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Malbouffe et sédentarité: faire le poids contre l’obésité

Quatre Mauriciens sur dix sont soit obèses ou en surpoids. Les chiffres grossissent de manière vertigineuse d’année en année. Les autorités ont certes tenté de contre-attaquer, mais la courbe ne flanche pas. Pourquoi l’obésité fait-elle de la résistance ? 398 417. C’est le nombre de Mauriciens obèses ou en surpoids, selon le Mauritius Non Communicable Diseases Survey 2015. Cette étude commanditée par le ministère de la Santé en dit long sur l’hygiène de vie des Mauriciens. La courbe de l’obésité continue de grimper, malgré les mesures implémentées par les autorités pour changer la donne. En effet, depuis ces dernières années, elles ont mis les petits plats dans les grands pour encourager nos compatriotes à adopter un style de vie sain et favoriser de bonnes habitudes alimentaires. Des parcours de santé ont été emménagés dans plusieurs régions du pays pour encourager la pratique régulière d’exercices physiques. Les campagnes de sensibilisation ont été redoublées et les personnes les plus à risques ont été ciblées. Mais, les chiffres ne mentent pas. La situation par rapport à l’obésité n’est toujours pas sous contrôle. Pis, les maladies qui y sont liées telles que le diabète, l’hypertension et le cholestérol sont aussi en progression.

Peu d’activités physiques

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"8274","attributes":{"class":"media-image alignleft wp-image-16322","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"480","alt":"Ob\u00e9sit\u00e9"}}]]L’obésité est un sujet complexe qui mérite une réflexion soutenue, explique la diététicienne Amiirah Hosenbux, affectée au Wellness Centre de l’hôpital Apollo Bramwell. Cette dernière soutient que c’est dans l’évolution des comportements et des modes de vie qu’il faut chercher les causes probantes de l’épidémie d’obésité. Les chiffres d’études internationales indiquent que le monde grossit et Maurice n’est pas en reste. « De nombreux Mauriciens adoptent un style de vie sédentaire. Même si nous sommes de plus en plus informés des bienfaits des activités physiques et de bonnes habitudes alimentaires, ces derniers sont relayés au second plan », déplore-t-elle. La propagation de l’obésité dans notre population, malgré les efforts des autorités, reflète les transformations rapides qui affectent notre société depuis ces dernières décennies. En effet, la vie moderne est rythmée par les inventions technologiques de toute sorte. Une mécanisation croissante qui diminue considérablement les dépenses d’énergies. Tel est le constat d’Ariane Tursan d’Espagnet, praticienne en santé et bien-être. « Il y a de moins en moins de déplacement à pied. Aujourd’hui, il est clair que l’évolution technologique encourage la sédentarité. Le monde est devenu un village global où tout est accessible depuis son canapé. De plus, notre rythme de vie accélère. Nous sommes constamment en manque de temps », indique-t-elle. En conséquence, poursuit notre interlocutrice, nous imposons un rythme accéléré à notre organisme qui est pourtant programmé autrement. « Cela engendre un profond déséquilibre qui se traduit dans la plupart des cas à une prise de poids », affirme la praticienne. Pis, une étude française commanditée par l’Institut national de la Recherche agronomique (INRA) démontre que les pratiques alimentaires ont connu de fortes évolutions pendant la deuxième moitié du 20e siècle.

