- Un bébé mort remis à sa mère
- Un nourrisson de quatre mois traité de « gro badia »
Deux parents ont accepté de témoigner de leurs mésaventures dans les crèches. Ils demandent aux autorités de contrôler davantage les crèches illégales et d’appliquer les sanctions nécessaires pour le bien-être des enfants.
MORT D’ALEXIS À 4 MOIS - Aurélie et Arnaud : « La justice doit triompher »
Depuis octobre 2019, ils cherchent justice pour leur bébé, un petit garçon de 4 mois prénommé Alexis. Le nourrisson est décédé d’une asphyxie provoquée par le contenu de son estomac, alors qu’il se trouvait à la crèche, dans la région de Ville-Noire. Quatre ans après, Aurélie et Arnaud n’ont toujours pas fait leur deuil. Pas tant que les responsables ne seront pas punis !
La vie de ces parents a perdu tout son sens depuis cet événement tragique. L’image de leur fils décédé se mêle à la douleur dans leurs cœurs. Aurélie raconte : « J’ai accouché d’Alexis le 6 juillet 2019. Vers le début d’octobre, à la fin de mon congé de maternité, j’ai inscrit mon bébé dans une crèche située à quelques pas de notre domicile. Mon petit garçon avait alors trois mois. »
Le 25 octobre, vers 16 h 20, elle est allée le chercher à la crèche. Sa fille aînée, âgée d’un an à l’époque, l’accompagnait. « Personne ne m’a rien dit. J’ai seulement demandé pourquoi ils avaient changé la couche de mon fils. Ils m’ont dit qu’ils devaient le faire. Par la suite, l’employée a placé Alexis sur son épaule. Elle le bougeait quand soudainement, elle a relevé l’épaule pour redresser mon fils. Sa tête est allée en arrière, puis en avant, sans qu’il se réveille. J’ai trouvé cela étrange. Ensuite, elle a mis Alexis dans la poussette et a immédiatement refermé la capote », relate la jeune mère.
C’est en approchant sa joue près du nez et de la bouche de son fils qu’elle a réalisé qu’il ne respirait plus. « Ses pupilles étaient dilatées, et sa température corporelle n’était pas normale », raconte Aurélie.
Par réflexe, la trentenaire a immédiatement vérifié le pouls du bébé, lui a administré un massage cardiaque et un bouche-à-bouche.
Malheureusement, ses efforts sont demeurés vains. « J’ai demandé de l’aide à ceux qui étaient présents. On nous a emmenés à l’hôpital de Mahébourg, une trentaine de minutes plus tard. »
Sur place, le médecin a constaté le décès du bébé. « Cependant, il nous a informés que le décès remontait à environ deux heures plus tôt, vers 14 h 30. À ce moment-là, mon fils était toujours à la crèche », précise Arnaud, le père.
La directrice de la crèche a été immédiatement sollicitée pour des explications. « Elle nous a laissé entendre que le bébé semblait en bonne santé et était en train de gazouiller », déclare-t-il. Les parents ont formulé une demande d’autopsie. Selon le rapport, le petit Alexis est décédé des suites d’une asphyxie provoquée par le contenu de son estomac.
Quatre ans plus tard, la douleur est toujours aussi vive. La famille craint un « cover-up » de la part de la police et des autorités, car il n’y a eu aucune suite à ce drame. « La garderie, qui n’était pas enregistrée auprès du ministère, semblait être en règle en apparence. Rien ne laissait présager que le personnel serait négligent », souligne le père.
Ces parents cherchent justice. « À ce jour, nous n’avons reçu aucune explication de la part de la direction. La crèche en question a fermé ses portes, mais nous devons savoir ce qui s’est réellement passé ce jour-là. La famille est complètement bouleversée depuis cet événement tragique. La vie n’a plus de sens, tout a été chamboulé. Même aujourd’hui, quatre ans plus tard, nous ressentons profondément l’absence de notre fils », confient-ils.
Ils appellent les responsables du ministère à redoubler d’efforts pour traquer les gestionnaires de garderies opérant illégalement dans le pays. « Des sanctions sévères doivent être prises à l’encontre de ces individus », martèlent Aurélie et Arnaud.
Sharon : « Mon fils de quatre mois a été traité de ‘gro badia’ »
Sharon, une mère de deux enfants, s’est confiée à Le Dimanche/L’Hebdo. Elle a placé son fils Caleb en garderie en mai dernier, à l’âge de quatre mois. Cependant, quelques jours plus tard, elle a constaté que son comportement était « étrange ». À la maison, Caleb passait la plupart de son temps à dormir.
Un beau jour, Sharon a placé un appareil d’enregistrement dans le sac de son fils et a eu le choc de sa vie. Elle a entendu le personnel de la crèche maltraiter et injurier son fils pendant deux jours d’affilée.
