Société

Tabagisme féminin: Oui je fume, et alors ?

Elles sont de plus en plus rares celles qui se cachent pour fumer. Et elles commencent de plus en plus jeunes. Face au tabac, l’équité semble bien installée. Pourtant, la cigarette n’a pas les mêmes effets sur les femmes et les hommes. «Je fume parce que… j’en ai tout simplement envie ! » s’exclame Vanessa, 27 ans. La jeune femme a goûté à sa première cigarette à 16 ans. « Pourquoi les garçons peuvent-ils fumer librement et les filles devraient toujours se cacher ou se sentir coupables ? Je sais que le tabac est nocif pour la santé mais si un homme peut prendre ce risque, je peux le faire aussi », dit-elle. Alors que la société a longtemps étiqueté négativement la femme qui fume, au point que celle-ci devait le faire en cachette, aujourd’hui, celle-ci a de plus en plus une image de modernité, plutôt valorisante. Vanessa ne cache pas son addiction à la cigarette. C’est d’ailleurs avec une cigarette entre les doigts qu’elle nous reçoit. « Fumer n’est plus une affaire d’homme. Je me sens à l’aise de fumer même quand je suis en société. Les moeurs ont grandement évolué. Je trouve que c’est tout simplement hypocrite de maintenir le tabou sur la consommation du tabac chez les femmes », avance la jeune femme. Même si le poids des regards empêche encore certaines femmes de fumer en public, force est de constater que certaines d’entre elles, à l’instar de Vanessa, ne se préoccupent guère des critiques. Pourquoi ?

Symbole de liberté

Pour le sociologue Rajen Suntoo, le fait que cette habitude se soit autant étendue peut s’expliquer par des facteurs anthropologiques. « La cigarette était autrefois réservée aux hommes de la classe supérieure. C’était le symbole de l’élite, un signe de richesse. Il s’agissait aussi de montrer aux autres qu’on a les moyens, qu’on est privilégié. Au fil des années, le tabagisme s’est répandu peu à peu dans tous les milieux sociaux. Mais aujourd’hui, la consommation du tabac n’a rien à voir avec le statut social. Au contraire, les élites, qui sont souvent mieux renseignées, ont tendance à en limiter la consommation », explique-t-il. Mais qu’en est-il du tabagisme féminin ? Rajen Suntoo explique que le tabagisme féminin est loin d’être une tendance anodine. C’est la preuve, selon lui, que notre société est loin d’être insensible à ce qui se passe dans les autres pays. « Les femmes fument pour presque les mêmes raisons que les hommes. Les femmes assument les mêmes responsabilités que les hommes, et ont les mêmes préoccupations. Le tabac est donc perçu par elles comme un moyen de détente et d’évasion, de la même façon qu’il l’est pour les hommes », dit-il, ajoutant que la proximité des Mauriciens avec la culture occidentale, constitue un facteur important dans l’expansion du tabagisme féminin. « On voit souvent dans les médias et les productions cinématographiques qu’il est tout à fait à la mode de fumer. Les actrices et les mannequins posent sans gêne avec leur cigarette à la main. Ce sont à mon avis des facteurs qui encouragent la consommation du tabac par les femmes », affirme le sociologue.
 