Consommation de lipides

Ces dernières ont été caractérisées par une augmentation de la consommation de lipides et des produits prêts à consommer ainsi que par une progression de la restauration hors domicile. Ces évolutions alimentaires ont entraîné des épidémies telles que l’obésité et le surpoids. C’est aussi ce que soutient Amiinah Hossenbux. Elle souligne qu’à Maurice, la malbouffe connaît une progression constante. La construction massive de centres commerciaux disposant d’aire de restauration peut être associée à cette progression. « Il est désormais presqu’une habitude pour les Mauriciens de consommer des ‘fast-foods’. Notre train de vie moderne fait qu’il est plus facile et moins coûteux de manger autre que le fait maison. Or, très peu de personnes se rendent compte que les options faciles sont souvent hypercaloriques et encouragent la surconsommation. La prise de lipides en grande quantité génère beaucoup d’énergies qui ne sont pas dépensées comme il se doit », affirme la diététicienne. Le ministère de la Santé ainsi que de nombreuses associations non gouvernementales ont tenté d’informer la population sur les risques de l’obésité. Dans le sillage, plusieurs mesures ont été entreprises telles que l’interdiction de la vente de certains aliments hypercaloriques dans les cantines scolaires, entre autres. Mais pour Ariane Tursan d’Espagnet, toute mesure doit être accompagnée par l’éducation. « Il ne suffit pas d’interdire. La population doit être éduquée sur les conséquences d’un mode de vie déséquilibré. Il est vrai que les habitudes changent. Les ‘food-courts’ poussent comme des champignons et la consommation des aliments transformés devient une habitude pour plusieurs. Il faut trouver des moyens pour éduquer la population, en particulier les jeunes. Cela évitera que les mauvaises habitudes soient transmises à la génération suivante », insiste la praticienne en santé et bien-être.

Dépistage précoce

Sommes-nous donc condamnés à grossir ? Des solutions existent. Mais encore faut-il avoir le désir de changer. Le processus de changement commence d’abord avec soi, soutient Amiirah Hosenbux. Elle est d’avis que chaque personne doit analyser ses habitudes alimentaires et son mode de vie. C’est la première étape pour éviter une prise de poids et l’obésité.  « Il faut d’abord que l’individu reconnaisse s’il est en surpoids et quels en sont les risques. Le dépistage précoce est alors fondamental, surtout s’il existe des prédispositions génétiques. Parfois, on repousse le moment du diagnostic de peur de savoir ce qu’il en sera. Il nous faut aussi veiller aux portions de nos aliments », souligne la diététicienne.
Multiplier les campagnes de sensibilisation n’est pas la solution miracle. Il faut apporter des mesures concrètes, martèle Ariane Tursan d’Espagnet. « Que font les autorités sur la construction de nouveaux grands espaces verts et de parc, au sens réel du terme, afin de donner l'envie à la population de s'y rendre pour une pause santé ? Il y a vraiment un manque d’espace à Maurice, particulièrement dans les régions urbaines. Il existe certes quelques parcours de santé, mais on court toujours le risque de se faire attaquer en faisant du jogging. L’aspect sécurité a été encore une fois négligé », ajoute-t-elle. La lutte contre l’obésité est une responsabilité à la fois commune et individuelle, selon Amiirah Hosenbux. « C’est primordial de s’attaquer aux jeunes et aux tout-petits pour faire une différence dans la durée.

Le saviez-vous ?

Les habitudes alimentaires des Chinois : un exemple à suivre ! Le rapport Campbell parle d'une étude qui a duré 20 ans sur plusieurs millions de Chinois et d'Américains. Les chinois vivant dans des régions rurales mangent des aliments non raffinés, des produits à base de soja, mangent beaucoup de fruits et de légumes. De ce fait, l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète du type 2 et le cancer de la prostate et celui du sein y sont presque non-existants. Cela grâce à leurs habitudes alimentaires.

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En parallèle, le dépistage du surpoids et l’introduction des carnets de santé à l’école peuvent créer une meilleure ambiance « santé » et non uniquement académique. Ce serait aussi intéressant que les prix des aliments sains soient revus à la baisse afin qu’ils soient accessibles à tous les budgets », fait-elle valoir.
 

Abdullah Dustagheer, président de T1 Diams: « Un manque d’éducation alimentaire dans les écoles »

Pour freiner l’obésité juvénile, les autorités ont interdit la vente de boissons gazeuses et autres 'junk foods' dans les établissements scolaires, depuis quelques années. Cette mesure est efficace, car elle a grandement découragé la consommation des boissons gazeuses dans les écoles, indique Abdullah Dustagheer, président de T1 Diams, association engagée dans la lutte contre le diabète chez les enfants. Néanmoins, ajoute-t-il, « il y a une surconsommation de ces mêmes aliments une fois que les élèves quittent l’enceinte de l’école. Même si les parents sont souvent conscients des effets néfastes de ces aliments, ils ne découragent pas leurs enfants à en consommer. Il y a également un manque d’éducation alimentaire dans les écoles. En sus de la théorie, les enfants devraient apprendre à modifier leurs habitudes alimentaires à travers des démonstrations pratiques », souligne-t-il. Abdullah Dustagheer soutient que l’environnement alimentaire des Mauriciens n’encourage pas une alimentation saine. « On trouve les mêmes fritures et ‘fast-foods’ dans les rues, les ‘food-courts’ et les cantines des entreprises depuis des décennies. Ce qui explique la prévalence des maladies non transmissibles et l’obésité qui commence à frapper même les plus jeunes », affirme notre interlocuteur, ajoutant que les habitudes alimentaires de nos jeunes sont une catastrophe « in waiting ».  

