Interview

Jonathan Ravat anthropologue: «Daech défigure l’islam»

Jonathan Ravat
Condamnation sans appel de Daech par le porte-parole du Conseil des religions. Pour l’anthropologue Jonathan Ravat, cette organisation donne une fausse perception du monde musulman. Comment expliquer le comportement de Yogen Sundrun, alias Abu Shuaib Al Afriqui ? Les images du jeune Mauricien appelant ses compatriotes musulmans à se joindre à Daech sont terribles. On réalise que le monde est ce qu’il est. Aucun territoire ne peut dire qu’il n’est pas concerné par le terrorisme. En tout cas, pas Maurice.
Pourquoi cet appel est-il choquant ? On peut regretter qu’il lance cet appel, mais ce Mauricien ne fait qu’exercer son droit à la parole. Maintenant, au niveau du Conseil des religions, nous condamnons ce genre de démarches. Pour nous, Daech bafoue les règles de l’islam et, à travers sa violence, fait fi de la dignité humaine. Nous ne pouvons cautionner un mouvement qui instrumentalise une religion et qui tue des êtres humains. Daech défigure l’islam et donne une fausse perception du monde musulman. Pourquoi cette impression que les convertis sont plus fanatisés ? C’est une bonne question. D’abord, il faut souligner que ce n’est qu’une perception et non un fait avéré. Toutefois, les mouvements terroristes basés sur une idéologie religieuse puisent leurs forces dans les convertis, car ceux-ci se retrouvent dans une situation de découverte d’une nouvelle religion. Ils sont souvent très enthousiastes et poussent les mouvements qui les ont convertis à aller de l’avant. Nous avons observé une radicalisation des nouveaux convertis dans les milieux marginalisés.
[blockquote]« Dans l’Histoire, toutes les religions ont connu des temps de violence et de conflits. Sauf qu’à l’époque, on n’appelait pas cela terrorisme »[/blockquote]
Peut-on empêcher que les jeunes soient happés par l’extrémisme religieux ? Au niveau du gouvernement, on peut éviter la radicalisation en continuant le dialogue interreligieux, en poussant vers la découverte d’autres religions et en faisant comprendre qu’elles n’ont rien à faire avec l’extrémisme. L’État peut être un partenaire dans cet élan en promouvant une bonne éducation religieuse dans nos écoles, pas uniquement l’enseignement des valeurs de la religion. Les attentats provoquent un ressentiment de la population à l’encontre des coreligionnaires des terroristes. Comment l’éviter ? Il ne faut diaboliser ni l’islam ni les musulmans. Dans l’Histoire, toutes les religions ont connu des temps de violence et de conflits. Sauf qu’à l’époque, on n’appelait pas cela terrorisme. Avec la mondialisation et les technologies de l’information (Tic), nous sommes davantage informés sur ce qui se passe… des fois à la minute où cela survient. Nous avons alors des images frappantes et quasi immédiates concernant les mouvements islamistes, ce qui, par ricochet, peut amener à une perception négative de l’islam. Est-ce mauvais pour l’islam ? Les mouvements extrémistes ne proviennent pas de l’islam uniquement. Il faut faire comprendre ce qu’est l’islam, la beauté de cette religion. Il faut savoir qu’il y a des musulmans qui condamnent ces actes. Des non-musulmans se joignent à cet élan, comme le patron de Google par exemple, après le discours de Donald Trump. Le Conseil des religions peut-il faire quelque chose ? Le Conseil des religions n’est pas une organisation supra religieuse, c’est-à-dire au-dessus de toutes les religions à Maurice. Nous sommes une association libre et légale de différentes croyances présentes à Maurice. Le Conseil fait ce qu’il peut. Cette instance joue-t-elle parfois les sapeurs-pompiers ? Effectivement, le Conseil l’a fait, mais nous avons aussi des projets sur les court, moyen et long termes. Par exemple, nous voulons introduire l’éducation aux religions à l’école. Ne faudrait-il pas aussi veiller à ce que les discours religieux ne contiennent pas des propos extrémistes ? Il faut rejeter tous les discours extrémistes et ceux poussant vers l’extrémisme religieux. Et ce, quelle que soit la religion. Tout religieux qui se respecte a le devoir d’éviter les dérapages. Il faut avoir le courage de mettre en avant notre pluralité. Il ne faut plus avoir peur de parler de religion et de promouvoir le dialogue interreligieux. Pourquoi ? Parce que cela implique la connaissance profonde de sa propre religion et de celle de son voisin. Cela favorise une foi prônant la main tendue vers l’autre. La devise devrait être celle-ci : je découvre qui je suis, je découvre qui tu es et je choisis d’avancer ensemble avec toi. Si on parlait politique… Cela fait un an que l’Alliance Lepep est au pouvoir… Pas de commentaire. Ce n’est ni mon rôle, ni celui du Conseil des religions. Si je vous demandais si le poste de vice-Président est essentiel… Là, je vais parler en mon nom personnel. Le poste de vice-Président est nécessaire. Pourquoi ? Le peuple mauricien vit l’apprentissage de la République. On parle souvent de l’Indépendance du pays, mais pas de la République. Il y a une culture de la République. La vice-Présidence permet d’aller vers cette culture. Au niveau du Conseil des religions, nous avons eu le soutien de la Présidence et de la vice-Présidence. Ce modèle permet à deux hautes personnalités de se consacrer à des causes sociales. Les deux sont des alliés pour le travail social.
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