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Khushal Lobine : «Il faut aller plus vite et plus loin avec l’Appointments Committee»

Alors que des nominations alimentent les critiques, Khushal Lobine, leader de Nouveaux Démocrates, presse le gouvernement à aller « plus vite et plus loin avec la création de l’Appointments Committee ». Il estime que cela permettrait de réduire les soupçons de passe-droit et garantirait que la méritocratie reste le critère absolu pour toute nomination. Il se positionne aussi aux côtés des femmes au foyer et des travailleurs manuels en attente de leur Basic Retirement Pension. 

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Vous en êtes à votre deuxième mandat. Cela vous fait quoi ? 
Je suis honoré et extrêmement reconnaissant envers les habitants de la circonscription n° 15 (La Caverne/Phœnix) pour leur confiance. C’est avec beaucoup d’humilité et un sens du devoir que je les représente au sein pour un second mandat consécutif à l’Assemblée nationale. Cette circonscription où j’habite est un microcosme du pays, un lieu où toutes les communautés vivent en symbiose. Elle incarne pleinement le vivre-ensemble et le mauricianisme. 

Être élu à deux reprises, aux élections générales de 2019 et 2024, et en tête de liste, confère à mon action politique et sociale un sentiment profond de patriotisme et de responsabilité. Je demande au bon dieu le courage et la santé pour donner le meilleur de moi-même, au service du bien-être de ma circonscription et du pays. 

Vous êtes bien apprécié par vos pairs pour vos interventions à l’Assemblée nationale sur des sujets spécifiques. Votre prestance aurait-elle un lien avec votre métier d’avocat ?
Merci pour ces bons mots. Mon engagement politique s’est forgé depuis mon enfance. J’ai toujours été passionné par des figures politiques, comme sir Seewoosagur Ramgoolam, Emmanuel Anquetil et Guy Rozemont, qui ont façonné le destin de notre pays. Plus tard, au collège Royal de Curepipe, j’ai découvert, à travers la lecture et un engouement pour les documentaires télévisés, des colosses politiques qui m’ont inspiré comme Atal Bihari Vajpayee et Abdul Kalam. 

Durant mes études de droit en Angleterre, mon adhésion à la Young Fabian Society m’a permis de m’inspirer de personnalités comme Tony Benn, Jeremy Corbyn, Ken Livingstone – tout en restant critique envers d’autres. J’admirais aussi Tony Blair, mais j’ai été extrêmement déçu quand il a pris une position condamnable sur la guerre et l’invasion de l’Irak. J’étais farouchement opposé à cette guerre. Je suis contre toute forme de violence à travers le monde. 

Razack Peeroo, qui a été mon « pupil master » et mentor que je côtoie depuis plus de 20 ans, reste une référence pour moi. Ce grand politicien et fin intellectuel est une source d’inspiration. Ses connaissances politiques et sociétales m’ont grandement aidé à forger ma personnalité et à devenir l’homme politique que je suis maintenant. 

En somme, je suis un passionné de la politique et des grandes thématiques géopolitiques de ce monde. Je le fais par conviction. Le métier d’avocat me donne un sens de direction, ainsi qu’une indépendance de penser et d’agir. 

Pourquoi avoir choisi de céder votre place de ministre à Richard Duval ? 
Lorsque j’ai cofondé Les Nouveaux Démocrates avec des amis – qui se reconnaîtront – ainsi qu’avec Véronique Leu-Govind, Zaphir Futloo et Julien Permal, tout en étant rejoint par Richard Duval dans notre parti, notre objectif primaire était de sauver la démocratie, qui avait pris un sale coup. En 2024, la population réclamait un changement. 

Notre engagement à l’époque au sein de l’alliance avec le Parti travailliste et le Mouvement militant mauricien était sans condition. Le parti avait délégué Richard Duval pour nous représenter comme porte-parole de cette alliance. La prérogative de nommer des ministres après les élections revenait au Premier ministre. 

Pour ma part, je suis pleinement investi dans mon rôle de député pour servir ma circonscription. C’est un privilège inouï de pouvoir poser des questions à l’Assemblée nationale et d’aborder des sujets touchant autant le pays que des enjeux internationaux. 