Le Dimanche/L’Hebdo dispose d’une bande sonore où l’on entend clairement les injures qui ont été proférées. Dans ladite bande sonore, on entend un bébé pleurer et crier à tue-tête, tandis que certaines personnes, qui sont forcément des employées de la crèche, sont en train de parler. « Sa bann piti-la pe kriye pou nanye. Telma pe kriye lavwa nepli ena tou », dit l’une d’elles. D’autres voix de bébés retentissent. « Ta, res trankil ta ! Get sa gro badia-la… Caleb. Enn nom sa ? » peut-on entendre dans la bande sonore.
Pire encore… L’une d’elles avoue son ras-le-bol face aux pleurs des bébés. « Ta, mo nepli kapav ar li, mwa. Monn fatige dres li (…) Ta, li gagn ner, ta ! » dit-elle à sa collègue. Et cette dernière de lui répondre : « Kit li laba. 4 h 10 to donn li so bwar ek to pran li ziska so papa vini. »
La crèche, qui est reconnue par le ministère, se situe dans la région de Curepipe. La mensualité est de Rs 5 000. Les parents doivent remettre trois boîtes de tissue paper chaque trimestre et une somme de Rs 100 pour l’entretien de la crèche sur un intervalle de six mois.
« Les parents n’ont aucune idée de ce qui se passe réellement dans certaines crèches. À travers ces enregistrements sonores, j’ai voulu démontrer comment certaines employées, qui sont censées encadrer et protéger les bébés, traumatisent ces êtres sans défense », s’indigne Sharon.
Ces enfants souffrent en silence, car ils ne savent pas s’exprimer. Autrement dit, ils ne pourront jamais raconter ce dont ils ont été victimes. « C’est pourquoi la loi doit impérativement être modifiée afin que toutes les crèches soient équipées de caméras de surveillance. Sans caméras de surveillance, il n’y aura aucune preuve de maltraitance dans les crèches. Les parents doivent savoir comment leurs progénitures sont traitées dans les garderies », plaide-t-elle.
Le petit Caleb a fréquenté cette crèche pendant seulement deux semaines. Sharon raconte que son fils a dû suivre un traitement qui s’est étalé sur un mois : « À force d’avoir pleuré, mon fils a fini par développer des problèmes respiratoires et une infection oculaire. Sa voix était également enrouée. » Elle dit avoir été contrainte de quitter son travail pour s’occuper de son fils à la maison. « Il a maintenant huit mois. »
Sharon lance un appel aux parents. « Chers parents, les bébés qui sont stressés émettent des signaux tels que la diarrhée, la toux, l’inflammation de la gorge et ont bien souvent le regard vide. Cela montre que les bébés sont anxieux et mal à l’aise dans leur environnement. Ce sont des symptômes qui ne doivent pas être pris à la légère », dit-elle.
Sharon a déposé une plainte à la Brigade pour la protection des mineurs, vendredi. « Une enquête sera ouverte par la police, et le ministère suivra de près le dossier », indique-t-on au ministère.
Enquête initiée uniquement sur la base d’une plainte
Le ministère de l’Égalité des genres, et du bien-être de la famille est l’organisme responsable de la réglementation et de l’octroi de l’autorisation de fonctionnement des crèches. Les crèches ne sont autorisées à fonctionner qu’après avoir obtenu un certificat d’enregistrement délivré par le ministère. « Des contrôles et des inspections sont effectués régulièrement dans les crèches enregistrées, celles qui ont récemment été radiées, ainsi que sur celles ayant soumis une demande d’ouverture », précise-t-on.
Par ailleurs, le ministère souligne qu’il n’interviendra dans les crèches illégales que sur la base d’une plainte, quelle que soit l’origine de cette plainte : police ou public. « À la réception d’une plainte, des mesures immédiates sont prises. Les Enforcement officers, accompagnés de policiers, se rendront sur place, mèneront une enquête et ordonneront la fermeture immédiate des crèches non conformes à la réglementation », rappelle le ministère.
Amende de Rs 200 000 et 5 ans de prison
Conformément à l’article 12 du Child Day Care Centres (CDCC) Regulation 2022, toute personne violant cette réglementation commet une infraction et est passible, en cas de condamnation, à une amende n’excédant pas Rs 200 000 ou une peine d’emprisonnement n’excédant pas 5 ans. Quel est le département responsable des crèches ? Les CDCC relèvent du département de l’octroi de licences, sous le contrôle du ministère de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille. « La section est dirigée par un coordinateur et comprend 11 agents de contrôle qui effectuent des inspections régulières dans les 328 CDCC enregistrés par le ministère. Le ministère offre aussi un service de veille communautaire pour les enfants dans les centres communautaires du pays », fait-on comprendre.