Dr Jude Cunniah, médecin généraliste: « Privilégiez la qualité de l’alimentation et les activités physiques »

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Quels sont les risques de l’obésité ? Les maladies telles que le diabète du type 2, les maladies cardiovasculaires et l’hypertension peuvent survenir à cause de l’obésité. Par ailleurs, les artères coronaires se bouchent par l’excès de cholestérol. Sur le plan articulaire, nos articulations sont faites pour supporter une certaine pression. Quand une personne est obèse, elle va augmenter la pression sur les articulations porteuses ; l’articulation du bassin, la colonne lombaire, les genoux et les chevilles. On voit souvent une personne obèse qui commence à avoir mal aux genoux. L’excès de poids augmente la pression au niveau des surfaces articulaires, qui va user le cartilage, étant une substance plus ou moins molle. L’obésité cause l’apnée du sommeil et ceux qui ont plus de 30 arrêts par nuit doivent obligatoirement utiliser un appareil spécifique pour éviter les risques. Quel est le rôle de la génétique dans l'obésité? Il est évident qu’on peut retrouver plusieurs membres de la famille en surpoids. Or, ce n’est pas génétique, mais plutôt leurs habitudes alimentaires. Cela a certes une répercussion sur la génération suivante, car les ainés de la famille n’adoptent pas un style alimentaire sain. Quels sont les aliments à éviter ? Graisses: Une personne en situation d’obésité consomme trop de sucre et trop de graisse. Il est à noter qu’un gramme de graisse animale ou végétale apporte 9 calories. De plus à Maurice, les gens consomment beaucoup de fritures qui contiennent une quantité considérable de l’huile. À préciser qu’un gramme d’huile contient 4 calories. Le lait: Une alimentation végétalienne sans aucun produit animal, pas de lait, pas de fromage, pas de beurre et pas de viande. Le seul inconvénient de cette alimentation peut être une carence en vitamine B12. Toutefois, l’individu peut consommer la margarine et certains laits spécifiques dont le lait de soja, la Marmite, des comprimés et des ampoules. Il y a une fausse conception du lait. L’homme est la seule espèce qui continue à boire du lait jusqu'à sa mort.  Le lait maternel est fait pour les humains alors que le lait pasteurisé est une substance étrangère qu’on introduit dans notre corps, ce qui peut provoquer des antigènes. Protéines d’origine animale: Bon nombre de personnes estiment qu’il faut manger de la viande et du poisson pour avoir des protéines. Mais les protéines d’origine animale peuvent être remplacées par les légumineuses soient les grains secs. Ces substances contiennent des fibres qui vous donnent une sensation de satiété, c’est-à-dire, vous en mangez peu et vous n’avez plus faim. Aliments raffinés: Les produits bruns tels que le riz brun prévient le cancer et fait baisser le taux de sucre dans le corps. Le sucre se cache dans les boissons gazeuses, des glaces, des pâtisseries. À noter que le pain blanc et le pain complet contiennent le même taux glycémique. 50 % du pain ou du riz se transforme en sucre dans notre corps. Le blé concassé et le pain de seigle sont les aliments idéals pour maintenir un équilibre pondéral. Pour le petit-déjeuner, on peut privilégier le manioc et la patate douce, les flocons d’avoine et beaucoup de fruits et de légumes. On peut prendre le poids des aliments avant la consommation, mais c’est une pratique fastidieuse. Les gens sont frustrés et c’est dur de continuer. Il faut privilégier la qualité de l’alimentation, mais aussi les activités physiques.
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