En tant que leader de Nouveaux Démocrates, j’ai l’occasion de parcourir le pays et de dialoguer avec le peuple. Notre objectif est de faire grandir notre parti, de devenir une force politique nationale et de donner au peuple une alternance politique moderne. Nous défendons un nouveau contrat économique et social, où l’écologie devient un moteur d’innovation et de résilience, s’opposant à un modèle néolibéral et capitaliste traditionnel, que je considère dépassé. 

Le parti Nouveaux Démocrates a franchi un cap en matière d’organisation. Il a structuré ses commissions autour de la démocratie, de l’écologie et de la méritocratie. Nous avons également développé des assises solides dans diverses régions du pays. Nous travaillons aussi à l’international avec des organisations et mouvances politiques qui partagent nos valeurs universelles en matière de droits de l’homme, de paix, de non-violence, de respect de la race humaine, d’écologie et de démocratie. 

Êtes-vous satisfait du nombre d’arrivées touristiques durant ces neuf premiers mois du gouvernement au pouvoir ? 
Le tourisme, pilier de l’économique du pays, doit  continuer à se réinventer dans un contexte où la compétition devient de plus en plus féroce. Consolider nos marchés traditionnels, comme la France et l’Europe, reste primordial. Attirer davantage de touristes d’Asie – plus particulièrement de Chine, Japon et Corée du Sud, des marchés porteurs d’espoir – demeure, à mon humble avis, réalisable. 

Pour cela, Maurice doit offrir un environnement accueillant et diversifié pour promouvoir le tourisme culturel et écologique, entre autres. Je plaide aussi pour des initiatives visant à attirer davantage de touristes du Moyen-Orient. Pour cela, il faudra rendre la marque « Maurice » plus attractive et compétitive. 

Le secteur touristique souffre d’un manque de main-d’œuvre locale, remplacée par des étrangers qui n’ont ni la même approche, ni le sourire que nos jeunes professionnels. Cela représente-t-il un danger pour le secteur à court et moyen termes ? 
Je suis d’accord avec vous. On ne peut pas remplacer le sourire, l’hospitalité et la courtoisie mauriciens. Cela dit, il est crucial de comprendre pourquoi les Mauriciens s’engagent de moins en moins dans des métiers du tourisme. Il y a en ce moment des assises de l’emploi. Ce sujet devrait y être abordé. Mais c’est primordial de tenir des Assises du tourisme pour identifier les failles et préparer notre industrie touristique aux défis à venir, notamment ceux liés aux changements climatiques. 

Pourquoi le n° 1 et le n° 3 de la Banque de Maurice (BoM) n’ont-ils pas réglé leurs différends en interne, plutôt que de les étaler sur la place publique ? 
J’ai suivi cette affaire dans les médias. Il est, selon moi, préférable d’éviter ce type de déballages publics. Le dialogue, les compromis et l’intérêt supérieur du pays ainsi que l’image de notre juridiction, doivent primer. Il y va de notre réputation en tant qu’État démocratique et centre financier international.

Certaines nominations ont déplu au n° 2 du gouvernement, qui s’en est plaint publiquement. Est-ce le signe du début d’une guerre larvée au sein du gouvernement ? 
Non, je ne suis pas de cet avis. Dans une démocratie, la liberté d’expression est essentielle. Chacun doit pouvoir s’exprimer. C’est sain à la fois pour la démocratie et le gouvernement en place. Celui-ci a un gros chantier à mettre en œuvre pour bâtir une île Maurice moderne, un État océan exemplaire, en travaillant avec rigueur, discipline et à l’écoute de la population. Après tout, la voix du peuple, c’est la voix de Dieu. 

Quand l’Appointments Committee tant promis verra-t-il le jour, alors que des nominations d’amis et de proches du pouvoir semblent de retour ? 
Légitimement, la méritocratie et la transparence doivent primer lors de toute nomination. Celles et ceux qui sont nommés sont payés par l’argent des contribuables. C’est pourquoi je dis qu’il faut aller au plus vite et plus loin avec la création d’un Appointments Committee, comme c’est prévu dans le programme gouvernemental. 

