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Compensation salariale de Rs 400 : retombées positives et négatives sur l’économie

Les travailleurs auront un montant uniforme à partir de janvier, soit Rs 400.
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À partir de janvier 2019, tous les employés des secteurs public et privé toucheront une compensation salariale de Rs 400.  Si cette somme améliorera le pouvoir d’achat de certaines familles à court terme, le risque que les prix de certains produits et services prennent l’ascenseur n’est pas à écarter. Zoom sur les conséquences de cette décision !

Retombées positives

Redynamisation de l’économie…

L’économiste Ganessen Chinnapen est d’avis que le montant de Rs 400 comme compensation salariale  apportera un dynamisme sur  le marché.  «  Cet ajustement salarial prévoit une injection supplémentaire de 2,5 milliards de roupies sur le marché sur un an. Une hausse de la consommation entraînera naturellement une croissance de la demande et les entreprises devront revoir à la hausse leur potentiel de production pour rééquilibrer le marché », dit-il. Ce dernier estime que cela pourrait également conduire à la création de quelques emplois. 

Amélioration du pouvoir d’achat…

Pour le porte-parole de Consumer Eye Association (CEA), Claude Canabady, toute augmentation de salaire est un soulagement pour les employés, surtout pour ceux au bas de l’échelle. Un avis que partage Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la Protection de l’Environnement et des Consommateurs (APEC) : «  Pour ceux au bas de l’échelle salariale, c’est certes un apport positif. Rs 400 pour un salaire minimal de Rs 9, 000 représente 4,4% alors que le taux d’inflation est à 3,3%. Cela fait Rs 5 200 de plus pour un salarié sur une année », indique-t-il. Par ailleurs, pour un couple qui travaille, cela reviend à une augmentation annuelle de Rs 10 400. Pour certains, cette somme est dérisoire.  Mais si l’on sait bien gérer ce surplus d’argent, cela peut avoir un effet positif sur une famille », soutient-il. L’économiste Pramode Jaddoo abonde dans le même sens. «  C’est un encouragement pour beaucoup de familles. À la rentrée scolaire, ce montant additionnel aidera à subvenir aux besoins de leurs enfants », dit-il. Cependant, pour l’économiste Mohammed Shaffick Hamuth, pour vraiment protéger le pouvoir d’achat des travailleurs, le gouvernement doit également considérer d’autres options comme la réduction des frais d’enregistrement et de la Road Tax sur les véhicules âgés de plus de 10 ans, la baisse du coût de l’internet qui est aujourd’hui une nécessité, l'abolition du ‘line rental’ téléphonique, etc.

Épargne potentielle pour certains…

Si de nombreux salariés dépenseront la somme additionnelle de Rs 400 dans la consommation, d’autres toutefois opteront pour l’épargne.  C’est ce que pense l’économiste Pramode Jaddoo.  «  Épargner Rs 400 par mois peut sembler faible, mais si vous calculez sur toute une année, cela représente un montant assez conséquent », dit-il. 


Retombées négatives

Risque d’une hausse des prix…

L’économiste Eric Ng est catégorique : «  Des hausses de prix des produits et services sont inévitables car les entreprises vont essayer d’absorber le coût de la compensation salariale en passant le fardeau sur le dos des consommateurs », dit-il.  Pour sa part, Suttyhudeo Tengur soutient que le paiement d’une compensation entraîne automatiquement une injection massive d’argent dans le circuit monétaire avec une possibilité d’excès de liquidités.  « Et cette somme, estimée à Rs  2,4 milliards de plus pour cette année, aura certainement un effet sur la consommation. Il faut surtout veiller à ce qu’une hausse vertigineuse des prix ne vienne neutraliser cette compensation », dit-il. 

Réduction d’effectifs dans certaines entreprises…

Ganessen Chinnapen  soutient que la compensation salariale entraînera une pression inflationniste et une hausse du coût de la production. Par conséquent, pour absorber cette hausse les petites entreprises vont réduire leurs effectifs afin de maintenir leur masse salariale identique à celle prévue avant l'annonce de cette augmentation salariale de Rs 400.

