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De la canne au rhum : immersion au cœur de l’usine Agriterra et de Grays

L’usine d’Agriterra à Belle-Vue Mauricia. L’une des étapes cruciales dans la production du sucre.

À Mapou, dans le Nord de l’île, la saison de la coupe bat son plein. C’est ici, sur le site de Belle-Vue Mauricia, que l’usine Agriterra, filiale cannière du groupe Terra, transforme chaque jour des milliers de tonnes de cannes en sucre et en jus destinés à la distillation. Plongée au cœur de cette ruche industrielle.

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Depuis le 7 juillet, l’usine d’Agriterra tourne à plein régime, 24 heures sur 24. Et cela ne s’arrêtera pas avant la mi-décembre, date marquant la fin officielle de la campagne sucrière à Maurice. C’est durant cette période cruciale que le ballet des camions, environ 300 par jour, alimente le site en cannes fraîchement coupées, représentant près de 6 000 tonnes acheminées quotidiennement.

La première étape du processus commence dès la livraison des cannes, dans ce que les techniciens appellent « l’alimentation ». « Les cannes passent ensuite à la station de broyage. Là, sous la pression des rouleaux, jaillit le tout premier jus, considéré comme le plus précieux : le jus premium », explique Michael Ah-Sing, Process Control and Systems Manager d’Agriterra.

Le jus est ensuite dirigé vers de grands bassins en inox, où il est collecté pour subir une série de transformations. Vient alors l’étape de clarification. 

« Le jus est chauffé à 105 degrés Celsius, puis on y ajoute de la chaux pour en extraire les impuretés. Cette opération, réalisée dans un clarificateur, permet d’obtenir un jus limpide, prêt à être concentré », poursuit Michael Ah-Sing.

Place ensuite à l’évaporation, une phase cruciale durant laquelle le jus est débarrassé de son excès d’eau. Il devient alors un sirop épais, qui sera ensuite cristallisé : sous l’effet de la chaleur et de la rotation dans les chaudières, les cristaux de sucre commencent à se former.

« Enfin, ces cristaux sont séparés par catégorie. Le sucre de catégorie A est le plus pur et destiné à la consommation directe. Les catégories B et C, elles, sont soit retraitées, soit envoyées à la distillerie pour la fabrication du rhum », avance Michael Ah-Sing.

De la canne brute jusqu’au verre de rhum, le parcours est long, exigeant et hautement technologique. À travers cette visite, Agriterra ouvre les portes d’un savoir-faire mauricien vieux de plusieurs siècles.

18 variétés de sucres haut de gamme exportées vers 85 pays

Chez Agriterra, la transformation de la canne à sucre prend une dimension internationale grâce à la production de sucres spéciaux. Selon Michael Ah-Sing, Process Control and Systems Manager, pas moins de 18 variétés de ces sucres haut de gamme sont produites chaque année. Ces produits sont ensuite exportés vers 85 pays à travers le monde, notamment les États-Unis, le Moyen-Orient et l’Asie. Avec une capacité annuelle de production située entre 80 000 et 85 000 tonnes, Agriterra valorise en moyenne 680 000 tonnes de cannes à sucre récoltées localement. Toutefois, les aléas climatiques et la réduction des surfaces cultivées ont contribué à un déclin constant de la production au cours des quatre dernières années. En 2024, 65 000 tonnes de sucres spéciaux ont été produites.

Florence de Coriolis, assistante Rum Brand Manager : « Notre production est en hausse en termes de valeur mais en baisse en volume »

Florence de Coriolis, assistante Rum Brand Manager, détaille comment le modèle d’Agriterra, fondé sur une maîtrise complète de la chaîne de production, permet d’allier performance environnementale, innovation énergétique et adaptation aux défis du marché.

En quoi le modèle adopté par Agriterra permet-il de mieux gérer les enjeux de durabilité ?
Nous maîtrisons toute la chaîne de production, ce qui nous permet de garantir une démarche cohérente et rigoureuse en matière de durabilité. Cela commence dès la plantation de la canne à sucre, jusqu’à la récolte, la transformation en sucre, puis la distillation, le vieillissement du rhum, et enfin l’embouteillage. Cette maîtrise totale nous donne la possibilité de faire des choix responsables à chaque étape. Par exemple, nous n’utilisons ni herbicides ni pesticides dans nos champs. La paille de canne est entièrement récupérée pour être brûlée à la place du charbon, ce qui permet de limiter l’usage de combustibles fossiles. 

