Soupçons de blanchiment d’argent : « Zame monn kit valiz kot sa misie-la », dit Pravind Jugnauth

• Josian Laval Deelawon : « Inn dir mwa larzan donasion pou garde »
• Une valise équipée d’un ‘tracker’
• Les images des caméras Safe City pour confirmer la rencontre au Maradiva cruciales
• Le sort de Kobita Jugnauth suspendu à l’authentification des documents saisis

Josian Deelawon, Chief Executive Officer (CEO) de My Holidays Ltd, également à la tête de MyGroup, un conglomérat basé à Maurice dont les activités couvrent principalement l’immobilier et la gestion touristique, et Chandradeo Nitish Oomah, Chief Financial Officer (CFO) de ces deux compagnies, ont été arrêtés, le samedi 15 février, après la saisie de plusieurs valises contenant plus de Rs 115 millions.

Lors de son interrogatoire, Josian Deelawon a impliqué l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth, expliquant qu’il lui avait remis cet argent « pou garde ». Cette allégation a de facto mis en branle la machinerie, menant à une perquisition au domicile de l’ex-PM et à son arrestation ainsi qu’à celle de son épouse Kobita Jugnauth. Cette dernière a été autorisée à rentrer chez elle par la suite.

Quant à Pravind Jugnauth, Josian Deelawon et Nitish Oomah, ils restent en cellule policière, la Weekend Court ne leur ayant pas accordé la remise en liberté sous caution.

DÎNER AU MARADIVA

Selon les propos de Josian Deelawon, à la mi-novembre 2024, un tête-à-tête a eu lieu sur l’invitation présumée de Pravind Jugnauth à l’hôtel Maradiva Villa Resort & Spa à Wolmar, Flic-en-Flac. Cet établissement 5-étoiles est dirigé par Sanjiv Kailash Ramdanee, le frère de Kobita, l’épouse de Pravind Jugnauth. Selon lui, c’est après la débâcle électorale de l’Alliance Lepep en novembre dernier qu’il a reçu un appel téléphonique du leader du MSM, l’invitant à dîner. Ce qu’il a accepté.

Lors de cet échange, Josian Deelawon dira que Pravind Jugnauth, qui est « un ami de longue date », lui aurait proposé de stocker en lieu sûr des valises contenant de l’argent. Le suspect, interrogé par la police, a formellement nié toute implication dans un éventuel blanchiment d’argent. « Inn dir mwa larzan donasion pou garde, » a précisé l’homme d’affaire qui est derrière les barreaux depuis samedi. Les enquêteurs de la Financial Crimes Commission (FCC) devront également s’appuyer sur les images des caméras Safe City du littoral Ouest pour confirmer la présence de Josian Deelawon à l’hôtel Maradiva Resort, le 21 novembre dernier, et vérifier le déplacement de ce dernier.

Arrêté à son tour par la FCC samedi soir, Pravind Jugnauth a été confronté aux accusations de Josian Deelawon, qui affirme que c’est lui qui aurait donné des instructions pour entreposer les valises contenant un total de Rs 115 millions. Face à ces allégations, Pravind Jugnauth a fermement rejeté toute implication : « Zame monn kit valiz kot sa misie-la. »

De son côté, l’avocat de Pravind Jugnauth a insisté sur le fait que cette affaire repose uniquement sur des accusations non vérifiées. « Se enn alegasion baze lor enn lot alegasion », a déclaré Me Raouf Gulbul, ajoutant qu’une perquisition au domicile de Pravind Jugnauth, à Angus Road, Vacoas, n’avait révélé aucun élément compromettant. « Pann sezi koffor, pann sezi lamone, pann gagn nanie de konprometan, » a-t-il ajouté.

QUID DE KOBITA JUGNAUTH ?

Le lien entre le contenu des valises, notamment les documents, et l’épouse de l’ancien Premier ministre, Kobita Jugnauth, représente une étape clé de cette enquête. La FCC se concentre sur l’examen et l’authentification des documents portant son nom.

Selon nos sources proches de la FCC, Kobita Jugnauth sera de nouveau convoquée cette semaine ou la semaine prochaine. Elle sera appelée à s’expliquer sur des documents saisis par la MCIT vendredi, lors des opérations menées dans le nord chez les suspects dans le cadre de l’affaire de blanchiment d’argent.

La FCC a déjà réceptionné ces ‘documentary evidence’, qui restent sous scellés au quartier général de l’institution. L’ouverture des ‘Exhibits Envelopes’ se fera uniquement en présence de Kobita Jugnauth et de l’Exhibit Officer de la MCIT dans les jours à venir.

Parmi les documents saisis figurent un Passenger Locator Form, émis durant la période de la COVID-19 et portant son nom, un reçu de l’hôtel Café Royal daté du 25 septembre 2023, un formulaire de visa pour l’entrée en Grande-Bretagne valide jusqu’au 2 janvier 2030, ainsi que plusieurs autres reçus et documents de voyage.

Pour rappel, après son interrogatoire samedi soir, Kobita Jugnauth a été autorisée à rentrer chez elle, mais elle devra rester à la disposition des enquêteurs. Son avocat, Me Gulbul, reste formel : « Inn larg li akoz pena ‘case’ kont li. »

Les enquêteurs procéderont à un exercice d’authentification avant de définir la suite de l’enquête. Ils n’écartent pas la possibilité de faire appel à des institutions étrangères pour certifier l’authenticité des documents. Par ailleurs, les résultats des prélèvements et analyses effectués aux Casernes centrales samedi joueront un rôle crucial pour valider les soupçons concernant le contenu des valises, notamment les montres haut de gamme des marques Cartier et Rolex.

UNE VALISE ÉQUIPÉE D’UN « TRACKER »

Les valises contenant la somme de Rs 115 millions étaient destinées à être mises en lieu sûr. Cependant, lors de la saisie effectuée dans la nuit de vendredi à samedi, les enquêteurs, dirigés par l’Assistant Commissaire de Police (ACP) Seebah et le Surintendant de Police (SP) Seebaruth, ont fait une découverte encore plus surprenante. L’une des valises renfermait un logiciel ‘Apple Tracker’. Ce dispositif permettait de suivre et retracer chaque déplacement.

Le vendredi 14 septembre, après un mois d’enquête, les limiers de la Major Crimes Investigation Team (MCIT) ont débarqué chez Nitish Chandradeo Oomah à Terre-Rouge. La police disposait d’informations suggérant que sa résidence servait de cache pour d’importantes sommes d’argent. Lors de leur perquisition chez ce comptable, qui travaille pour Josian Deelawon, une valise remplie d’argent est retrouvée. Interrogé par les policiers, Nitish Oomah craque et désigne son patron comme étant celui qui lui aurait ordonné de conserver cette valise.

Vers 4h30 samedi matin, Nitish Oomah a conduit les limiers de la MCIT jusqu’au domicile de Josian Deelawon à Beau-Manguier, Pereybère. Sur place, aucune valise n’a été retrouvée. Les enquêteurs se sont alors dirigés vers son bureau, situé sur la route côtière à Pointe-aux- Canonniers. Lors de la perquisition, deux valises verrouillées ainsi qu’un sac ont été saisis. À l’inventaire, ces valises contenaient un total de Rs 115 millions. À la suite de cette saisie, les policiers ont multiplié les fouilles dans plusieurs autres endroits dans l’espoir de retrouver d’autres caches d’argent, mais ces recherches se sont révélées infructueuses.

Aux Casernes centrales, une hypothèse reste privilégiée : la balise de géolocalisation AirTag, développé par Apple, aurait permis aux propriétaires des valises d’être immédiatement alertés de leurs déplacements. Une théorie qui renforce les soupçons selon lesquels d’autres importantes sommes d’argent n’auraient pas encore été récupérées.

IL EST PROCHE DE JOSIAN DEELAWON 

Abhishek Gooransing : « Nou relasion ti ena bann limit »

Il apparaît aux côtés de Josian Deelawon et d’Ally Royal sur des photos prises lors d’une soirée festive au Maradiva Resort, publiées sur les réseaux sociaux. Abhishek Gooransing, figure connue de l’événementiel, s’est confié à TéléPlus et a confirmé qu’il connaît Josian Deelawon, tout en précisant que leur relation avait ses limites : « Nou relasion ti ena bann limite. Li finn bien donn mwa bon konsey, li finn donn mwa bon konsey biznes. Li finn deza paret dan bann piblikasion parmi bann meyer dan limobiye dan lafrik. »

Me Shameer Hossenboccus : « Mon client coopère pleinement avec les enquêteurs »

Le principal dénonciateur dans l’affaire qui a conduit à l’arrestation de Pravind Jugnauth ne compte pas interrompre sa collaboration avec la police et la FCC dans le cadre de cette enquête majeure pour blanchiment d’argent. Son avocat, Shameer Hossenboccus, a déclaré au Défi Quotidien que son client continue de coopérer avec les enquêteurs : « Depuis la perquisition, il collabore pleinement avec les enquêteurs. Il a également participé à un exercice d’identification et a exprimé son intention de poursuivre sa coopération avec eux. »