
Un rapport d’audit de performance, intitulé Enhancing the registration and licensing services of the National Land Transport Authority, remis en juin au ministère des Transports terrestres et à la National Land Transport Authority (NLTA) par le National Audit Office (NAO), dévoile une série de dysfonctionnements graves au sein de cette institution clé de la gestion des transports. Ce rapport fait état d’une mauvaise gestion survenue ces dernières années. Il met en évidence des lacunes structurelles, une mauvaise utilisation des fonds publics et un retard inquiétant dans la modernisation des services, compromettant l’efficacité et la satisfaction des usagers. Voici une analyse détaillée des faits révélés par ce rapport, basé sur des données collectées entre janvier 2019 et avril 2025.
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Une structure de gouvernance inadéquate
L’audit révèle que la NLTA, créée en 2019 avec l’adoption de la NLTA Act, pour prendre le relais de la National Transport Authority, n’a pas réussi à mettre en place une gouvernance efficace, malgré les ambitions initiales du ministère. « La promulgation de la NLTA Act en 2019, parmi d’autres objectifs, visait à fournir une structure de gouvernance appropriée et à avoir une organisation opérationnelle pour superviser le transport terrestre ainsi que le transport ferroviaire », indique le rapport. Cependant, cette structure n’a pas été matérialisée. En avril 2025, aucun des postes clés n’était pourvu, à l’exception temporaire du poste de Deputy Light Rail Commissioner, occupé pendant 24 mois à partir de décembre 2021. « L’absence d’un Chief National Transport Commissioner a conduit à la nomination d’un Officer-in-Charge de la NLTA à partir d’août 2021, avec une allocation mensuelle pour assumer les responsabilités », précise le document.
Cette vacance a eu des conséquences directes. « En raison des lacunes persistantes dans sa structure de gouvernance, la NLTA n’a pas pu intégrer efficacement les défis découlant de l’élan créé par l’expansion du plan d’information et des systèmes de transport routier et ferroviaire », note le NAO.
Six ans après l’entrée en vigueur de la NLTA Act, le recrutement d’un Chief National Transport Commissioner et d’un Deputy Light Rail Commissioner reste en suspens, laissant l’institution dans une impasse opérationnelle. Des discussions préliminaires ont été initiées pour nommer un intérimaire, mais aucun calendrier précis n’a été communiqué.
Des retards dans la modernisation technologique
L’un des points les plus critiques du rapport concerne l’échec de la NLTA à moderniser ses systèmes informatiques. L’Information Plan de 2017, accompagné d’un plan stratégique pour transformer la NTA en NLTA, promettait une digitalisation des services de licence et d’enregistrement. « Une proposition visant à améliorer l’efficacité de la NLTA a été soumise », indique le rapport. Pourtant, cette ambition reste largement inaboutie.
Le système de billetterie sans contact (Cashless Ticketing System, CTS), prévu depuis 2017, n’a pas été mis en œuvre malgré un budget de Rs 24 millions alloué sur trois ans (2020-2022).
« Il y a eu un retard considérable dans la révision de la méthodologie de paiement pour le Free Travel Scheme, proposée par un consultant en mai 2017, mais toujours pas mise en œuvre en 2022 », déplore le NAO.
De plus, le système de gestion des licences et des enregistrements (RLS) n’a pas été mis à jour depuis des années, malgré des recettes annuelles moyennes de Rs 1,3 milliard, dont 80 % proviennent des opérations de la Mauritius Post Ltd (MPL) et des renouvellements de licences de véhicules (MVL).
« La base de données du RLS n’a pas été mise à jour au cours des dernières années avec les collectes de fonds réalisées par la MPL », souligne l’audit. Cette obsolescence a conduit à des files d’attente interminables, les usagers attendant plusieurs heures, notamment en période de pointe.
« Le temps passé dans les files d’attente représente un coût d’opportunité significatif », note le rapport, ajoutant que ce temps aurait pu être consacré à des activités productives.
