Live News

Nouvelle hausse du prix de l’électricité pour le secteur industriel en 2024

Une nouvelle hausse du prix de l’électricité se profile en 2024.
  • De nouveaux coûts seront répercutés sur les consommateurs, selon Takesh Luckho

C’est une information qui est pratiquement passée inaperçue, mais le prix de l’électricité connaîtra une nouvelle hausse en 2024. Sauf que dans ce cas précis, elle ne s’appliquera qu’au secteur industriel.
Le prix de l’électricité connaîtra une nouvelle hausse en février 2024 pour le secteur industriel. C’est ce que mentionne un communiqué émis par le Central Electricity Board (CEB) le 6 octobre 2023. Ce communiqué, libellé « Waiver on electricity price increase for eligible industrial customers moving towards 100% Renewable Energy » invite les clients éligibles de la catégorie industrielle du CEB à faire une demande de réduction sur cette hausse des tarifs. « Cette réduction sera applicable à l’augmentation des tarifs électriques opérées en février 2033 ainsi que l’augmentation ultérieure prévue pour février 2024, comme approuvé par l’Utility Regualtory Authority (URA) », peut-on lire dans ce communiqué de la compagnie nationale de l’électricité. Le communiqué, qui fait état uniquement des conditions auxquelles il faut s’aligner pour bénéficier d’une réduction de 50 % sur le tarif de l’électricité, ne s’attarde cependant pas sur cette nouvelle hausse qui entrera donc en vigueur en 2024. 

Publicité

Le Défi Quotidien, qui a cherché à mieux comprendre cette hausse des tarifs d’électricité prévue pour 2024, a enquêté auprès du CEB. On nous a confirmé que l’augmentation annoncée en 2022 serait répartie sur deux années pour le secteur industriel. « Cette hausse s’établit sur deux ans, avec 5 % en 2023 et 10 % en 2024 », a-t-on expliqué au sein du service de communication de l’organisme.

La hausse des prix prévue en 2024 laisse déjà entrevoir une possible augmentation du coût de la vie. En effet, l’économiste Takesh Luckho anticipe une flambée des prix. « Cette augmentation aura un impact indirect sur le coût de la vie. Lorsque nous parlons du secteur industriel, nous faisons référence aux usines, aux supermarchés et aux grandes entreprises de distribution alimentaire. Les coûts de production de ce secteur ont déjà été affectés par la hausse du coût du diesel, et avec une augmentation prévue pour 2024, les coûts de production continueront d’augmenter », soutient-il. 

L’économiste ajoute que « ces nouveaux coûts seront inévitablement répercutés sur les consommateurs ». Il suggère également que, dans le meilleur des cas, ces secteurs pourraient maintenir leurs prix actuels. 

Baisse de 50% du tarif à travers les énergies renouvelables 

C’est donc dans ce contexte précis que la mesure budgétaire qui consiste à réduire le tarif de l’électricité vient prendre toute son importance. Le CEB fait donc ressortir que ses clients industriels éligibles, à l’exception des entités du secteur public, sont ceux ayant des comptes de contrat d’électricité actifs dans la catégorie de clients industriels. Ils peuvent bénéficier d’une réduction allant jusqu’à 50 % sur les augmentations susmentionnées des tarifs électriques, pour une période maximale de 24 mois, à condition de présenter une lettre d’intention valide du CEB pour la mise en place d’un système d’énergies renouvelables.

Le CEB se réserve le droit de récupérer la réduction au cas par cas s’il y a du retard dans le respect des délais fixés selon le calendrier du projet. Le montant de la réduction pour chaque client industriel qualifié sera basé sur la capacité approuvée de leur installation d’énergies renouvelables prévue. Un montant proratisé sera en conséquence crédité sur chaque compte qualifié. Le montant effectif de la réduction sera crédité sur les comptes de contrat d’électricité des clients industriels qualifiés avec un délai minimal d’un mois.

L’application de cette mesure budgétaire se présente donc comme une véritable bouée de sauvetage pour de nombreuses industries qui ont dû faire face à une augmentation de 70 % du prix de l’électricité, impactant considérablement leurs coûts de production. En effet, les représentants de divers secteurs industriels n’ont pas manqué l’opportunité de partager leurs difficultés financières depuis la mise en place de cette hausse tarifaire lors de divers forums où ils ont pu échanger avec des membres du gouvernement et leurs délégués.

La transition énergétique 

 Outre l’objectif de permettre aux industries du pays de réduire leurs tarifs d’électricité, cette mesure budgétaire s’inscrit également dans la stratégie du gouvernement d’accélérer la transition énergétique vers des sources renouvelables. C’est ce que soutient l’ancien député, Sunil Dowarkasing qui a été exercé stratégiste pour le compte de l’organisation internationale, Greenpeace. « Maurice a de grandes ambitions en matière de transition énergétique, et c’est devenu une nécessité. Cependant, la manière dont le gouvernement souhaite entreprendre cette transition suscite des inquiétudes. Une transition énergétique réussie devrait se faire en collaboration avec toutes les parties prenantes, sans imposer de conditions et de pression excessives », avance l’ancien député de (Curepipe/Midlands). 