Un tel comité permettrait de réduire les soupçons de passe-droit. Il garantirait que la méritocratie reste le critère absolu pour toute nomination. Ce mécanisme est déjà en vigueur dans plusieurs pays du Commonwealth dotés d’un système westministérien similaire au nôtre.

Paul Bérenger semble régler des comptes à certains à travers des conférences de presse. Cela vous inspire quoi ? Prépare-t-il une sortie du gouvernement ou voudrait-il secouer les arbres pour redresser la situation ?
À chacun son style et sa façon de faire, forgés par son expérience. Paul Bérenger domine la scène politique depuis les années 1970. Il appartient à cette génération d’hommes et de femmes qui, grâce à leur vécu, peuvent partager leurs expériences à travers l’écriture et la rédaction d’autobiographies. Ces témoignages offrent aux nouvelles générations de politiciens, de tous horizons, une perspective sur l’évolution de la politique, tant sur le plan de la communication et des mouvements politiques que sur les thématiques idéologiques qui ont marqué leur époque.

Il y a eu récemment la nomination de Senior Counsels et de Senior Attorneys, ce qui a suscité des contestations. Sans préjuger de la décision que rendra la Cour, quel est, selon vous, votre avis en tant qu’avocat sur cette polémique ?
La Law Practitioners Act, en vigueur depuis plus de 40 ans, nécessite une révision urgente. Les titres de Senior Counsel et de Senior Attorney restent avant tout honorifiques et reflètent un héritage colonial. Il est nécessaire de revoir la manière dont ces distinctions sont attribuées.

Dans une République souveraine et démocratique, la doctrine de la séparation des pouvoirs doit s’appliquer clairement et sans ambiguïté. Je ne vois pas d’un bon œil que le Judiciaire et l’Exécutif interviennent conjointement pour nommer des professionnels censés exercer une fonction indépendante et libérale. C’est un fait, tout le monde connaît tout le monde à Maurice. Comment « empêcher » la perception de favoritisme, surtout en l’absence de critères transparents et clairement définis.

Selon cette perspective, ce sont les avocats, avoués, la Mauritius Bar Association et la Law Society qui devraient, en vertu de la loi, mettre en place un panel indépendant chargé d’évaluer les candidats et de décider de l’attribution de ces titres honorifiques. Tout membre de la profession répondant aux critères établis pourrait ainsi prétendre légitimement à ces distinctions.

Aujourd’hui, les pratiques en vigueur restent largement influencées par des vestiges du colonialisme, en contradiction avec les valeurs républicaines de souveraineté et de démocratie que prône notre pays. 
La rue gronde proteste contre la réforme de la Basic Retirement Pension. Est-ce une erreur de jugement de la part du gouvernement d’avoir imposé ce changement sans consultations ?

Le débat autour de la réforme des pensions reste d’actualité, et j’attends également la mise en place du comité d’experts indépendants, qui consultera certainement la société civile. La dignité de nos aînés et la justice sociale doivent guider les décisions futures. Il est primordial de prendre en considération la santé mentale des travailleurs manuels et des femmes au foyer.

Les actions et décisions visant à améliorer le quotidien des personnes franchissant le cap des 60 ans doivent être une priorité. La réforme de la BRP doit se faire à visage humain, dans le dialogue, avec une approche globale et systémique. Il y a une affaire en Cour, attendons de voir ce qui en découlera.

Quant à ma position sur la BRP, je me suis exprimé depuis le tout début et j’ai pris position aux côtés des femmes au foyer et des travailleurs manuels, entre autres, qui atteignent l’âge de 60 ans en espérant toucher leur pension.

À la Santé, la tension monte entre le ministre Bachoo et certains médecins. A-t-il pris un risque en confrontant directement la profession ? Il reproche à certains praticiens de négliger le service public pour privilégier les cliniques privées. Si tel est le cas, quelle serait la solution : appliquer des sanctions ? Les licencier malgré le manque d’effectifs criant dans nos hôpitaux ?
Le ministre Anil Bachoo accomplit un travail colossal pour le bien-être des usagers des hôpitaux publics, tout comme les médecins, qui déploient des efforts considérables pour maintenir un niveau de qualité au sein de nos établissements.

