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Projet de société : Maurice en quête d’équilibre géopolitique dans l’océan Indien

La 12 édition du forum-débat Projet de société était axée, mercredi 10 juillet, sur la thématique ‘Maurice, la Région et le Monde’, à l’hôtel La Pirogue.

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Organisé conjointement par le sociologue Malenn Oodiah et Radio Plus, ce débat animé par Jean Luc Émile avait réuni l’historien et ex-doyen de l’Université de Maurice, Jocelyn Chan Low; Jean-Pierre Dalais, CEO du groupe CIEL ; Priya Bahadoo, doctorante en Histoire de l’océan Indien à l’UoM et Adish Maudho, géographe.

Comment définir le positionnement géopolitique de Maurice dans l’océan Indien, sans évoquer l’histoire de l’île, son peuplement, ses différentes phases de colonisation, son indépendance, son essor économique, ses rapports avec le continent africain et les pays occidentaux traditionnellement amis et les économies émergentes que sont la Chine et l’Inde. Hier, à Flic-en-Flac, les panélistes ont réussi le tour de force de brosser un tableau cohérent des enjeux et défis que suscite l’océan Indien (OI), devenu un ‘passage obligé’ pour les puissances économique, politique et militaire de toutes parts. Mais déjà à l’ère des grandes conquêtes coloniales parties d’Europe, fait ressortir Jocelyn Chan Low, l’océan faisait l’objet de convoitises. À l’ère coloniale, les Français comprennent que l’île Maurice est un endroit de choix pour le ravitaillement de leurs navires qui voguent vers leurs comptoirs en Inde et pour abriter un chantier naval. Seul fait nouveau au tableau au XX1e siècle : le déplacement des pôles économiques de l’Ouest à l’Est, nuance Malenn Oodiah qui, pourtant n’hésitera pas à dépeindre Maurice comme ‘enfant de la mondialisation’.

Hauts fonctionnaires mauriciens

L’île Maurice, peuplé de communautés venues d’Afrique, d’Asie et d’Europe, a toujours su réussir ses transitions coloniales sans heurts et au moment de son Indépendance, en 1968, les Britanniques lui lèguent une armada de hauts fonctionnaires mauriciens chevillés par la rigueur et le travail. Parmi, des diplomates qui sauront placer les intérêts nationaux avant leurs couleurs politiques – Jocelyn Chan Low cite les ‘copains et cousines’ installés dans nos chancelleries.

C’est sans doute à cette époque, grâce à un sir Seewoosagur Ramgoolam visionnaire qui, en 1972, reconnaît la Chine et non Formose, que le pays intègre d’abord l’Organisation commune africaine et malgache (OCAM), qui deviendra l’Organisation de l’unité africaine (OUA) puis l’Union africaine (UA). À ces choix diplomatiques se greffe un partenariat public-privé qui jette les bases de la monoculture sucrière. « Beaucoup de travail a été fait, le sucre et le textile ont servi de base à la diversification économique, et grâce à un bon équilibre de la roupie, nos produits sont restés compétitifs », indique Jean-Pierre Dalais.Adish Maudho a fait valoir, de son côté : « On fait souvent des choix pour essayer et si ça marche, on y va » après que Malenn Oodiah eut dit : « J’ai vu un masterplan sur l’économie bleue, c’est du copié-collé  d’un plan qui date de 15 ans. J’ai aussi entendu dire que ce secteur a créé 2 500 emplois, je les ai cherchés avec une loupe. » À son tour, Priya Bahadoo déplorera l’absence de suivi dans les projets sous prétexte que leur paternité appartient à un gouvernement qui n’est plus au pouvoir.

Ce pays de peuplement, explique Malenn Oodiah, est passé par des vagues d’immigration et de migration qui a vu l’arrivée d’une main-d’œuvre étrangère employée dans le textile et le bâtiment. « C’est un phénomène mondial, comme on peut le voir avec la crise des migrants, mais en accueillant les étrangers, il ne faut pas confondre l’ouverture avec la  braderie de nos terres », met-il en garde.

L’Inde et la Chine et Agalega : « diplomatie du secret »

La présence indienne dans l’océan Indien et surtout à Agaléga, de même que la montée en puissance économique de la Chine ne pouvaient être exclues de ce forum. Jocelyn Chan Low s’est attardé sur la stratégie économique de la Chine, fondée sur des orientations décidées par le Parti communiste et mises en œuvre par ses entrepreneurs. Se référant à un entretien du DG de Huawei, il a mis l’accent sur la stratégie en matière de nouvelles technologies, de high-tech, de 5G, mais aussi sur les questions philosophiques qui commencent à intéresser l’Occident. La puissance économique de la Chine ne devrait pas nous étonner, poursuit-il, elle l’a déjà été dans le passé, « mais avec la route de la soie, nous sommes à la veille d’une nouvelle révolution industrielle. »

Cette politique ‘d’encerclement’, illustrée par la flotte chinoise, la plus grande au monde, a fait réagir l’Inde sur le plan diplomatique. La détente amorcée en Inde par le Président français Emmanuel Macron a conduit au rapprochement indien avec La Réunion. Jocelyn Chan Low émet la crainte de voir une éventuelle base militaire traquer des sous-marins chinois dans cette région. Aussi récuse-t-il, toute « diplomatie du secret » concernant le MoU entre les gouvernements indiens et mauriciens.

 

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