Vers la fermeture des PME…

Amar Deerpalsing, président de la Fédération des Petites et Moyennes Entreprises est catégorique.  Pour lui, imposer un montant moyen à tous les secteurs d’activité est une mauvaise approche pratiquée depuis des années.  «  Il y a des secteurs tels que le secteur financier et le tourisme qui ont la capacité de payer une compensation salariale de plus de Rs 500. Toutefois, les PME qui font déjà face à de nombreuses difficultés n’en ont pas les moyens », martèle-t-il.  Avec cette compensation de Rs 400 ‘across the  board’ imposée par le gouvernement, plusieurs PME mettront la clé sous le paillasson, prétend-il :  «  Déjà, certaines entreprises ont eu du mal à respecter le salaire minimal. Maintenant, ce sera encore plus difficile ». 

Endettement de l’État….

Selon nos interlocuteurs, une hausse de Rs 400 comme compensation salariale peut avoir un motif politique caché, sachant que les élections approchent. «  Il s’agit d’un casse-tête politique qui intensifiera les dettes de l’État », disent-ils.

Compensation salariale 2007-2019
Année Taux de croissance % Taux d’inflation % Compensation salariale
2007 5,7 8,8 Rs 135
2008 5,5 9,7 Rs 400
2009 3,1 2,5 Rs 400
2010 4,2 2,9 Rs 420
2011 3,6 6,5 Rs 175 à Rs 190
2012 3,4 3,9 Rs 330 à Rs 460
2013 3,2 3,5 Rs 300 à Rs 345
2014 3,5 3,2 Rs 300 à 740
2015 3,5 1,3 Rs 600
2016 3,8 1,0 Rs 150
2017 3,8 3,5 Rs 200/Rs 125
2018 3,9 3,3 Rs 360
2019 n/a n/a Rs 400
Il faut veiller à ce qu’une hausse vertigineuse des prix ne vienne neutraliser cette compensation.
Il faut veiller à ce qu’une hausse vertigineuse des prix ne vienne neutraliser cette compensation.

En chiffres : Rs 2,3 milliards par an

Le paiement de la compensation salariale coûtera annuellement Rs 540 millions à l'État et Rs 1,8 milliard au secteur privé. Ce qui fait un coût total de Rs 2,3 milliards. 463 000 employés (104 000 fonctionnaires et 359 000 employés du secteur privé) sont concernés par la compensation salariale.


Pradeep Dursun, Chief Operating Officer de Business Mauritius : «Un impact financier sur les PME»

Pradeep Dursun

Comment le patronat accueille-t-il la décision du gouvernement d’accorder une compensation salariale de Rs 400 à tous les employés à partir de janvier 2019 ? 
J’estime que le gouvernement a été sensible aux arguments des deux parties (secteur privé et syndicats) en fixant le quantum à Rs 400. C’est un soulagement pour les gens au bas de l’échelle. À mon avis, il faut revoir les critères macroéconomiques lors des évaluations de la compensation salariale.

Certains syndicalistes trouvent que ce montant est insuffisant…
Du côté du patronat, on a proposé un montant de Rs 268 en nous basant sur le taux d’inflation et en considérant l’aspect financier des entreprises mauriciennes, tandis que les syndicalistes ont proposé un montant élevé pour soulager les personnes au bas de l’échelle. Finalement, le gouvernement a accordé une compensation salariale de Rs 400, qui sera payée à tous les employés à partir de janvier prochain.

Quid des entreprises qui auront des difficultés ?
Cette compensation salariale, qui est importante d’ailleurs, aura un impact financier sur les petites et moyennes entreprises. Des compagnies faisant face à des difficultés financières auront du mal à payer la compensation salariale. Mais nous allons travailler avec eux pour trouver une solution avec des mesures d’accompagnement. Lors des négociations, le patronat avait attiré l’attention des autorités qu’il y a aussi des entreprises qui pourraient payer plus que ce qui a été recommandé. Nous allons travailler avec nos membres qui ont les moyens afin de les encourager à payer plus. En matière de coût, nous pensons que la compensation across the board décidée par le gouvernement est réaliste. Par ailleurs, le paiement de la compensation salariale coûtera Rs 540 millions par an à l'État et Rs 1,8 milliard au secteur privé. Ce qui fait que le coût total est de Rs 2,3 milliards. 463 000 employés (104 000 fonctionnaires et 359 000 employés du secteur privé) sont concernés par la compensation salariale.


Radhakrishna Sadien, président de la Government Servants Employees Association : «La classe moyenne souffre beaucoup»

Radhakrishna Sadien

Tous les employés des secteurs public et privé obtiendront une compensation salariale de Rs 400 à partir de janvier 2019. Votre commentaire.
La classe moyenne a beaucoup souffert et il faut aussi considérer le fait qu’à cette période de l’année les prix des légumes et des denrées alimentaires prennent l’ascenseur. Il ne faut pas, non plus, confondre salaire minimum et compensation salariale. Cette dernière vient compenser l’érosion du pouvoir d’achat, tandis que le salaire minimal vient rehausser les plus bas salaires en terme absolu, comparé au taux d’inflation en vigueur. Les bénéficiaires de la pension de vieillesse universelle obtiendront, pour leur part, une somme de Rs 6 210.

Êtes-vous satisfait ?
Oui. Cette compensation salariale va alléger un peu la souffrance des Mauriciens, mais elle doit être accompagnée d'un ajustement salarial pour obtenir un salaire décent. Au début, le gouvernement avait proposé Rs 330. Mais on a alors fait une contre-proposition de Rs 600. Après les discussions, le gouvernement a finalement décidé de fixer le quantum à Rs 400. Le gouvernement a fait un effort. C’est un élan de solidarité.

Selon vous, cette somme compense-t-elle vraiment la perte du pouvoir d’achat?
C’est un montant uniforme lié au pouvoir d’achat. Il faut tout de même un réajustement du salaire minimum. C’est un package. Ce montant est calculé par rapport à l’indice des prix (Consumer Price Index). Ceci dit, l’inflation correspond à une augmentation des prix d’un type de produits déterminés (le panier de la ménagère). Il y a justement des commerçants malhonnêtes. Je cite l’exemple du boulanger. À partir de huit heures, il préfère commercialiser les baguettes spéciales au lieu du pains maison. La compensation salariale qui n’est pas une augmentation des salaires vise à contrebalancer une hausse du coût de la vie. En 2018, selon les prévisions de la Banque de Maurice, le taux d’inflation devrait être de l’ordre de 3, 2%. Je trouve que l’argument sur l’inflation avancé par le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth est justifié.


Micro-trottoir

Haashim Tarsoo : 25 ans et receveur chez Rose-Hill Transport

Haashim Tarsoo

Le montant de Rs 400 proposé par le gouvernement est correct, comparé à ce qui a été proposé l’année dernière. Toutefois, je m’inquiète pour les petites et moyennes entreprises (PME), qui connaîtront un vrai débalancement dans leur chiffre d’affaires. Celles-ci peuvent ne pas survivre. Le gouvernement devra trouver des solutions pour leur venir en aide. 

Yovani Veeren Oril : 29 ans et Fabric Coordinator du groupe Ciel

Yovani Veeren Oril

Je suis plus ou moins satisfaite du montant accordé. Pour certains, la somme sera insignifiante, mais ce sera surtout bénéfique aux familles avec des enfants et qui ont beaucoup de dépenses à la fin du mois. Cependant, le gouvernement aurait pu proposer plus. Tous les ans, le gouvernement vient avec des propositions qui sont loin d’apporter de grands changements au portefeuille des consommateurs.

Fadil Oozeerally : 34 ans et fonctionnaire au sein du ministère de l’Économie océanique, des Ressources marines, de la Pêche, et des Services maritimes

Fadil Oozeerally

Je pensais que le gouvernement allait donner plus, voire dans les Rs 600. Les Rs 400 sont insuffisantes par rapport aux dépenses des consommateurs. Notons aussi que les prix  des denrées alimentaires ou autres produits sur le marché ne cessent d’augmenter. Avec le coût de la vie qui grimpe, comment les gens vont-ils s’en sortir ?

Michael Racoute : 43 ans et Police Attendant

Michael Racoute

Ce montant est loin de soulager les dépenses mensuelles de la population. À la fin du mois, la corbeille ménagère laisse une note salée. Les syndicalistes avaient proposé un montant de Rs 600, cette somme étant largement une meilleure proposition. Maintenant, dépendant des salaires, certains n’y verront pas de différence. 

Massandy Joseph Ulric : 67 et retraité

Massandy Joseph Ulric

Au final, on est obligé d’accepter les montants que les décideurs proposent. Que pouvons-nous dire ? Quand on nous donne plus, on est content, quand c’est moins, on doit l’accepter. Mais de voir que ma pension a augmenté, passant de Rs 3 800 en 2015 à Rs 5 810 en janvier 2018 et aujourd’hui à Rs 6 210, est pleinement satisfaisant. 

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