Il reste néanmoins un important travail de gestion et de management à accomplir dans les hôpitaux publics, une tâche à traiter sans délai. Une fois encore, la bonne volonté du ministre Bachoo permet de redresser un système dépassé. Une approche professionnelle et basée sur le dialogue avec tous les acteurs concernés demeure la solution pour atteindre un objectif commun : offrir un service de santé efficace, respectueux des patients, et garantir un système hospitalier public digne de ce nom pour notre pays.

Après Pravind Jugnauth, c’est désormais au tour de son épouse, Kobita, de comparaître devant la FCC dans l’affaire des valises remplies d’argent. Certains estiment qu’il s’agit d’un retour de manivelle de la part du Premier ministre… 
Contrairement à ce qui se pratiquait auparavant, je constate que les enquêtes se déroulent désormais dans le respect de chacun, conformément aux dispositions de la loi et de notre Constitution. À ma connaissance, il n’y a aucune interférence dans le déroulement des investigations, et cela doit continuer ainsi.

En tant qu’homme de loi, pensez-vous que la FCC se retrouve déjà débordée par cet important volume de dossiers, dont certains sont particulièrement complexes ?
La création d’une National Crime Agency, dotée de moyens et d’un personnel qualifié et équipé pour prendre le relais de la FCC, est souhaitable au plus vite, dès la rentrée parlementaire. C’est un dossier que j’aborderai. Face au nombre record d’arrestations, la FCC est débordée, et c’est pour cette raison que des amendements ont été apportés à la FCC Act afin de favoriser une meilleure collaboration avec la force policière en matière d’enquête. Mais comment agir quand la police elle-même est secouée par le scandale du ‘reward money’ ?

Il existait auparavant le ‘United Revenue Board’, qui surveillait tout signe extérieur de richesse et agissait en conséquence. Pourquoi ne pas le reconstituer ?
Aujourd’hui, des institutions comme la MRA, la FIU et même la FCC sont mandatées, selon les dispositions des lois existantes, pour œuvrer dans cette perspective. Mais la tâche devient de plus en plus complexe et sophistiquée, face à des individus ayant des comptes et des richesses accumulées dans d’autres juridictions, ce qui rend le travail des institutions d’investigation à Maurice encore plus difficile.

Le Reward Money : ne serait-ce que le sommet de l’iceberg malgré toutes ces arrestations ?
Oui, c’est scandaleux, et je souhaite que les enquêtes se fassent dans les moindres détails, car il en va de la réputation de notre force policière et du pays. Mais surtout pour les milliers de femmes et d’hommes policiers honnêtes qui travaillent dur dans des conditions difficiles et exigeantes. Je suis de tout cœur avec cette majorité de policiers intègres, et œuvrer pour améliorer leurs conditions de travail reste, à mes yeux, une étape cruciale dans la réforme nécessaire au sein de la force policière.

Pourquoi certains dossiers, notamment celui de l’agent du MSM Soopramanien Kistnen, entre autres, n’ont-ils pas été rouverts, comme cela avait été promis par l’Alliance du Changement ?
Autant que je sache, des équipes ont déjà été constituées, et le travail se poursuit pour élucider des crimes atroces qui restent à ce jour non résolus.

En proposant des élections villageoises probables pour la fin de l’année, ne craignez-vous pas un retour du MSM et un revers pour le gouvernement, avec des dossiers tels que la réforme de la BRP, le prix du fioul qui n’a baissé que de quelques roupies, la cherté de la vie, malgré des subsides sur cinq produits, entre autres ?
Pas du tout, au contraire. Une loi est en préparation concernant les collectivités locales, et, dans la pure tradition des élections villageoises, ce sont les habitants de différents bords politiques qui se regroupent pour défendre les intérêts de leurs villages et localités. C’est ainsi que fonctionne la démocratie à l’échelle régionale.

 

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