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Projet avorté de moto-école : les dessous d’un Business Plan controversé

Le Professional Riding Driving Centre Ltd, créé depuis 2017, ne fonctionne pas.
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Que contenait le Business Plan préparé par un ex-conseiller de Nando Bodha pour Shahi Ganganna afin que ce dernier puisse décrocher un emprunt bancaire de Rs 8,5 millions ? Que prévoyait ce plan pour que cet homme, qui s’est fait remarquer à Grand-Bassin dimanche pour avoir pris à partie l’ex-ministre des Affaires étrangères, se décide à se lancer dans le projet de moto-école qui, au final, n’a jamais vu le jour ? Éléments de réponses. 

Un chiffre d’affaires de Rs 10 millions à partir de la troisième année d’opération d’une moto-école. C’est ce que prévoyait le Business Plan d’un ancien conseiller de Nando Bodha, du temps où ce dernier occupait le poste de ministre des Infrastructures publiques et du Transport. Fort du rêve qui lui est vendu, Shahi Ganganna dit avoir « foncé tête baissée » dans ce projet. Le Business Plan en main, il obtient un emprunt Rs 8,5 millions auprès d’une banque. Résultats des courses : l’homme affirme qu’il est aujourd’hui endetté jusqu’au cou. 

Que prévoyait ce plan pour que le directeur de Professional Riding Driving Centre se décide à sauter le pas ? D’après le Business Plan, l’objectif de la moto-école pour les trois prochaines années était notamment de dispenser une formation. D’abord à au moins 900 apprenants durant la première année. Puis à 1 800 autres au cours de la deuxième et de la troisième année. 

La clientèle ciblée dans un premier temps aurait été les débutants. Selon le plan, 6 000 à 8 000 nouveaux « autocyles » (ou vélomoteurs ; NdlR) et motocyclettes sont enregistrés en moyenne chaque année. Dans un deuxième temps, ce sont les titulaires d’un permis d’apprenti conducteur qui auraient été ciblés. Cela aurait concerné environ 170 000 personnes qui conduisent actuellement une moto et qui utilisent uniquement un permis d’apprenti conducteur. 

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Shahi Ganganna dit avoir cru dans le projet de Nando Bodha.

À mesure que le projet aurait pris de l’ampleur et que la réglementation ainsi que le cadre juridique auraient été rendus plus explicites, les titulaires d’un permis d’apprenti conducteur auraient été contraints de passer par une des moto-écoles pour obtenir le permis de conduire officiel. Toujours selon le Business Plan, les candidats auraient dû terminer leur formation au bout de deux mois. Tous les paiements auraient dû être faits par cash et par heure de cours. 

« Il était prévu que des négociations aient lieu avec les entreprises afin qu’elles envoient leurs salariés qui se déplacent à moto dans les moto-écoles pour une mise à niveau. Il avait été estimé qu’il y aurait eu environ 7 000 inscriptions la première année », explique Shahi Ganganna. 

Criblé de dettes  

Shahi Ganganna affirme qu’il n’arrive toujours pas à comprendre comment le ministère des Infrastructures publiques et du Transport, qui était alors sous la houlette de Nando Bodha, a pu lancer un projet et aider son entreprise à obtenir un emprunt bancaire pour ensuite tuer le projet dans l’œuf. Le directeur de Professional Riding Driving Centre Ltd indique que le ministère avait, dans une correspondance, recommandé l’assistance de son entreprise. « It would be much appreciated if the necessary assistance could be extended to Mr Shahi Ganganna of Professional Riding Driving Centre Ltd to expedite the implementation of the project. You may wish to note that this project is being monitored at the level of the task force on public infrastructure. Your urgent attention on the matter would oblige », peut-on y lire.  

Shahi Ganganna précise que depuis novembre 2017, son bâtiment est fin prêt. Pour l’emprunt bancaire de Rs 8,5 millions qu’il a contracté en février 2018, il doit rembourser Rs 129 329 tous les mois, et ce jusqu’en janvier 2025. Il dit avoir investi Rs 14 225 000 afin de tout mettre à jour pour ce projet. Hélas, dit-il, il est dans l’incapacité de payer tout cela. 

Il précise qu’il loue un terrain à bail pour une période de 30 ans et qu’il l’a fourni comme garantie auprès de la banque. Il ajoute qu’il a aussi hypothéqué sa maison auprès de la personne qui lui a loué ce terrain. Il affirme qu’il a même payé la Land Conversion Tax s’élevant à Rs 576 000. Son amie en Suisse, qui a investi dans ce projet, est même décédée.

