À peine un mois après avoir été portée au pouvoir sur une vague d’espoir ou plutôt un tsunami de promesses électorales grandiloquentes, l’Alliance du Changement est confrontée à une leçon politique des plus amères : gouverner ce n’est pas exactement organiser un spectacle de prestidigitation.
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Les promesses faites dans l’euphorie de la campagne électorale reviennent aujourd’hui comme un boomerang. Et ce dernier, sans surprise, frappe là où cela fait le plus mal : sa popularité.
Des arcs-en-ciel aux averses
La campagne électorale avait des allures de concours d’illusions. L’Alliance du Changement et l’Alliance Lepep rivalisaient de promesses, transformant les urnes en machines à rêves. Baisse de Rs 20 sur les carburants, un 14ᵉ mois pour tout le monde, une hausse de la pension de vieillesse... On se serait cru dans un épisode de « Qui veut devenir milliardaire ? » où chaque promesse sonnait comme un jackpot.
Mais voilà, au matin du spectacle, la magie s’est évanouie. La réalité, bien moins indulgente, a vite rattrapé les nouveaux locataires du pouvoir. La fameuse baisse de Rs 20 sur l’essence ? Réduite à un modeste Rs 5, pas assez pour acheter un « gâteau salé ». Le 14ᵉ mois ? Réservé aux retraités et aux salariés percevant jusqu’à Rs 50 000. Et la hausse de Rs 1 000 pour les pensions de vieillesse ? Prévue en janvier 2025, mais sans rétroactivité de six mois. Résultat : les arcs-en-ciel promis ont laissé place à des gouttes de pluie économiques.
Un héritage économique...
Pour justifier ce décalage abyssal entre les attentes créées et la réalité livrée, le gouvernement a ressorti un épouvantail : « l’héritage économique désastreux » laissé par ses prédécesseurs. On nous parle d’indicateurs au rouge, de chiffres manipulés, de dettes écrasantes et d’un environnement économique presque apocalyptique. Comment ne pas comprendre l’urgence de se serrer la ceinture !
Et comme si cela ne suffisait pas, un SOS retentissant a été lancé à nos « pays amis », histoire qu’ils viennent nous sauver des eaux troubles. Encore mieux : on ira frapper humblement à la porte du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Mais rassurez-vous, pas à n’importe quelles conditions, nous promet-on (comme si nous étions en position de négocier quoi que ce soit).
Une question légitime pose toutefois : cet « héritage » n’était-il pas déjà connu avant les élections ?
N’étaient-ce pas ces mêmes dirigeants qui, il y a à peine quelques mois, dénonçaient vigoureusement les dérives économiques de leurs prédécesseurs ?
Accordons-leur le bénéfice du doute : peut-être savaient-ils que l’économie dévalait le précipice, mais pas encore tout à fait au fond. Franchement, cela change-t-il vraiment quelque chose ? L’urgence et la gravité étaient déjà claires pour tous, y compris eux.
Alors pourquoi avoir promis autant de cadeaux et de surcroît si coûteux ? Pourquoi avoir promis d’honorer la promesse du 14e mois de L’Alliance Lepep ? « Nou ki pou peye », avaient-ils promis. « Kouma zot pou peye kan ou pa kone si ena kas ? » se demandaient alors les plus avisés. Pourquoi peindre des arcs-en-ciel sur un ciel qu’ils savaient orageux ? Était-ce seulement pour amadouer les électeurs ?
L’art de mécontenter
L’heure est à la rançon ! Malheureusement pour Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, les attentes gonflées à bloc commencent à se dégonfler en honorant partiellement certaines promesses électorales. Ils ont réussi un exploit rare : mécontenter une bonne partie de la population en seulement un mois au pouvoir. Bien que le tort soit imputé au gouvernement de Pravind Jugnauth, c’est un record de vitesse, presque digne d’un marathonien de la déception.
On ne parle pas ici de simples grognements, mais d’une symphonie de mécontentements. Les consommateurs grognent face à une baisse des prix de l’essence à peine perceptible. Une bonne partie de la classe moyenne se sent abandonnée par l’exclusion de nombreux salariés du 14ᵉ mois et de la compensation salariale. Et le patronat, confronté à une hausse des charges salariales, s’énerve contre un gouvernement qu’il perçoit comme interventionniste. Pratiquement au même degré que le précédent !
Dans ce contexte, la surenchère populiste montre son vrai visage : séduisante à court terme, mais destructrice à long terme. Car une fois que les attentes atteignent des sommets, la déception est proportionnelle à l’espoir suscité. Résultat ? Le gouffre entre les promesses et la réalité est si vertigineux qu’il donnerait le vertige même aux plus optimistes.
La magie politique a ses limites
L’expérience de l’Alliance du Changement est une démonstration éclatante des dangers du populisme. La tentation de promettre « l’impossible » est irrésistible en période électorale, mais les électeurs finissent toujours par se rendre compte que, définitivement, les miracles économiques ne tombent pas du ciel.
Le boomerang de la surenchère électorale est une arme à double tranchant. Plus on le lance fort, plus il revient avec fracas. Pour l’Alliance du Changement, ce boomerang est devenu un symbole des promesses tenues en partie.
Alors que le gouvernement tente de naviguer dans ces eaux troubles, une chose est sûre : la prochaine fois qu’il sera tenté de promettre monts et merveilles, il devrait y réfléchir à deux fois. Mais connaissant les règles du jeu politique, il y a fort à parier que ce boomerang-là n’a pas fini de voler.
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