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Abdel Ruhomutally : «Nous avons un dossier en suspens depuis 2011»

Perplexité, retards chroniques, conflits d’intérêts et carences structurelles : Abdel Ruhomutally, directeur général de GFA Insurance Ltd, livre un constat sans détour sur les dérives du Motor Vehicle Insurance Arbitration Committee (MVIAC). Selon lui, les lenteurs de traitement, aggravées par des nominations politisées, nuisent à la crédibilité de l’instance et affectent directement les assureurs comme les assurés. Avec 83 dossiers en souffrance dans sa compagnie – dont un remontant à 2011 – il plaide pour une réforme urgente, plus de transparence, et une modernisation juridique afin de restaurer l’efficacité d’un mécanisme d’arbitrage à bout de soufflv.

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En tant qu’après sureur, qust ’otre réaction à l’annonce faite à l'Assemblée nationale selon laquelle 1 635 dossiers soumis au MVIAC de 2019 à 2024 n’ont pas été traités ?
Je suis quelque peu perplexe qu’en l’espace de cinq ans, 1 635 dossiers sont restés en souffrance. Concrètement, selon les lots de dossiers que je reçois de mon département des sinistres, les décisions du MVIAC nous parviennent généralement deux ans après leur examen par cette instance.

Nous ne sommes pas surpris qu’il y ait des dossiers en attente au MVIAC, car ce retard existe depuis des années, y compris sous les gouvernements précédents. Le véritable problème réside surtout dans la nomination des présidents et des vice-présidents. Comme ces nominations relèvent de la politique, elles prennent beaucoup de temps. Je me souviens, par exemple, du cas de Jacques Panglose. Sa nomination en tant que président avait pris près de neuf mois avant d’être confirmée par le gouvernement.

La rédaction des décisions (rulings) et leur communication aux compagnies d’assurances prennent également du temps. Là, c’est un problème administratif qui pourrait être réglé assez facilement.

Cette lenteur entraîne des comités qui ne siègent pas régulièrement et accumulent des retards. D’ailleurs, ce problème de délais existe depuis la création du MVIAC.

Avez-vous vous-même des dossiers en suspens depuis plusieurs années ? Pouvez-vous nous donner un exemple ?
Oui, nous avons effectivemnt plusieurs dossiers en suspens au  MVIAC. À ce jour, notre nombre total de dossiers s’élève à 34 en tant que demandeur et 49 en tant que défendeur, soit un total de 83 dossiers. Le plus ancien remonte à 2011.

Considérez-vous que cette situation a nui à la réputation du système d’arbitrage dans le secteur des assurances ? Pourquoi ?
Le système du constat à l’amiable a justement été introduit pour fluidifier la circulation après un accident, en évitant d’attendre systématiquement la police. Nous avons instauré le marquage à la croix jaune et simplifié le formulaire de constat. Quant au MVIAC, il a été créé pour accélérer le règlement des litiges d’assurance, alors qu’auparavant, les dossiers dépendaient des rapports policiers, et que nous étions obligés de passer par les tribunaux.

Alors, pour répondre à votre question : oui, cela risque bel et bien de nuire à la réputation du MVIAC. Il faut rappeler que la Cour suprême a statué que le MVIAC est un organe quasi judiciaire — c’est-à-dire une forme de tribunal. Malheureusement, son fonctionnement actuel ne répond pas aux attentes, notamment en raison du manque de ressources humaines que le ministère lui a accordées.

Je me dois également de souligner, humblement, que la présence d’avocats à tendance politique au sein de cette instance complique la situation. Certains de ces avocats représentent des compagnies d’assurance, ce qui engendre des conflits d’intérêts. Certains les déclarent ouvertement, d’autres non.

Quels sont les effets concrets de ces retards sur le fonctionnement interne d’une compagnie d’assurance ?
Nous rencontrons plusieurs difficultés dans la gestion des sinistres, notamment au niveau des recouvrements quand un dossier est soumis au MVIAC, ainsi que lors des paiements lorsque c’est un client qui porte plainte contre nous via cette instance.

Cette situation engendre aussi des complications comptables, car nous devons maintenir des provisions et garder ces dossiers ouverts pendant longtemps. Ce qui complique les audits et les rapports actuariels. Avec l’application des normes IFRS 17, le reporting est devenu encore plus complexe.

Ces retards ont-ils des implications financières pour les compagnies d’assurance ?
Oui, il y a des conséquences financières. Lorsqu’un dossier est soumis au MVIAC. Nous perdons l’opportunité d’investir rapidement et de profiter des rendements sur nos placements.

Pour le client aussi, c’est un enjeu financier. Il doit attendre que le MVIAC traite son dossier avant de pouvoir réclamer ce qui lui est dû — comme le remboursement de son excess ou de son loss of use (communément appelé « journée garage »).

Le ministre a affirmé que le MVIAC a été reconstitué depuis avril 2025 pour “mop up the backlog”. Quelles sont, selon vous, les conditions essentielles pour que le MVIAC fonctionne efficacement à l’avenir ?
La nomination du président et des vice-présidents doit être effectuée sans délai afin d’éviter tout nouveau blocage au sein du MVIAC. Il est également essentiel que trois à quatre comités siègent régulièrement — idéalement au moins une fois par semaine. À court terme, des réunions plus fréquentes (par exemple deux fois par semaine) pourraient être nécessaires pour résorber l’arriéré.

Par ailleurs, à l’avenir, le ministère devrait renforcer les ressources humaines et financières du MVIAC pour garantir son bon fonctionnement.

Souhaitez-vous voir des réformes législatives pour moderniser le rôle du MVIAC ou renforcer son obligation de transparence ?
Outre l’urgence de renforcer la MVIAC en lui fournissant le personnel et les ressources financières nécessaires, il faut aussi simplifier les procédures de recours contre ses décisions.

Actuellement, contester une décision du MVIAC oblige à saisir la Cour suprême — une procédure beaucoup trop coûteuse et complexe, tant pour les compagnies d’assurance que pour les assurés. Une alternative plus simple et moins onéreuse devrait être envisagée. Une réforme législative en ce sens serait donc souhaitable.

Seriez-vous favorable à une publication annuelle des décisions du MVIAC (de façon anonyme), à l’image de ce qui se fait dans d’autres juridictions ?
Absolument. Il serait très utile que le MVIAC publie ses décisions, ses statistiques et ses rapports annuels, dans un souci de transparence. Après tout, cet organisme fonctionne avec l’argent des contribuables.

 

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