Interview

Me Penny Hack: «L’indépendance du pouvoir du judiciaire doit être réelle et non apparente»

Le principe de la séparation des pouvoirs permet de maintenir un équilibre entre le Judiciaire, le Parlement et l’Exécutif. Chacun est investi de certains pouvoirs afin d’assurer le bon fonctionnement des institutions. Toutefois, cette démarcation serait loin d’être sans ambiguïté... Quelle est l’origine du principe de la séparation des pouvoirs ? Ce modèle de gouvernement démocratique a été d'abord développé dans la Grèce antique. Le but était d'empêcher la concentration du pouvoir dans un endroit ou organe. Il prévoit alors des freins et contrepoids. Cette idée a été utilisée plus tard dans la République romaine où il existait un Sénat, des consuls et des assemblées. La forme moderne a été développée à partir du XVe siècle comme un moyen de réduire le risque d'abus du pouvoir politique. Le système constitutionnel anglais est un excellent exemple et de nombreux écrivains de l'époque ont commenté les avantages. L’auteur le plus influent était le philosophe politique Baron de Montesquieu. Dans son traité « L'Esprit des Lois » (1748), il a défendu une forme de gouvernement fondé sur le modèle de la République romaine et le système constitutionnel britannique. Il a estimé que la République romaine avait des pouvoirs séparés de sorte que personne ne pouvait complètement usurper le pouvoir. Dans le système constitutionnel britannique, le Baron de Montesquieu décrit qu’il y avait une séparation des pouvoirs entre le monarque ou exécutif, le Parlement et les tribunaux, et précise que « l'indépendance du pouvoir du judiciaire doit être réelle, et non apparente ». Le judiciaire a été généralement considéré comme le plus important des pouvoirs, qui doit rester indépendants et incontrôlée. Après notre indépendance, nous avons essentiellement hérité du système britannique. Quelle est sa pertinence pour un État comme Maurice ? En théorie, la pertinence est d'empêcher une branche de devenir trop puissante, protégeant ainsi la minorité de la majorité et pour inciter une branche à coopérer avec l'autre. Cela s’accomplit normalement grâce à un système de freins et contrepoids ou des règles basées sur le système qui permet à une branche de limiter l’autre. Dans notre système, le gouvernement dispose normalement d'une majorité naturelle, et l'Exécutif est formé à partir du parti ou alliance majoritaire au Parlement. Hélas, le gouvernement du jour a une grande majorité de trois quarts. Il est en mesure de forcer la promulgation d’une loi sans contrôle adéquat de l'opposition. Nous avons en fait une « dictature élective » dans laquelle il n’y a pas de séparation entre l'Exécutif et le Législatif en pratique. Le judiciaire semble être dans une position relativement plus avantageuse puisqu’il peut freiner, voire renverser une action gouvernementale. N’est-ce pas une violation du principe de la séparation des pouvoirs ? Le judiciaire est l'organe gouvernemental avec le plus d'indépendance, mais il ne peut agir de son propre chef pour freiner, voire renverser une action gouvernementale. Il faut qu’il y ait une demande en justice dans le cadre de la Constitution. Toute interférence avec le pouvoir exécutif ou législatif se limite à une action judiciaire dans les conditions prévues par la Constitution et par l'idée de la séparation des pouvoirs. Donc, il n’y a pas de violation. Qu’en est-il des lois votées au Parlement ? La Cour peut-elle refuser de les appliquer ? Les Cours de justice n’appliquent pas les lois, mais sur fond d’une demande, la Cour suprême peut intervenir, en général, où le gouvernement a agi de façon illégale ou en violation d'un droit fondamental. La Cour suprême peut revoir toutes décisions administratives, déraisonnables, injustes, ou arbitraires. Elle peut aussi déclarer une loi ou une partie d'une loi anticonstitutionnelle, nulle. [blockquote] « La Cour suprême peut revoir toutes décisions administratives, déraisonnables, injustes, ou arbitraires et déclarer une loi ou une partie d'une loi anticonstitutionnelle, nulle. » [/blockquote] L’introduction d’une « Regulation » peut-elle être utilisée pour contourner un ordre de la Cour et permettre à un gouvernement de poursuivre son action ? En règle générale, lorsque la Cour suprême, dans un procès spécifique déjà commencé, a rendu un jugement ou un ordre pour l’un des partis, un décret ultérieur promulgué par le gouvernement ou un ministre, ne peut inverser ou contourner l’effet du jugement ou l'ordre. Toutefois, cette nouvelle loi s’appliquera dans les mêmes circonstances pour des parties futures, à partir de la promulgation. Si le judiciaire peut s’ériger en rempart contre toute action de l’Exécutif, le contraire est-il possible ? Le Parlement peut-il voter une loi pour atténuer voire renverser les effets d’une décision judiciaire ? Le pouvoir judiciaire n’est pas un rempart absolu contre l'Exécutif et ne peut pas interférer avec les actions de l'Exécutif et les lois votées par le législateur. Sauf dans les paramètres déjà mentionnés plus tôt, et un jugement ne peut être, a priori, renversé dans un cas spécifique par une loi ultérieure. Cependant, un Exécutif, qui contrôle une majorité de trois quarts au Parlement, peut tenter de limiter les pouvoirs de la Cour suprême en amendant la Constitution.
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