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Pierre Dinan, économiste : «2022 s’annonce difficile pour les consommateurs»

Pierre Dinan

Dans cet entretien accordé au Défi Plus, Pierre Dinan revient notamment sur l’inflation qui risque de grimper avec la révision du prix du carburant. Une situation, dit-il, en passe d’alourdir le fardeau des consommateurs en 2022. L’économiste évoque également le bilan économique de 2021 et les perspectives pour l’année prochaine.

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« Nos perspectives  dépendront  de l’économie mondiale. »

Après les chamboulements une nouvelle fois entraînés par la Covid-19 durant l’année, un événement pour le moins inattendu s’est produit quelques jours avant la fin de 2021. Les automobilistes ont été pris au dépourvu avec la hausse historique du prix de l’essence à Rs 55,75. Comment réagissez-vous face à cette désagréable surprise, dont la State Trading Corporation définit comme indispensable ?
C’est certainement un nouveau coup dur pour tout le monde qui s’ajoute aux coûts additionnels. La classe aisée pourra amortir les coûts contrairement à ceux qui sont au bas de l’échelle. Cette hausse de prix du carburant ne sera pas sans conséquence sur l’inflation. Il faut comprendre que l’inflation a deux origines, soit interne et externe. Le facteur externe inclut le fret et le problème d’approvisionnement. La Covid-19 a visiblement impacté l’inflation importée. Au niveau local, je ne pense pas que la pandémie ait vraiment posé des perturbations dans notre production. Par contre, la dépréciation de la roupie mauricienne face aux principales monnaies étrangères y est pour quelque chose et est la raison principale de l’augmentation des prix du litre d’essence et celui du diesel. Cette révision des coûts du carburant vient s’ajouter aux autres prix galopants. C’est inquiétant pour l’année prochaine et c’est certainement un élément à surveiller, car cela s’annonce difficile pour les consommateurs.  

Est-ce que derrière cette hausse pourrait se cacher une stratégie visant à réduire le nombre de véhicules sur les routes, voire une incitation aux automobilistes à privilégier davantage les transports publics ?
Il est possible que l’utilisation des transports publics soit influencée par cette situation. Il convient cependant de faire valoir que, plus que jamais, nous devons prendre des mesures pour réduire notre dépendance du fioul importé. Nous devons trouver d’autres sources d’approvisionnement comme l’énergie renouvelable. Le gouvernement veut promouvoir la voiture électrique et c’est une bonne idée. Toutefois, il faut utiliser l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. L’État a un projet à ce propos et il est essentiel de le concrétiser dans les meilleurs délais. C’est là une solution à long terme.

« L’avenir du tourisme dépendra (...) de notre capacité à garder nos frontières ouvertes. »

Parlons-en du bilan économique du pays. Les derniers chiffres publiés par Statistics Mauritius tablent sur une croissance de 4,8 % pour Maurice cette année. Ce taux est-il raisonnable suivant une décroissance de -14,9 % en 2020 ?
Maurice a, tout au long de l’année 2021, été prisonnier de restrictions sanitaires. Y a-t-il quelque chose que l’on n’a pas fait et qu’on aurait dû faire ? Je ne suis pas sûr. Il est difficile de se prononcer sur la gestion de l’économie cette année. Il a fallu gérer une nouvelle normalité. Comme dirait l’anglais, nous avons été des ‘takers’ sans pouvoir être des ‘doers’. Nous nous sommes adaptés pour continuer de faire rouler la machine tant bien que mal. Un aspect que l’on peut retenir de notre évolution économique est que l’informatique et la technologie nous ont beaucoup aidés avec les commandes en ligne ou le télétravail, par exemple. C’est là un indicateur qu’il faut saisir cette vague et mettre l’accent sur cette révolution numérique.

Pour répondre à votre question, disons qu’un taux de croissance de 4,8 % est mieux que la décroissance enregistrée en 2020. Néanmoins, nous ne devons pas nous contenter de cela et nous arrêter en si bon chemin. Pour rappel, pré-Covid, le ministre des Finances ciblait une croissance de plus de 6 %. Il y a encore du chemin à parcourir dans cette nouvelle normalité. L’idée est de travailler plus efficacement, améliorant la productivité. Il est également important que le gouvernement soit productif, avec de bonnes politiques gouvernementales pour gérer le pays et le faire valoir sur le marché international.  

En parlant de marché extérieur, Maurice a, durant l’année écoulée, été mentionné à plusieurs reprises dans la presse internationale, mais pas toujours pour des raisons élogieuses. À titre d’exemple, l’adoption de l’IBA Act, le scandale Molnupiravir ou encore un membre du gouvernement affirmant haut et fort que Maurice est ‘safe’ à un moment où la situation sanitaire était dégradante. Est-ce que tout cela peut jouer en défaveur de l’image de notre pays, nous pénalisant parallèlement d’un point de vue économique ?
L’image est primordiale, surtout d’un point de vue touristique et financier. La prochaine sortie de Maurice de la liste noire de l’Union européenne va booster le secteur financier. S’agissant du tourisme, la notion de gestion s’applique aussi au gouvernement. Il faudrait également gérer la parole dans certains cas. L’image d’un pays moderne, qui marche bien et où on arrive à maîtriser la corruption, doit être projetée. Les ambassadeurs qui sont dans les pays amis doivent être sollicités pour la promotion de Maurice. Encore faut-il que ces derniers soient bien équipés ! Les ambassadeurs qui travaillent de Maurice font des rapports à leurs pays. Par ailleurs, nous ne parlons pas assez du ministère des Affaires étrangères. Il y a du travail à faire. Nous avons besoin de parler de nos réalisations.

Vous évoquez l’image du tourisme, un secteur qui n’a pas été épargné par les répercussions de la pandémie en 2021. Cela a plongé les prévisions en termes d’arrivées touristiques et de la haute saison. La reprise du secteur aura-t-elle lieu en 2022 ?
L’avenir du tourisme dépendra de l’évolution de la pandémie à Maurice et à l’étranger et par ricochet, de notre capacité à garder nos frontières ouvertes. La grande interrogation est la suivante : les gens vont-ils pouvoir voyager ? Cela ne dépend pas de nous. Par contre, ce qui est en notre pouvoir c’est la gestion de la crise sanitaire et de continuer d’offrir nos services.

Nous entamerons dès demain, le premier jour du Nouvel An. Quelles sont les perspectives pour l’économie locale en 2022 ?   
Les perspectives seront ce que nous en ferons. Par cela, je veux dire que l’économie c’est finalement la somme d’échanges entre nous, le travail que nous abattons, l’inventivité que nous y mettons et la productivité. Nous sommes les acteurs de notre économie et si nous ne faisons rien, elle n’existe plus. En revanche, si nous nous débrouillons selon notre capacité, nous arrivons à quelque chose.
Ceci étant dit, je dois ajouter que les perspectives pour 2022 dépendront de ce qui se passe au niveau de l’économie mondiale, laquelle résultera de la progression de l’épidémie de Covid-19. Il faut prendre en compte la manière de tirer le plus de gains possible de nos relations économiques et commerciales internationales. Nous ne pouvons changer ce qui se passe sur le marché international. De ce fait, nous avons l’obligation d’essayer de nous y adapter. L’amélioration de nos exportations qui sont aujourd’hui inférieures à nos importations, le développement de notre agriculture, de la pêche et de notre économie bleue sont là des solutions plausibles.

 

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