Le Plan National de l’Efficacité Énergétique (PNEE) était une façade»

Étant d’avis que ce sont les industries qui représentent les plus grands consommateurs d’énergie, Sunil Dowarkasing soutient que leur implication est « cruciale dans toute transition énergétique ». « Au lieu d’engager un dialogue constructif avec les entreprises, le gouvernement a choisi d’imposer une augmentation tarifaire de 70 %, justifiée par la nécessité de réduire la facture d’électricité. Cette décision a eu un impact significatif sur les revenus des industries, qui ont dû revoir leurs lignes de production en raison de cette hausse soudaine des coûts. Certaines entreprises du secteur textile ont ainsi enregistré une baisse de leurs exportations de l’ordre de Rs 400 millions », fait-il part. Donc, selon lui, il est clair que cette mesure vise à corriger une décision précipitée issue d’une politique mal réfléchie et qui n’a pas été prise de manière consensuelle. 

Il tient cependant à faire ressortir que de nombreuses usines sont intéressées par la transition énergétique, principalement en raison de leurs factures énergétiques élevées. « Ces entreprises cherchent des solutions pour réduire leurs coûts tout en adoptant des sources d’énergie plus durables. Beaucoup d’entre elles ont déjà exprimé leur intérêt pour se lancer dans les énergies renouvelables », affirme-t-il. Mais là où le bât blesse, selon lui, c’est au niveau des conditions imposées par le CEB. « Le CEB a introduit des conditions préalables pour la transition énergétique, exigeant la réalisation d’un audit d’efficacité énergétique avant d’approuver toute demande d’énergies renouvelables. Ces audits ont un coût substantiel, dépassant souvent les Rs 500 000 », dit-il. 

L’intervenant affirme toutefois que  le ministère de l’Industrie a pris conscience de ces enjeux. « Des discussions ont eu lieu avec le ministre Bholah pour explorer des solutions. Le ministère de l’Industrie envisage même de proposer des subventions pour aider les entreprises à réaliser ces audits d’efficacité énergétique », déclare-t-il. 

Finalement, Sunil Dowarkasing affirme qu’il est essentiel de tenir compte de la capacité des entreprises à installer des panneaux solaires sur leurs toits, car cela jouera un rôle crucial dans le succès de la transition énergétique.

Gare aux abus

Commentant également le communiqué du CEB, l’expert en secteur énergétique et chargé de cours à l’Université de Maurice (UoM), Khalil Elahee fait d’emblée ressortir que cette annonce concerne une hausse des tarifs pour l’industrie en février 2024. « Aussi, similairement à l’augmentation de 2023, cette hausse sera réduite de 50 %, ayant ainsi un effet rétroactif. L’objectif est de les encourager à établir des installations pour les énergies renouvelables, mais est-ce que ces installations seront vraiment des générateurs d’énergies renouvelables ? Il convient de noter qu’avec les tarifs relativement réduits, chaque entreprise devra effectuer une simple analyse coûts-avantages pour déterminer si, par exemple, investir dans des panneaux solaires est plus rentable. Par exemple, elles peuvent les installer sans s’engager à produire un maximum d’énergie solaire si, au final, il s’avère plus abordable de profiter des tarifs réduits du CEB », fait-il ressortir.  

Aussi, dit-il, il n’y a aucune obligation de gérer la demande, surtout avec les tarifs réduits. Cela présente des similitudes avec le tarif concessionnaire qui existait, dans lequel l’industrie, ainsi que le secteur des BPO étaient soumis à un tarif inférieur au coût de production, mais devaient effectuer un audit énergétique en retour. « Cependant, il n’y avait aucun plan d’action pour une gestion efficace de l’énergie à la suite de la plupart de ces audits. En somme, il s’agissait d’une manière déguisée de réduire les coûts pour l’industrie sans gestion de la demande. Le Plan National de l’Efficacité Énergétique (PNEE) était finalement une façade. À ce jour, nous ne connaissons pas ses résultats, même s’il a coûté des millions au gouvernement, et, surtout, de nombreuses personnes ont profité des tarifs concessionnaires ». 

En résumé, il faut une fois de plus veiller à ce que certains n’abusent pas du nouveau programme. Par exemple, il faut s’assurer que ce sont les toits qui sont utilisés pour les installations, pas les terrains en plein air. Le dimensionnement des panneaux en mégawatts doit également, par exemple, couvrir 50 % des besoins de l’entreprise, puis progresser vers 100 % dans un délai précisé. Sinon, la mention « moving towards 100 %... » n’aurait aucun sens.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !