
Semaine de 40 heures, congés parentaux et menstruels, recrutement des étrangers… Aux Assises du Travail et de l’Emploi, qui se tiennent du 23 au 25 septembre, syndicats et employeurs s’affrontent entre aspirations sociales et contraintes économiques, laissant au gouvernement le soin de trancher.
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Semaine de 40 heures
Alors que le gouvernement envisage la mise en œuvre d’une semaine de travail de 40 heures, les réactions des parties prenantes révèlent des positions contrastées. Travailleurs et employeurs s’accordent sur l’importance du débat, mais leurs recommandations traduisent des intérêts et des priorités différents.
Travailleurs : une réforme centrée sur l’humain
Les représentants des travailleurs saluent l’initiative gouvernementale, soulignant que plusieurs services essentiels tels que le Central Electricity Board (CEB), la police, les pompiers et le ministère de la Santé fonctionnent déjà en dessous du seuil des 40 heures hebdomadaires. Ils plaident pour une généralisation de cette norme, en tenant compte des spécificités des secteurs opérant 24 h/24 et 365 jours par an.
Employeurs : prudence et préoccupations économiques
Du côté des employeurs, le ton est plus réservé. Ils estiment que toutes les industries contribuant à l’économie devraient être considérées comme essentielles et que toute réforme doit être abordée avec prudence.
Leurs principales préoccupations incluent :
- Impact financier : une réduction des heures de travail pourrait entraîner une hausse des coûts de main-d’œuvre de 10 à 20 %, notamment dans les secteurs du textile, de la construction, de l’agriculture, du commerce de détail, de la santé et de l’hôtellerie.
- Phasage nécessaire : la réforme devrait être introduite progressivement, en particulier pendant les périodes de récolte dans l’industrie sucrière.
- Révision des conditions d’emploi : les employeurs suggèrent que la baisse des heures soit compensée par une réduction des salaires et des congés, tout en réexaminant les ratios de recrutement de travailleurs étrangers et les paiements d’heures supplémentaires.
- Cadre légal à clarifier : des questions subsistent quant à la durée des shifts dans les entreprises opérant 24 h/24, notamment si les horaires doivent passer de 8 à 7 heures.
Parmi leurs principales revendications :
- Respect du droit à la vie familiale : une réduction du temps de travail permettrait aux employés de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle.
- Équilibre dans les systèmes de rotation : les horaires en service continu doivent intégrer des principes de bien-être.
- Application cohérente dans les programmes gouvernementaux : le gouvernement ayant déjà annoncé cette réforme, sa mise en œuvre devrait suivre sans délai.
Congé parental
Les propositions formulées par les représentants des travailleurs et des employeurs révèlent des visions opposées sur la durée, le financement et le partage de ces congés. Au cœur du débat : la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
Travailleurs : appel à un soutien prolongé
- Partant du constat que le congé de maternité actuel est de seize semaines et celui de paternité de quatre semaines, ils proposent un congé parental d’un an après l’épuisement du congé de maternité, permettant aux parents de consacrer davantage de temps à leur enfant durant la première année de vie.
- Un mécanisme de suivi du partage du congé entre les deux parents, favorisant une parentalité équilibrée.
- Une réflexion sur la rémunération durant cette période, avec une préférence implicite pour un congé payé ou partiellement financé.
Employeurs : soutien conditionné et partage structuré
- Un congé parental limité à six mois, entièrement pris en charge par le gouvernement, afin de ne pas alourdir les charges patronales.
- Un mécanisme clair de partage du congé entre la mère et le père, suggérant une gestion encadrée pour éviter les abus ou déséquilibres.
- Pas de mention explicite concernant la rémunération.
Recrutement des travailleurs étrangers
À l’heure où Maurice fait face à une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs clés, les discussions sur le recrutement des travailleurs étrangers ont été à l’agenda mercredi aux Assises.
Syndicats : pour un encadrement rigoureux et éthique
Les syndicats insistent sur la nécessité de protéger les jeunes travailleurs étrangers contre toute forme d’exploitation. Ils recommandent :
- La définition claire d’un taux horaire minimum.
- Une coordination intergouvernementale pour assurer le suivi des étudiants étrangers travaillant à Maurice.
- Des campagnes de sensibilisation dans les universités, accompagnées de sessions explicatives sur les droits du travail.
- La mise en place d’un cadre légal transparent, aligné sur les standards internationaux, notamment via le système IRIS (International Recruitment Integrity System).
Ils s’opposent fermement à la dérégulation du marché du travail et à l’absence de quotas, craignant une dépendance excessive à la main-d’œuvre étrangère et une marginalisation des travailleurs locaux.
Employeurs : pour plus de souplesse et de rapidité
Les employeurs, quant à eux, plaident pour :
- Un assouplissement des procédures de visa, notamment via un système de visa vacances-travail pour les 18–35 ans.
- Une réduction des contrôles administratifs, en transférant certaines responsabilités au secteur privé.
- L’élimination des quotas dans tous les secteurs, permettant aux entreprises de recruter librement selon leurs besoins.
- Une rapatriation dans un délai d’un mois à la fin du contrat, pour éviter les situations de séjour irrégulier.
Ils appellent à une meilleure cohérence entre les autorités (Passport and Immigration Office, ministère du Travail) et à une approche pragmatique pour répondre aux besoins du marché.
Frederick Muia, de l’Organisation internationale du Travail (OIT) : «Créer des opportunités pour les jeunes et les femmes»
Présent aux Assises du Travail et de l’Emploi, Frederick Muia, directeur du Bureau de pays de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour Madagascar, les Comores, Maurice et les Seychelles, a mis en lumière le principal défi auquel Maurice est confronté : offrir davantage d’opportunités d’emploi aux jeunes et aux femmes.
« Lorsque les jeunes quittent l’université, ils ne trouvent pas suffisamment de débouchés et sont souvent contraints de s’expatrier. La question est donc de savoir comment créer des opportunités pour ces jeunes qui arrivent sur le marché du travail, mais aussi pour les Mauriciennes, afin qu’elles participent pleinement à la vie économique », déclare-t-il.
Selon lui, cette problématique est au cœur de la mission de l’OIT à Maurice, qui repose sur quatre piliers fondamentaux :
1 La promotion de l’emploi et la création de perspectives durables, particulièrement pour les jeunes diplômés et les femmes.
2 La défense des droits des travailleurs, notamment la lutte contre les discriminations et le harcèlement, ainsi que le respect des procédures en cas de licenciement.
3 La protection sociale : retraites, santé, sécurité au travail.
4 La promotion du dialogue social et du tripartisme.
Pour le directeur de l’OIT, la concertation entre travailleurs, employeurs et gouvernement est essentielle pour instaurer une paix sociale durable et développer une vision commune du monde du travail. « Les Assises sont justement l’occasion de renforcer ce dialogue afin de trouver un équilibre entre les attentes des différentes parties prenantes », ajoute-t-il.
Congé menstruel
Si les travailleurs appellent à une reconnaissance pleine du congé menstruel, les employeurs insistent sur la nécessité d’un encadrement strict pour éviter les abus et préserver l’équilibre organisationnel.
Travailleurs : un droit fondé sur la réalité biologique
- Un jour de congé menstruel par mois, soit 12 jours par an, accordé aux femmes en activité.
Employeurs : contrôle et justification médicale
- Le congé menstruel ne serait accordé que sur présentation d’un certificat médical.
- Il serait déduit du « bank of sick leave », c’est-à-dire intégré dans le quota global de congés maladie déjà prévu par la loi.

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