Des négociations avec un fournisseur de logiciels sont en cours pour relancer le projet CTS, mais aucune garantie de succès à court terme n’existe.
Une utilisation inefficace des fonds publics
Le rapport met également en lumière une gestion déficiente des fonds alloués. Sur un budget de Rs 320 millions prévu pour les dépenses en informatique entre juillet 2017 et juin 2024, seulement 15 % ont été dépensés. « Aucun décaissement n’a été effectué pour le CTS malgré les fonds alloués », précise le NAO.
De même, le projet de Passenger Information System (PIS), lancé en septembre 2019 pour un coût de Rs 25 millions, s’est soldé par un échec. « Le système n’a jamais fourni d’informations précises sur l’arrivée des bus et a été désactivé en mars 2021 par le contractant, faute de paiement des licences logicielles », indique le document. Ce projet, qualifié de « nugatory » (inutile), n’a apporté aucune valeur ajoutée.
L’audit pointe aussi du doigt l’absence d’un système de gestion électronique des documents (E-Document Management System). « En avril 2025, il y avait encore 99 000 fichiers physiques dans la section de registre de la NLTA, qui n’avaient pas été scannés », révèle le rapport. Cette situation oblige les employés à passer un temps considérable à rechercher des données manuellement, augmentant les délais de traitement.
Un appel d’offres pour un système de numérisation est en préparation, avec une échéance prévue pour fin août 2025.
Des services au ralenti et un mécontentement des usagers
Les lacunes technologiques et organisationnelles ont un impact direct sur les usagers.
L’adoption des services en ligne reste marginale, avec seulement 13 % des renouvellements de licences de véhicules effectués en ligne entre août 2024 et avril 2025. « L’adoption faible était due à une conception médiocre du service, qui ne respectait pas les normes et lignes directrices adéquates », explique le NAO.
De plus, l’absence de places de stationnement et les conditions de sécurité précaires au siège de la NLTA à Cassis, situé dans un bâtiment dont le bail a expiré en janvier 2019, aggravent le désagrément.
« Aucun parking n’était disponible pour les usagers, causant des embouteillages et des préoccupations de sécurité », note le rapport.
Les files d’attente persistent malgré les efforts pour décentraliser les services. « Malgré les initiatives de décentralisation à travers l’ouverture de sous-bureaux, les usagers faisaient encore la queue au siège et dans les sub-offices », déplore le Bureau de l’audit.
Recommandations pour une réforme urgente
Face à ces constats, le NAO formule des recommandations claires. Il suggère à la NLTA de développer un plan stratégique sur cinq ans avec un plan d’action associé, afin de « fournir de la visibilité sur la manière dont, à moyen et long terme, l’institution sera restructurée, utilisera efficacement les ressources et assurera un suivi de sa performance et de sa responsabilité ».
Un comité de pilotage de haut niveau, comprenant des représentants du ministère des Transports, de la Fonction publique et de la Police, est également proposé pour coordonner les efforts.
L’audit insiste sur la nécessité de digitaliser les données clés et de décentraliser les services via un partenariat avec Mauritius Post Ltd. « Avec un système informatique repensé, les données digitalisées disponibles en ligne faciliteraient la prestation de services », recommande le NAO.
Enfin, la dévolution de tâches opérationnelles, comme le paiement des amendes de stationnement, aux municipalités ou aux entreprises privées est vue comme une solution pour réduire la charge sur la NLTA.
Une institution à la croisée des chemins
Alors que le pays dépend de cette autorité pour assurer une gestion fluide des transports, souligne l’audit, les retards accumulés et la mauvaise gestion des ressources compromettent sa mission. « En juin 2025, le NAO est d’avis qu’il existe une marge substantielle pour améliorer les services d’enregistrement et de licence afin de répondre aux attentes des usagers, de manière rentable », conclut l’audit.

