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«Vimen Leaks» - Bande sonore : l’admissibilité d’un enregistrement revient sur le tapis

Me Taij Dabycharun. Me Ravi Rutnah.

La bande sonore diffusée le 9 juin sur TéléPlus a choqué plus d’un. Elle vient également relancer le débat sur l’admissibilité d’un enregistrement audio devant un tribunal. Si tel est le cas, quel sera l’impact et qu’encourent les protagonistes de cette affaire ? Le point avec deux légistes.

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Hormis  la bande sonore, Vimen Sabapati a fait des déclarations sous serment le 26 mai dans un affidavit. Il l’a déposé le 29 mai devant la Cour suprême afin de demander que les enquêteurs de la Special Striking Team (SST) ne s’occupent plus de son cas. L’affaire sera appelée le 21 juin 2023.

Vimen Sabapati a été arrêté le 3 mai 2023 par la PHQ SST à la suite de la saisie de dix kilos de drogue. Il est actuellement accusé provisoirement de trafic de drogue et de blanchiment d’argent devant le tribunal de Port-Louis.

Me Taij Dabycharun explique qu’un affidavit est un document juré sous serment par une personne attestant de la véracité des faits qui y sont énoncés. Cependant, précise-t-il, si ce document s’avère être faux, la personne peut faire l’objet de poursuites pénales pour parjure. Dans ce cas, elle encourt d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas trois ans et d’une amende maximale de Rs 10 000. Dans le cas de Vimen Sabapati, l’avocat soutient que si les faits énoncés par ce dernier s’avèrent, cela aura un impact sur son affaire ainsi que sur les autres affaires mentionnées dans le document et la bande sonore.

Concernant l’enregistrement, Me Taij Dabycharun indique qu’il est très difficile d’en prouver l’authenticité. Il faut qu’il soit expertisé pour établir si ce sont bien les protagonistes qui figurent sur la bande sonore. Il fait savoir qu’il y a eu par le passé des décisions qui ont établi la jurisprudence concernant l’admissibilité d’une bande sonore en cour. Il se réfère à l’affaire Bacha de 1997. 

« S’il y a une part de vérité dans tout ce qui a été dit, il est nécessaire d’ouvrir une enquête. » Dans ce cas, qui sera chargé de mener l’enquête : la police ou l’Independent Police Complaints Commission (IPCC)  ? D’autant que ce sont des policiers qui seraient impliqués et les allégations avancées par les protagonistes sont très graves, souligne-t-il. « Je n’ai confiance ni en l’une ni en l’autre. »

 L’avocat, lui-même ancien policier, exprime des doutes quant à la façon dont cette enquête sera conduite. Sera-t-elle réellement indépendante et impartiale ? Au vu de l’ampleur de la présente affaire et dans l’intérêt public, il est d’avis qu’il est nécessaire de mener une enquête. Cela devrait être confié à une institution indépendante, telle qu’une commission d’enquête présidée par un magistrat ou un juge.

Selon Me Taij Dabycharun, si la véracité de la bande sonore est établie, les personnes qui ont été victimes de « planting » doivent immédiatement demander que les accusations provisoires portées contre elles soient rayées. De plus, elles devraient réclamer des dommages à l’État pour le préjudice subi. « Si ces personnes arrivent à prouver qu’elles ont été piégées et arrêtées injustement, ce sont les contribuables qui auront à payer les dommages », fait-il ressortir.

S’il y a eu « planting », qu’encourent les protagonistes ?

Les délits qui peuvent découler du « planting » vont de la participation à une entente délictueuse (conspiracy), à la conspiration visant à entraver le cours de la justice (conspiracy to pervert the course of justice) et à la conspiration visant à commettre un acte illégal (conspiracy to commit an unlawful act). La gravité de l’accusation dépend du rôle et de la participation de chaque protagoniste dans l’affaire. 

Si une personne est reconnue coupable de l’une de ces accusations, elle encourt une peine maximale de dix ans de prison et une amende n’excédant pas Rs 100 000. Si elle est poursuivie au pénal devant la Cour d’Assises pour trafic de drogue en vertu du Dangerous Drugs Act, elle risque une peine maximale de 60 ans. 

Ce qui intrigue…

Me Taij Dabycharun s’interroge sur la raison pour laquelle ni le commissaire de police ni le Directeur des poursuites publiques n’ont pris de mesure jusqu’à présent, alors même que cette affaire est en cours devant le tribunal. « Il est essentiel d’établir la vérité rapidement, dans l’intérêt du public », martèle l’avocat.

Me Ravi Rutnah : « Une bande sonore peut être recevable devant la justice »

Selon l’avocat Ravi Rutnah, une bande sonore peut être considérée comme une preuve recevable par un tribunal. Il précise qu’il y a deux conditions à respecter : « Premièrement, la personne qui a fait l’enregistrement doit elle-même produire cet élément. Deuxièmement, il faut que l’appareil utilisé pour effectuer l’enregistrement ait été examiné par un expert afin d’établir l’authenticité du document audio. »

Pour lui, les allégations formulées par deux policiers dans la bande sonore diffusée vendredi sur TéléPlus sont graves et inquiétantes. Si les délits évoqués sont avérés, les membres de la force policière qui s’en sont rendus coupables sont passibles de poursuites au pénal. « La qualification des délits dépendra du degré de participation de chacune des personnes impliquées. Toutefois, il est certain qu’elles vont nier les faits reprochés. Il faudra donc apporter des preuves solides. De simples dénonciations ne suffisent pas. »

Par ailleurs, l’avocat estime que ce n’est pas la police, et même pas l’Independent Police Complaints Commission, qui devrait mener l’enquête dans cette affaire. « Ce sont des policiers, ils ne peuvent pas enquêter sur leurs collègues. Nous savons comment cela peut se terminer. » Il suggère donc que les investigations soient placées sous la responsabilité d’un magistrat ou d’un juge.

Par la suite, si les faits venaient à être établis, « il y aurait des retombées sur les affaires mentionnées dans les enregistrements. Plusieurs suspects qui sont actuellement inculpés pourraient alors demander et obtenir l’abandon des accusations provisoires retenues contre eux ». 

En ce qui concerne les cas éventuels de « drug planting », il souligne cependant que pour le moment, il n’existe pas de jurisprudence. « De plus, il s’agit de quelque chose qui est difficile à prouver. Et si c’est la police qui détient la preuve, il y a peu de chance qu’elle la fournisse », ajoute-t-il.

Enfin Me Rutnah rappelle qu’il demande depuis longtemps que « des réformes soient effectuées dans nos institutions, dont la police et la justice, car il y a des lacunes et des manquements. Certains commettent des abus et cela a des répercussions dans la société. Tout comme les rivalités entre différentes unités de police affectent le bon fonctionnement du système. »

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