Les autorités ont renforcé les mesures pour combattre le trafic de drogue et l’importation de colis de drogue a baissé. Sauf que les trafiquants, ayant compris la manœuvre, intensifient l’utilisation de « mules » qui avalent de la drogue dans l’espoir de la faire passer incognito. Le jeu du chat et de la souris se poursuit entre les autorités et les passeurs…
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Depuis janvier 2018, le nombre de colis de drogue arrivés à Maurice a fait un bond. Il suffit de voir le nombre de passeurs interceptés aux différents points d’entrée de l’île pour le comprendre. Si cette méthode coûte plus cher et comporte davantage de risques, les narcotrafiquants ne se laissent pas intimider : le business continue. Ces neuf derniers mois, six passeurs ont été interceptés. Quatre avaient avalé de la drogue et les deux autres en avaient dissimulé dans leurs parties intimes.
À l’aéroport de Plaisance, ce sont surtout les passagers en provenance de Madagascar, du Kenya, du Mozambique, d’Ouganda, d’Afrique du Sud, de Tanzanie et du Nigeria qui intéressent particulièrement les autorités. « Une mule perçoit parfois 50 000 dollars (soit Rs 1,5 million) par mission. Ceux qui le font justifient leurs actes en évoquant la misère dans laquelle ils vivent et le besoin d’argent pour financer des interventions médicales de leurs proches. Dans certains cas, les mules espèrent obtenir 400 dollars à leur retour au pays. La plupart des passeurs sont issus de la classe ouvrière. Les profils d’emploi bas de gamme éveillent souvent les soupçons des policiers », explique une source.
Il y avait le cas de cette Américaine, employée dans une cafétéria, qui nous a intrigués. Comment s’est-elle permis ce voyage chez nous ? Le mode opératoire des trafiquants est souvent identique : durée de séjour court (deux à trois jours). Les mules ont souvent leurs cartes SIM et se rendent à leurs hôtels par taxi depuis l’aéroport. Souvent, la réservation et l’hébergement sont réglés par les commanditaires à l’étranger, par carte de crédit. Durant le voyage, la mule ne consomme rien à bord. Une fois à l’hôtel, elle consomme des laxatifs et purge les boulettes de drogue. « Zot met papie zournal anba apre zot lav li pou tire bann sase ladrog », explique la source.
Ouganda et Afrique du Sud
Depuis janvier 2018, la majorité des passeurs utilisés comme Body Carriers est originaire d’Afrique. Les Ougandais et Sud-Africains sont les plus privilégiés par le cartel de trafiquants de drogue qui contrôlerait le marché de l’océan Indien, via Maurice.
Certains choisissent la méthode Swallow. Il s’agit d’avaler des boulettes enrobées de plastique avant de les purger une fois à destination. Cependant, cette méthode comporte d’énormes risques. Elle peut entraîner la mort de la mule si les « boulettes » de drogue présentes dans son estomac se rompent. De plus, il faut avoir la technique pour avaler les boulettes : « Le swallowing est une méthode très compliquée et dangereuse. » Le facteur-clé qui profite au baron : l’opportunité inespérée pour ces passeurs de gagner de grosses sommes d’argent.
Gareth Gruen avale 125 boulettes d’héroïne
2 juillet 2018. Gareth Cruen est arrêté avec 125 boulettes d’héroïne estimées à Rs 17 millions. Ce ressortissant sud-africain en avait ingurgité 1 150 grammes. Il était arrivé au pays en provenance de Nairobi sur un vol d’Air Mauritius. Des examens médicaux avaient révélé qu’il avait dans l’estomac des boulettes contenant 9,2 grammes d’héroïne chacune. Il les avait purgées après plusieurs jours à l’hôpital.
L’Ougandaise aux 98 boulettes
La femme d’affaires ougandaise Katali Loy, 48 ans, avait été interceptée le 26 juillet 2018 à l’aéroport de Plaisance. Elle avait avalé 1 095 grammes d’héroïne répartis en 98 boulettes. En provenance de Zambie, la passeuse avait avoué avoir avalé les boulettes d’héroïne « par peur qu’elles ne s’endommagent ».
Les 50 boulettes de cocaïne de Rupert Arnoldus Bothma
Le 21 août 2018, les douaniers et l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu) de l’aéroport interceptent Rupert Arnoldus Bothma. Ce ressortissant sud-africain avait utilisé son corps pour transporter 753 grammes de cocaïne. Cinquante boulettes estimées à Rs 11,3 millions avaient été saisies après son passage à l’hôpital. Le passeur avait avoué qu’il était convoyeur de drogue.
259 grammes d’héroïne dans les parties intimes
À son arrivée à l’aéroport de Plaisance le 26 février, Marie Françoise Rasoa a été interceptée avec 259 grammes d’héroïne cachés dans ses parties intimes. Le tout estimé à Rs 4 millions. Cette passagère malgache avait utilisé un préservatif pour emballer la drogue avant de la cacher dans ses parties intimes.
L’opiacé scellé dans un préservatif
216 grammes d’héroïne, estimés à Rs 3,2 millions, ont été récupérés dans un préservatif que Fanny Patricia Andriambolahasna avait caché dans ses parties intimes. Le préservatif a été décelé lors du passage de la mule aux rayons X. L’étudiante malgache de 23 ans avait été coffrée le 2 septembre à l’aéroport. Elle était sur le vol MK 287 en provenance d’Antananarivo. C’est grâce à un profilage que les éléments de la Customs Anti-Narcotics Section et de l’Adsu ont interpellé l’étudiante qui devait séjourner à Mahébourg.
La sélection
« Pou aval boulet ladrog, souvan rod bann dimounn ki fasil pou anbete », disent nos sources. Elles évoquent la naïveté et la pauvreté qui incitent ces personnes à s’embarquer dans cette aventure. Les trafiquants choisissent les mules après s’être livrés à un exercice de profiling. « La pauvreté, l’isolement, les dettes et les conditions de vie extrêmes » sont autant de facteurs considérés. Dans les années 80, les mules venaient surtout de l’Inde. Les passeurs, refusant d’ingurgiter de la drogue, utilisaient des valises à double fond.
À l’époque…
15 février 1992. Un marin africain est arrêté à son arrivée au port. Il a 148 grammes d’héroïne sur lui. Valeur estimée à Rs 1,3 million. Il aidera l’Adsu à coffrer ses contacts locaux : les frères Rehad et Wahed Lalloo lors d’un exercice de controlled delivery, à la rue Royale, à Port-Louis. Toutefois, à l’issue du procès, les frères Lalloo seront blanchis et le passeur condamné. À l’époque, les rémunérations financières n’étaient guère importantes. « Outre un séjour à Maurice, ils recevaient entre Rs 3 000 et Rs 5 000 pour couvrir leurs dépenses », affirme un ancien agent de la brigade antidrogue.
Rémunérations vs destination de rêve
À l’époque, les rémunérations en argent étaient faibles. Les passeurs profitaient d’un séjour à Maurice, dans un hôtel et à la plage. Pour quelques dizaines de boulettes, la rémunération des mules équivalait à quelque Rs 3 000. « Bann-la ti plis interese ar lokazion pas vakans Maurice », précisent nos sources. Aujourd’hui, on évoque des sommes variant entre Rs 50 000 et Rs 100 000 pour les mules. Rémunération dépendant bien entendu de la quantité de la drogue transportée et de la durée de séjour des mules, etc.
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