Analyse des finances de la NLTA : une gestion contrastée
Dans son rapport, le Bureau de l’audit détaille les revenus et dépenses de la NLTA pour les années financières 2017-18 à 2023-24, révélant une gestion financière marquée par des écarts entre prévisions et réalisations. Les données, tirées des rapports annuels du Trésor, mettent en évidence une dépendance significative aux licences de véhicules à moteur, tout en soulignant des investissements limités dans les infrastructures technologiques.
Les revenus totaux ont fluctué, passant de Rs 1,76 milliard en 2017-18 à Rs 2,22 milliards en 2023-24. Une part prédominante provient des licences de véhicules à moteur, représentant environ 75 % du total, avec Rs 1,40 milliard collectées via la Mauritius Post Ltd en 2022-23. Comme l’indique le tableau 1, les recettes réelles ont souvent dépassé les budgets initiaux, notamment en 2023-24 où Rs 1,851 million ont été recueillies contre un budget de Rs 2,087 million pour les licences. Les autres frais (Vehicle Fitness, transferts, réservations de noms) ont également progressé, atteignant Rs 370,4 millions en 2023-24, contre un budget de Rs 339.6 millions.
Les dépenses récurrentes, détaillées dans le tableau 2, ont augmenté de Rs 1,482 million en 2017-18 à Rs 2,322 millions en 2023-24. La compensation des employés, couvrant les salaires et le coût du Free Travel Scheme, domine avec Rs 1,19 milliard en 2023-24. Les subventions, principalement liées au Bus Modernisation Scheme, ont atteint Rs 57 millions la même année. Les biens et services, bien que stables, restent modestes à Rs 133 millions.
Réponse du ministère des Transports terrestres aux critiques de l’Audit national
Le ministère des Transports terrestres a réagi aux conclusions du National Audit Office (NAO) concernant, entre autres, les défaillances de plusieurs systèmes informatiques gérés par la National Land Transport Authority (NLTA). Dans ses réponses soumises au NAO, et qui sont incluses dans le rapport, le ministère a reconnu les faiblesses identifiées, tout en proposant des mesures correctives. Ce rapport met en lumière des problèmes structurels et financiers, ainsi que des engagements pour une amélioration progressive.
Sur le remplacement du système informatique obsolète, le ministère a admis que cette priorité aurait dû être traitée plus tôt. Il a souligné que « les procédures étaient en cours pour la finalisation du Scheme of Service pour le poste de Chief National Transport Commissioner, sa subséquente nomination et la disponibilité de fonds », indiquant des retards liés à des contraintes budgétaires et administratives.
Concernant le système de contrôle des tickets (CTS), « les tentatives de mise en œuvre ont échoué pour diverses raisons ». Le ministère a précisé : « Il est nécessaire de considérer les aspects techniques là-dessus, qui sont assez complexes et par ailleurs, aussi bien légaux et financiers impliqués. » Une stratégie d’implémentation, incluant une sensibilisation publique, est en cours, avec des discussions sur les composants comme le Fleet Management System et les Electronic Ticketing Machines.
Pour le Free Travel Scheme, un Transaction Adviser a été nommé, et « un plan d’implémentation révisé était en cours d’élaboration pour s’assurer que le système sera introduit dans l’année financière prochaine, soit 2025/26 ». En ce qui concerne l’accord avec la BCRA, jugé toujours valide, des actions ont été initiées pour revoir cet accord en consultation avec les parties prenantes, en consultation avec le bureau de l’Attorney General pour valider les révisions.
Le Passenger Information System, piloté sans maintenance adéquate, sera intégré comme composante du futur Fleet Management System. Par ailleurs, des fonds ont été alloués dans les Estimates 2025/26 pour remplacer le système obsolète, tandis que l’Online Motor Vehicle Licencing (MVL) System, amélioré en juin 2025, devrait « réduire drastiquement le renouvellement des MVLs à la Mauritius Post Ltd ».

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