
À Maurice, le revenge porn devient une urgence sociale. Le ministère de l’Égalité des genres et de la femme prépare une loi intégrant les violences numériques, renforçant la protection des victimes.
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À Maurice, le revenge porn, c’est-à-dire la diffusion non consentie d’images intimes, constitue une forme croissante de violence basée sur le genre. Face à cette problématique, le ministère de l’Égalité des genres, de la femme et du bien-être de la famille annonce une initiative majeure : l’intégration explicite du revenge porn et d’autres violences numériques, comme le chantage et la sextorsion, dans le futur Domestic Abuse Bill, actuellement en élaboration.
Ce projet de loi viendra remplacer l’actuelle Protection from Domestic Violence Act (PDVA). Contrairement à la législation actuelle, qui s’appuie sur le Code pénal et des dispositions encadrées par l’Information and Communication Technologies Act, cette nouvelle loi reconnaîtra les violences numériques comme des formes de violence domestique. « Nous œuvrons activement à la révision de la loi pour y incorporer ces formes contemporaines d’abus », confirme le ministère.
Cette réforme intervient à un moment critique. Les cas de diffusion non autorisée d’images intimes se multiplient, favorisés par l’omniprésence des réseaux sociaux. L’affaire Al Madani a révélé l’urgence de cette réforme. Deux femmes ont eu le courage de témoigner, exposant les lourdes conséquences psychologiques et sociales de ces actes. Le ministère a identifié l’une d’elles et lui offre un accompagnement psychologique, une assistance juridique et un suivi personnalisé. Mais en l’absence d’un cadre législatif spécifique, les sanctions restent limitées et la prise en charge demeure complexe.
Pour soutenir les victimes, le ministère s’appuie sur des ressources déjà en place : la ligne téléphonique 139, l’application Lespwar, et huit Family Support Bureaux répartis sur l’île. Ces services, coordonnés par la Family Welfare and Protection Unit en collaboration avec la police, proposent un accompagnement complet, incluant soutien psychologique et conseils juridiques. « Nous garantissons une confidentialité absolue et encourageons toutes les victimes à se manifester », souligne le ministère.
Pourtant, des failles subsistent. Une victime affirme que la police a refusé d’enregistrer sa plainte. Le ministère promet d’enquêter pour « corriger toute défaillance ».
Ce cas n’est malheureusement pas isolé. La stigmatisation sociale et la peur d’être exposées dissuadent de nombreuses victimes de parler. Faute de statistiques claires — dont la collecte relève de la police — il est difficile d’évaluer l’ampleur du phénomène. Le futur Domestic Abuse Bill devrait améliorer cette situation, en facilitant les signalements et en clarifiant les responsabilités institutionnelles, fait-on comprendre.
Approche multi-institutionnelle
Parallèlement, le ministère renforce ses campagnes de sensibilisation. Il veut informer la population sur les violences numériques et encourager les victimes à briser le silence. Ces efforts s’inscrivent dans une stratégie nationale contre les violences basées sur le genre, axée sur la prévention et l’éducation. « Notre objectif est de briser le silence qui entoure le revenge porn », insiste-t-on au ministère.
Autre priorité : travailler avec les plateformes numériques et les opérateurs de téléphonie pour faire retirer rapidement les contenus préjudiciables. L’objectif est de développer une approche multi-institutionnelle, réunissant les principaux acteurs de la lutte contre les violences numériques. Il est attendu que ces partenariats, encore naissants, jouent un rôle important dans la limitation de la diffusion d’images intimes.
Malgré ces avancées, la mise en œuvre du Domestic Abuse Bill et des mesures associées doit surmonter plusieurs obstacles. La coordination entre le ministère, la police et l’Information and Communication Technologies Authority reste à améliorer. L’absence de données centralisées et le manque de formation des policiers sur les violences numériques nuisent à l’efficacité de la réponse.
L’annonce du Domestic Abuse Bill représente une lueur d’espoir concrète pour les victimes de revenge porn à Maurice. En reconnaissant légalement ces abus, le ministère envoie un message clair : tolérance zéro. Appuyée par des campagnes de sensibilisation et une coopération accrue avec les acteurs technologiques, cette réforme pourrait transformer la prise en charge des victimes et renforcer la prévention.
Affaire Al Madani : un réseau de revenge porn et de traite humaine démantelé
L’affaire Al Madani secoue l’île Maurice depuis que deux femmes ont dénoncé avoir été victimes de revenge porn. Leurs photos intimes auraient circulé sans leur accord sur internet, causant une immense détresse et humiliation.
Cette enquête sensible a pris un tournant après que l’ASP Rajesh Moorghen, à la tête d’une équipe composée de l’inspecteur Noordadally, de l’agent Mahadoo et de la WPS Blackburn, a réussi à démanteler le réseau suspecté. Par un travail méthodique de surveillance, d’analyse informatique et de coordination entre services, les limiers ont identifié les suspects, recueilli des preuves cruciales et mis fin au cauchemar que vivaient les victimes.
La justice a réagi rapidement face à la gravité des faits révélés. Le suspect principal fait déjà face à huit accusations provisoires :
• Violation de la loi sur la cybercriminalité (revenge porn)
• Sodomie sur mineur
• Séquestration
• Traite d’êtres humains
• Maltraitance d’enfant
• Association de malfaiteurs
• Incitation à l’abus sexuel sur mineur
• Possession illégale de biens portant le sceau du gouvernement
Selon des sources proches du dossier, d’autres charges pourraient encore s’ajouter à cette liste déjà accablante. C’est particulièrement l’accusation de traite d’êtres humains qui a choqué l’opinion publique. Elle suggère que cette affaire va bien au-delà d’un conflit personnel. Les enquêteurs envisagent sérieusement l’existence d’un réseau organisé, avec probablement d’autres victimes et plusieurs complices impliqués directement ou indirectement.
Le ministère de l’Égalité des genres a confirmé avoir mis en place un soutien psychologique et juridique pour les victimes identifiées, tout en appelant d’autres potentielles victimes à contacter les services concernés.
C’est quoi le revenge porn ?
Le revenge porn, ou pornographie de vengeance, désigne la diffusion non consentie d’images ou de vidéos à caractère sexuel ou intime, généralement dans le but d’humilier, de se venger ou d’exercer une pression psychologique ou émotionnelle sur la victime.
Ce type de violence est souvent perpétré par un ex-conjoint, un partenaire ou même un inconnu ayant eu accès aux images. Il peut s’agir :
• de photos prises à l’insu de la victime,
• de contenus partagés dans un cadre privé (relation amoureuse ou de confiance),
• ou encore de montages truqués à visée diffamatoire.
Le revenge porn est une forme de violence basée sur le genre, car dans la grande majorité des cas, les victimes sont des femmes, ciblées pour les contrôler, les punir ou les discréditer.
Conséquences :
• Humiliation publique,
• Perte d’emploi ou d’opportunités,
• Troubles psychologiques (anxiété, dépression, isolement),
• Dans certains cas extrêmes, cela peut conduire à des idées suicidaires.
Dans de nombreux pays, y compris à Maurice, sous certaines dispositions de l’ICT Act et de la Cybersecurity and Cybercrime Act, cette pratique est punie par la loi, et les victimes peuvent porter plainte. Toute personne qui publie des photos ou vidéos à caractère sexuel sans le consentement de la personne concernée s’expose à une amende pouvant aller jusqu’à Rs 1 million et à une peine d’emprisonnement maximale de 20 ans.

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