Deux pôles s’affrontent sur la question de la compensation salariale. D’un côté, le patronat s’y oppose en se basant sur le faible taux d’inflation. De l’autre, les syndicats clament qu’il y a eu une érosion du pouvoir d’achat des salariés et que ces derniers méritent une compensation.
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Les pour
Il y a eu une baisse du pouvoir d’achat. Le président de la Fédération des travailleurs unis(FTU), Atma Shanto, est catégorique à ce sujet. « Le taux d’inflation de 1,2 % ne reflète pas la réalité. Les travailleurs ont été frappés par une série de hausses des prix dans le commerce et, de ce fait, il faut rétablir leur pouvoir d’achat », argue-t-il.
Pour le président syndical, l’argument selon lequel aucune compensation salariale n’est possible si le taux de l’inflation se trouve en deçà de 5 % ne tient pas la route. Selon lui, Maurice connaît un gel des salaires depuis des années. Or, insiste-t-il, la compensation salariale est le seul moyen pour les travailleurs d’améliorer leurs conditions de vie. L’économiste Vishal Rughoobur abonde dans le même sens. « Certes, le taux de l’inflation est très bas, mais l’an dernier on a accordé une compensation salariale. Si une frange de la population peut se passer de cette compensation, tel n’est pas le cas de ceux qui se trouvent au bas de l’échelle », fait-il ressortir.
Un point de vue que partage le secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (Acim), Jayen Chellum. « Avec les différentes hausses des prix, l’alimentation représente 47 % du budget des plus démunis de la société. Outre l’alimentation, il faut ajouter le loyer, le remboursement des emprunts, les mensualités de l’achat à tempérament, les factures d’eau, d’électricité et les frais de transport, entre autres », dit-il. De son côté, le président du Mauritius Labour Congress (MLC), Haniff Peerun, est en faveur d’une compensation salariale d’au moins 30 % pour rétablir le pouvoir d’achat des Mauriciens. Il estime également que les fonctionnaires doivent bénéficier d’une hausse salariale, parce que, selon lui, ils n’ont pas été adéquatement compensés par les recommandations du Rapport du PRB.
Les contre
L’économiste Pierre Dinan est catégorique. « Avec un faible taux d’inflation, il n’y a pas lieu d’accorder une compensation salariale. Il y a plusieurs années de cela, on avait pris la décision qu’il n’y aurait pas de paiement de la compensation salariale si l’inflation est inférieure à 5 %. On a oublié tout ça », dit-il.
Certes, il reconnaît qu’il faut aider les plus démunis de la société, mais pas au détriment des entreprises et de la création d’emplois. Il explique que chaque hausse salariale ajoute un coût sur la production et notre compétitivité sur le marché international en est affectée. « Notre production devient de plus en plus chère », souligne-t-il. Il rappelle que les produits mauriciens sont en compétition directe avec ceux de l’Inde, du Bangladesh et d’autres pays d’Asie, dont les prix sont plus compétitifs sur le marché mondial.
« Si l’inflation était supérieure à 5 %, il serait logique d’accorder une compensation salariale », poursuit l’économiste. « Pour moi, on aurait dû avoir une réunion tripartite pour prendre note que la question du paiement d’une compensation ne se pose pas, parce qu’il n’y a pas d’inflation élevée », dit-il. Il souhaite que le gouvernement ait le courage politique de prendre une telle décision.
Pour Pierre Dinan, le gouvernement aurait pu puiser de ses propres fonds pour offrir un « one off » aux plus vulnérables de la société s’il n’accordait pas de compensation salariale.
Un avis que partage Amar Deerpalsing, porte-parole des Petites et Moyennes Entreprises. Il estime qu’avec les incertitudes au niveau des commandes et couplées d’une féroce compétition au niveau international, le paiement d’une hausse salariale aggravera la situation déjà précaire de plusieurs entreprises. Il n’exclut pas des pertes d’emplois si elles doivent faire les frais d’une compensation salariale.
Amar Deerpalsing est en faveur d’un changement au niveau de l’octroi de la compensation salariale. « Pourquoi ne pas l’appliquer sur une base sectorielle et dépendant de la capacité de paiement des entreprises ? » dit-il.
L’entrepreneur invite les syndicalistes à être plus réalistes dans leurs demandes : « Ils doivent choisir entre protéger les emplois ou payer une compensation salariale exagérée qui, au final, serait catastrophique pour les travailleurs et le pays. »
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