une plainte a été faite en ce sens par la sexagénaire pour « négligence » au ministère de la Santé et une enquête a été initiée. Plus d’un se demandent comment une telle « erreur » a pu se produire. Le Défi Plus a interrogé des pharmaciens, des préposés exerçant dans divers hôpitaux ainsi que des officiers à la retraite. Au fil des conversations, nous avons réalisé que cinq facteurs pourraient être à l’origine des erreurs susceptibles de survenir dans les pharmacies, en général.  

L’écriture

C'est le grand classique des ordonnances. On se demande souvent ce que le médecin a écrit dessus. Même en relisant à la loupe, il est impossible de comprendre l’écriture illisible des docteurs. D’ailleurs, ce serait l’un des principaux casse-tête des pharmaciens et des préposés aux pharmacies des hôpitaux. « Parfoi ou pa compren ki zot finn ekrir », indique l’un d’eux, basé dans un hôpital régional. Il confie que lorsqu’il n’arrive pas à déchiffrer l’écriture d’un médecin, l’un de ses premiers réflexes consiste à demander au patient ce dont il souffre. « Nu demann malad la ki li gagne. Lerla nu gagne enn lide ki medcinn ca », fait-il comprendre. La situation est cependant plus compliquée lorsque certains médicaments ont plus ou moins les mêmes noms. « La nu pa pu cav decifre. Nu bizin retourn pasian la cot dokter et fer li ekrir medcinn la bien. Malerezmen pasian la bizin fer ale-vini », déplore-t-il. 

Un ancien responsable d’une pharmacie à la retraite depuis quelques années explique qu’il a connu des situations qui n’ont pas manqué de lui faire sourciller. « Ena dokter pa conn ekrir nom medicamen. Ena ekrir en abrege, kuma dir pe ekrir mesaz lor portab. Pour le paracétamol, par exemple, des médecins se contentent d’écrire pcm ou encore, xpin pour Chrispin. Non seulement cela ne facilite pas la tâche des employés, mais augmente aussi le risque d’erreur, surtout s’il s’agit de nouveaux employés », dit-il. 

Stockage

La façon dont les médicaments sont stockés à la pharmacie est un autre élément important qui peut avoir une incidence dans la distribution de médicaments aux patients. « Si pa bien ordone ek ban libele pan bien mete, capav fer erer dan donn medcinn », fait comprendre une pharmacienne. Selon elle, il suffit qu’un médicament soit conservé à la mauvaise place, pour qu’une erreur survienne. « Il y a une séquence très stricte à respecter dans le stockage des médicaments. Si abitie gard panadol dan cote droit dimounn ki lor contoir la, li bizin res kumsa mem ek pa met li a gos », indique-t-elle. Cette séquence, poursuit-elle, doit rester la même au niveau de chaque comptoir. « Ainsi, les préposés ne perdent pas leur automatisme développé avec le temps dans la distribution des médicaments », poursuit-elle. 

Inadvertance

Le manque d’attention durant les heures de travail peut aussi favoriser le risque d’erreur. Selon un chef pharmacien, les scénarios peuvent être multiples. Il explique que durant les heures de pointe lorsque les files d’attente s’allongent, il faut accélérer la cadence au niveau de la distribution. « Si un médicament n’a pas été rangé à sa place par un préposé, un de ces collègues peut facilement se tromper », dit-il. 

Notre interlocuteur soutient que des malades peuvent parfois se montrer impatients. « Zena ki vini ek 4-5 medicamen. Si ou pu al check tou nom enn par enn ek saken so dat expiration, ena patien comence nerve ek coz for. Certes, il ne faut pas faire attention à eux, mais cette situation ne manque pas de mettre la pression sur les préposés qui peuvent alors commettre une erreur », ajoute-t-il.

Mauvaises pratiques

L’utilisation excessive du téléphone portable pendant le service est aussi déploré par des pharmaciens. « Nous rencontrons ce problème, surtout parmi les jeunes. Certains ont le téléphone collé à leur oreille pendant qu’ils font la distribution, alors que d’autres visionnent des vidéos ou s’adonnent à des jeux. Ce n’est pas une attitude professionnelle », expliquent-ils, avant de réclamer, au passage, que l’utilisation du portable soit davantage contrôlée.  

Personnel insuffisant

Les risques d’erreur augmentent aussi lorsque le personnel de la pharmacie se retrouve en sous-effectif. « Il peut arriver que certains de mes collègues soient pris par une formation le temps d’une journée, par exemple. En week-end, nous sommes moins nombreux à être en service vu qu’il y a moins de patients. Les quelques préposés qui, eux, seront en service savent qu’ils peuvent se retrouver submergés par le travail. Ena lerla zet sick. Li dir li pa pu al asiz lor ca li et cela ne fait qu’empirer davantage la situation avec un ou deux préposés seulement en service », dit-il. 

Nom de médicament en abréviation

Dr Vinesh Sewsun : « Une pratique courante, mais pas recommandée »

L’utilisation des abréviations par des médecins pour désigner certains médicaments est une pratique courante, indique le président de la Medical Health Officers Association, Dr Vinesh Sewsurn. Ce dernier, toutefois,  demande néanmoins aux médecins d’être vigilants à ce sujet. Selon lui, utiliser des abréviations se fait pour quelques médicaments seulement. « Pu tou medicamen gos droit nu pa pu fer en abreviation. L’exemple du pcm que vous citez est utilisé uniquement pour désigner le paracétamol. Il faut néanmoins être vigilant à ce sujet. Nous ne recommandons pas l’utilisation d’abréviations, surtout pour certains médicaments », dit-il.  

À l’hôpital, fait-il comprendre, les prescriptions se font sur deux formulaires, la « Casualty Card » et la « Prescription Card ». Celle-ci est remise au patient pour récupérer les médicaments à la pharmacie. Les docteurs doivent aussi prescrire le dosage, la fréquence et le moyen à travers lequel le médicament doit être pris. Autant d’informations importantes qui, selon notre interlocuteur, font que les médecins sont condamnés à écrire correctement. « Au cas contraire, le préposé à la pharmacie ne pourra tout simplement pas donner le médicament au patient. Il va alors nous appeler pour demander des clarifications ou il renverra le patient nous voir », indique-t-il. 

Selon lui, l’octroi d’un mauvais médicament à un patient est une exception. « L’enquête devra situer le problème », conclut-il.

Transfert et comité disciplinaire

Le préposé à la pharmacie qui n’a pas fourni le bon médicament a été non seulement transféré de l’hôpital de Mahébourg à celui de Flacq, mais il a été également convoqué devant un comité disciplinaire. Il a dû soumettre ses explications en écrit et il a reçu un avertissement sévère.

Le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal a réagi sur cette affaire. C’était le mercredi 28 septembre à Balaclava où il participait au lancement d’une campagne de sensibilisation contre le VIH/Sida. « Lenket in initie. Ladan, eski pati enan so preskripsion, se medsin kinn mal ekrir so medikaman ? Eski kan linn al farmasi, se dispenser ki finn donn li enn lot medikaman ? Eski finn ena enn esanz ant medikaman ? Une enquête déterminera qui est le coupable », a fait ressortir Kailesh Jagutpal. Ensuite, il a souligné qu’en « 2022, li pa akseptab ditou sa bann zafer-la ». 

 

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