Elles assument…

Le sociologue explique encore que les interdictions autour du tabac rend celui-ci plus attirant aux yeux de nombreuses personnes. C’est ainsi que fumer devient un symbole de liberté. Cela démontre qu’on est chef de nos actions. « Nous avons de plus en plus tendance à vouloir nous libérer de l’autorité, à montrer qu’on ose, qu’on est libre », affirme-t-il. Petit à petit, le tabou autour de la cigarette finit par s’estomper au point que de nombreuses femmes sont des fumeuses qui assument. C’est le cas d’Alvina, 35 ans. Si certaines femmes estiment qu’il n’est pas socialement acceptable pour les femmes de fumer ouvertement, Alvina n’est pas de cet avis. Elle affirme qu’il faut assumer ce qu’on fait et ne pas se soucier du regard des autres. Elle fume depuis qu’elle a 30 ans. « Au début, mes parents étaient furieux en découvrant que je fumais. Je leur ai expliqué que je préférais qu’ils l’apprennent par moi et non par quelqu’un d’autre. Ils ont pris beaucoup de temps avant de l’accepter », dit-elle. Alvina dit sentir le regard réprobateur de certaines personnes autour, lorsqu’elle fume en public, mais cela ne l’affecte pas. « Je ne fais rien de mal. Cela ne concerne que moi et ma santé. Personne n’a le droit de me juger. Je fume parce que cela me plaît et me permet de lutter contre le stress. Les choses ont évolué. La cigarette n’est pas réservée qu’aux hommes. Un point, c’est tout. Je ne juge personne, personne n’a à me juger », lance-t-elle.
[row custom_class=""][/row] [blockquote]Joanna, 31 ans: «Un mal nécessaire…»[/blockquote] [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"1668","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-292","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"350","height":"480","alt":"Tabagisme f\u00e9minin"}}]]Il n’y a pas que les adolescents qui se cachent pour tirer une bouffée de cigarette. Joanna, 31 ans, travaille comme secrétaire dans une compagnie. Depuis plus de dix ans, elle fume à l’insu de ses parents. Seuls ses collègues sont au courant. « Mes parents ne savent pas que je fume et ils ne supporteront pas la vérité. Je ne fume jamais à la maison, car mon père qui est un fumeur saura tout de suite identifier l’odeur du tabac. Je fume environ cinq cigarettes par jour mais uniquement au bureau. Avant de rentrer à la maison, je me lave les mains à plusieurs reprises et j’utilise un désodorisant antitabac », relate-t-elle. Joanna dit être au courant des effets de la cigarette sur sa santé. Elle a tout fait pour arrêter mais elle finit toujours par succomber à ses vieilles habitudes. « Fumer est pour moi un mal nécessaire. Cela me permet de me relaxer après une dure journée au travail. Cela est devenu une habitude au fil des années. Je ne pense pas que je pourrai arrêter un jour même si à force de fumer en catimini, cela me met un peu mal à l’aise », affirme-t-elle. [blockquote]Sanjay Bundhoo, de l’association Plan de 5 jours: «La meilleure solution, c’est la prévention»[/blockquote] L’association Plan de 5 jours existe depuis plus de 40 ans à Maurice. Sanjay Bundhoo, son vice-président, estime le taux de réussite de cette technique à 90 %. Dans le dernier groupe, dit-il, 37 sur 40 fumeurs ont abandonné le tabac. « La meilleure solution pour réduire le tabagisme, c’est la prévention. Quand les gens commencent à fumer, ils ont du mal à s’arrêter. Nous utilisons des méthodes naturelles pendant cinq sessions. Nous mettons l’accent sur l’aspect psychologique autant que physique », affirme ce dernier. Pendant ces sessions, les participants sont amenés à revoir leur alimentation afin d’enlever la nicotine, la substance responsable de l’addiction. « Nous faisons aussi des cures hydriques car l’eau agit comme un lavement. Côté accompagnement psychologique, nous organisons des causeries ou la projection de films et de recherches sur le tabagisme. Il faut dire les femmes sont plus vulnérables en raison de leur physionomie. La cause du cancer du sein est souvent liée au tabagisme », précise-t-il. Selon Sanjay Bundhoo, les recherches scientifiques ont prouvé que les fumeuses ont tendance à vieillir plus vite, car la nicotine a un effet sur le collagène. Il recommande fortement aux fumeuses une activité physique, en fonction de l’âge de la personne. « Il faut remplacer l’addiction à la nicotine par une autre plus saine. Par exemple, par de hobbies. Il faut toujours avoir les mains occupées, par la peinture, le jardinage ou une autre activité. Il faut manger beaucoup de fruits pour remplacer le taux de vitamines. Si vous êtes facilement influençable, il faut éviter de fréquenter des fumeurs », dit-il.

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"613","attributes":{"class":"media-image alignleft size-full wp-image-293","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"485","height":"269","alt":"Fumer tue"}}]]200 millions de fumeuses dans le monde

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) tire la sonnette d’alarme. En effet, selon les études réalisées par cette organisation, sur le milliard de fumeurs dans le monde, près de 200 millions sont des femmes. La tendance est telle que l’industrie du tabac cible de plus en plus la gente féminine afin de remplacer ceux qui arrêtent de fumer par ces nouveaux fumeurs. Selon les chiffres de l’OMS, les cancers ont un lien direct avec le tabagisme. Un homme fumant de 1 à 4 cigarettes par jour a 3 fois plus de risques de décéder d’un cancer du poumon qu’un non-fumeur, et une femme 5 fois plus de risques. [blockquote]Dr Arvin Mungla, médecin: «Les femmes développent des risques particuliers»[/blockquote] Ll y a des maladies qui étaient autrefois « réservées » aux hommes, telles que le cancer de la bouche et celui des poumons, entre autres. Aujourd’hui, elles s’étendent aux femmes. Mais, plus grave, certaines maladies sont développées par les femmes fumeuses uniquement, explique le Dr Arvin Mungla, médecin généraliste. « Certaines fumeuses n’ont pas conscience des risques pour leur santé. Elles sont nombreuses à associer par exemple la pilule contraceptive et la cigarette. Or, des études ont démontré que cela augmente les risques d’accident vasculaire cérébral (AVC). On voit aussi chez certaines se développer des inflammations des veines de la jambe. Car l’addiction au tabac nuit à la circulation sanguine et provoque la formation de caillots sanguins », affirme le médecin. Le Dr Arvin Mungla explique que la cigarette a un impact considérable sur la fécondité des femmes. « Elle comporte des substances nocives qui baissent considérablement le taux de fertilité. Il est aussi prouvé que le tabagisme est responsable de la ménopause précoce chez de nombreuses femmes », souligne le docteur. Enfin, l’addiction à la cigarette augmente considérablement le risque de développer le cancer du col de l’utérus ainsi que celui du sein, rappelle-t-il.
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