Mort de Grace à 3 mois - Yohan Cadapen : «J’ai toujours voulu avoir une fille…»
Le drame s’est abattu sur cette famille de Stanley, Rose-Hill. Yohan et Sabrina Cadapen ont perdu leur bébé de trois mois, mort asphyxié par le contenu de son estomac, alors qu’il se trouvait à la crèche. Le père meurtri se souvient de son petit ange avec émotion.
Grace avait à peine trois mois. Ce petit ange faisait le bonheur de ses parents Yohan et Sabrina Cadapen. Son frère âgé de 5 ans et elle étaient les rayons de soleil de couple. Mais voilà qu’en un instant, leur monde s’est obscurci. Le nourrisson, qui avait été confié pour la première fois à une crèche à Stanley lundi matin, n’est jamais retourné dans le foyer.
Le bébé a été placé dans un berceau par une surveillante, après qu’il a bu du lait, et il ne s’est pas réveillé. Grace a été transportée en toute urgence à l’hôpital Victoria, Candos, mais elle n’a pas survécu. Elle est morte asphyxiée par le contenu de son estomac. Qui plus est, la crèche où elle avait été placée opérait sans permis. La gérante a été arrêtée et inculpée par la police.
Yohan Cadapen est dévasté. Son épouse Sabrina et lui n’avaient jamais pensé perdre leur petite fille aussi brutalement. « J’ai toujours voulu avoir une fille. Notre fils a cinq ans. Nous avons attendu avant d’avoir notre deuxième enfant. Dès que mon épouse a su qu’elle était de nouveau enceinte, je savais que nous allions avoir une fille. Effectivement, lors d’une échographie, nous avons voulu connaître le sexe de l’enfant et le médecin nous a annoncé que c’était une fille », raconte-t-il, le cœur lourd. Une nouvelle qui avait comblé les parents.
La venue au monde de la petite Grace remplissait leur vie de bonheur. « Avec notre fils et notre fille, nous nagions dans le bonheur », confie-t-il. Quand il partait travailler, Yohan n’avait qu’une chose en tête. « Je ne pensais qu’à retrouver ma fille. Une fois au boulot, je m’organisais le plus vite possible pour terminer à l’heure. Grace était une enfant très sage. La nuit, elle ne se réveillait qu’une fois. Elle ne pleurait pas. Dès qu’elle s’agitait dans son sommeil, nous savions qu’elle devait être allaitée. Ensuite, je lui faisais faire son rot, puis je me mettais à ses côtés pour la regarder dormir », dit-il.
« Li ti enn ti anz »
« C’était un très joli bébé. Partout où nous allions, nous recevions des compliments », lâche le papa fièrement. Il se rappelle que le samedi 30 septembre, soit deux jours avant que le drame ne se produise, le couple et ses enfants s’étaient rendus à La Croisette, à Grand-Baie. « Nou ti al enn Food Festival. Tou dimoun ti pe arete pe get li. Zot dir li enn zoli baba. Li ti enn ti anz », se remémore-t-il.
Le lundi 2 octobre, le couple s’est rendu dans une crèche à Stanley. « Ma fille avait passé un mois dans une autre crèche à Plaisance. Elle n’avait jamais eu de problème. Cependant, vu que nous habitons à Stanley, nous voulions une crèche plus proche de notre maison. J’ai pris contact avec la directrice de l’établissement pour ma fille. Dès le départ, elle m’a laissé une étrange impression. Elle ne voulait pas qu’on visite la crèche. Lundi, nous sommes allés justement pour voir si tout était en ordre. Elle m’a montré des certificats sur le mur de son bureau et m’a dit que tout était en règle, et que ses employés aussi avaient reçu les formations adéquates pour s’occuper des enfants », dit-il.
Le couple a laissé sa petite avec une série d’instructions à suivre à la lettre. Cependant, alors que les parents se réjouissaient de revoir leur enfant à la fin de la journée, vers 15 heures, Sabrina, la maman de Grace, a reçu un appel alarmant. « La directrice m’a dit que le pouls de ma fille était faible et qu’elle ne bougeait pas. Elle l’avait emmenée aux urgences de l’hôpital de Candos », se souvient la jeune femme. Elle s’est tout de suite rendue à l’hôpital. Une fois sur place, le couple a appris que son petit ange s’en était allé.
« Si seulement elle avait été honnête »
La police de Stanley a été alertée. Une descente a eu lieu dans la crèche. « J’ai accompagné les policiers. C’est ainsi que j’ai su que la dame n’avait pas de permis pour opérer une crèche. Si seulement elle avait été honnête avec moi et m’avait informée de sa situation, je n’aurais jamais laissé ma fille entre ses mains », se désole le papa meurtri.
La directrice a été arrêtée. Des officiers du ministère de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille se sont rendus sur place mardi.
L’établissement a fermé ses portes. La gérante a été inculpée avant d’obtenir la liberté sous caution.
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