Que fait Shahi Ganganna pour s’en sortir ? Il soutient qu’il travaille dans un champ de canne à sucre. Il transporte des employés d’un établissement sucrier et il travaille avec eux. Mais il avance que l’argent qu’il gagne ne lui permet pas d’honorer ses engagements financiers. Il dit dépendre également de la pension de vieillesse de son père. 

Avant d’investir dans ce projet, Shahi Ganganna gagnait sa vie honorablement. Il était inspecteur au Mauritius Institute of Training and Development. Son rôle consistait à former des gens à devenir conducteurs de poids lourds. L’homme peut compter sur le soutien de son épouse qui l’aide financièrement, mais il précise qu’il ne peut pas trop dépendre d’elle puisqu’elle a un grave problème de santé. « Elle a subi une opération en Suisse, mais elle doit toujours suivre ses traitements dans les cliniques de Maurice », confie-t-il.

Me Penny Hack : « La personne l’a simplement aidé »

L’avocat d’affaires Penny Hack est catégorique. Selon lui, si le conseiller « a fait un Business Plan, il se peut qu’il ait simplement aidé Shahi Ganganna. Même si le conseiller est intervenu afin que la personne puisse obtenir un emprunt, il n’y a rien qui l’incrimine. Il l’a peut-être fait de bon cœur. Il n’y a aucune offense sous la Prevention of Corruption Act 2002 », fait-il comprendre.

L’association des moniteurs réclame Rs 40 M à l’État 

« Les instructeurs sont dans une situation difficile. On avait cru dans ce projet. Personne ne veut trouver une solution pour nous. » Appel à l’aide lancé par Shaun Musay, le président de l’Association of Motorcycle Driving Instructors and Road Safety Awareness (AMDIRSA). Il indique qu’en ce moment, les membres de l’association font des petits boulots pour arrondir leurs fins de mois. « Avant d’embarquer dans ce projet, ils travaillaient déjà. Certains ont des emprunts qu’ils ne peuvent pas rembourser », dit-il. N’en pouvant plus, il indique qu’en décembre 2020, l’AMDIRSA a pris la décision de « réclamer Rs 40 millions au gouvernement ». 

Les opérateurs 

Les neuf opérateurs retenus sont : Star School, Northern Safety Driving Centre, Trianon Safety Driving Centre, l’Ark Driving Centre de Rajendra Kumar Naga, Focal Point Ltd, Rose-Hill Transport Bus Services Ltd, Success Drive Ltd, Spark Driving School et la société Professional Riding Driving Centre Ltd de Shahi Ganganna.

Rajendra Kumar Naga a investi Rs 14 millions 

Rajendra Kumar Naga fait partie des neuf opérateurs retenus pour le projet de moto-école. Il soutient qu’il se trouve dans le même pétrin que Shahi Ganganna. Son entreprise Ark Driving Centre, située à Brisée-Verdière, ne travaille pas depuis 2017. Il dit avoir investi Rs 14 millions dans ce centre pour le doter de tous les équipements nécessaires. Il avance qu’il a emprunté de l’argent à ses proches, dont un neveu qui vit en Angleterre. Rajendra Kumar Naga affirme avoir acheté cinq motocyclettes pour un montant de Rs 1,5 million. 

« J’ai payé un consultant Rs 200 000 et j’ai décaissé Rs 75 000 afin que le plan soit approuvé », martèle-t-il. Même si le projet n’a pas encore décollé, Rajendra Kumar Naga emploie toujours deux personnes en espérant qu’il voit le jour. Il dit qu’il encourt aussi des frais de location de Rs 45 000 par année. 

« Cela fera bientôt quatre ans que j’attends que le gouvernement amende la loi », soupire-t-il. Il trouve étrange que Nando Bodha vienne à présent dire que c’est le Premier ministre qui est responsable si la loi n’est pas passée à l’Assemblée nationale. « C’est sous son ministère que l’Expression of Interest avait été lancée. Nando Bodha est le seul responsable si ce projet n’a pas été concrétisé », clame-t-il.

Rajendra Kumar Naga dit vivre dans un stress permanent. Il est conscient qu’il risque de tout perdre si le projet est enterré à jamais. Son inquiétude est d’autant plus grande que son état de santé s’est détérioré ces derniers temps.

 

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