Quant à la bagasse, elle est valorisée pour produire de l’électricité via notre centrale thermique, Terragen, qui alimente jusqu’à 20 % de la consommation électrique locale. Les résidus de distillation, ce qu’on appelle la vinasse, sont transformés en biofertilisants 100 % naturels, que nous réutilisons dans les champs. Ainsi, rien n’est jeté. 

Nous allons plus loin encore : nous captons l’eau de pluie, investissons dans le photovoltaïque et menons le projet Eco Spirit, qui vise à réduire l’utilisation de bouteilles en verre à usage unique. Notre vision est claire : recycler autant que possible, réduire notre empreinte carbone et construire un avenir durable.

Quels sont vos projets à venir pour renforcer davantage cet engagement environnemental ?
Nos efforts en matière de durabilité sont continus. Nous agrandissons actuellement notre surface de panneaux photovoltaïques afin de devenir 100 % autonomes en énergie solaire. Côté gestion de l’eau, nous avons investi dans la récupération et le traitement de l’eau de pluie, pour une utilisation optimale dans nos processus industriels. 

Nous cherchons également à réduire drastiquement l’utilisation du charbon. Nous réutilisons déjà certaines huiles issues de la distillation comme combustible, car elles sont bien moins polluantes que les énergies fossiles classiques. Ce sont des initiatives concrètes, qui nous permettent de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. 

Sur le plan des emballages, nous savons que la mondialisation a entraîné une explosion de l’utilisation de matériaux non durables. Nous travaillons donc activement à réduire le volume et l’impact environnemental de nos emballages. À la distillerie comme à la sucrerie, nous investissons dans des équipements plus performants afin de limiter les émissions de carbone et optimiser notre rendement. 

Tous ces projets s’inscrivent dans une vision à long terme pour faire de notre modèle un exemple en matière de production responsable.

Qu’en est-il de la production actuelle ?
Nous produisons actuellement environ 85 000 tonnes de sucre naturel par an. En ce qui concerne l’alcool, notre capacité est de 7 millions de litres d’alcool pur par an, mais en pratique, nous en produisons autour de 5 millions. Cette production est en légère hausse en termes de valeur, car nous investissons dans des équipements qui augmentent la qualité de nos produits. Toutefois, du côté des volumes, nous faisons face à des contraintes.

Quels sont les principaux défis auxquels le groupe est confronté ?
La principale difficulté reste l’accès à la matière première : la canne à sucre. De nombreux petits planteurs se détournent de cette culture, la jugeant peu rentable ou trop contraignante. Cela a un impact direct sur notre production. De plus, les effets du changement climatique compliquent davantage les choses. Moins de pluie signifie une canne plus courte et donc une récolte plus faible. 

Enfin, les défis économiques ne manquent pas. Le marché européen, historiquement important, est en déclin. Les États-Unis imposent désormais des taxes à l’importation, ce qui rend nos exportations plus complexes. Nous nous tournons vers de nouveaux marchés, comme l’Asie, où nos produits sont très bien accueillis. Le tourisme local reste un pilier important, notamment pour nos rhums, mais pour continuer à croître, il est essentiel de diversifier nos débouchés à l’international.

 

Des saveurs locales aux récompenses mondiales : le savoir-faire de Grays

La visite s’est poursuivie à Beau-Plan, au sein de Grays Distilling Ltd, où le processus de fabrication du rhum est au centre des activités. Selon Didier de Villecourt, Production Manager, l’usine utilise deux intrants majeurs : le jus de canne fraîchement pressé et la mélasse, tous deux issus de la canne à sucre. 

« La fermentation, étape clé du procédé, s’étale sur 30 heures à une température contrôlée de 30 °C », explique-t-il. L’entreprise a récemment acquis de nouveaux équipements afin d’optimiser cette phase cruciale de production.

Grays Distilling est à l’origine de plusieurs marques emblématiques de rhum mauricien, dont New Grove, Lazy Dodo et Gecko Bay. Ces produits se distinguent non seulement par leur qualité artisanale, mais aussi par leur reconnaissance internationale, ayant remporté plusieurs prestigieuses distinctions dans la catégorie des rhums premium.

 

 

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