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Litige Maurice/Maldives : verdict début 2021

Jagdish Koonjul, Paul Reichler, Philippe Sands et Pierre Klein. Jagdish Koonjul, Paul Reichler, Philippe Sands et Pierre Klein.

Les plaidoiries devant le Tribunal international du droit de la mer ont pris fin lundi, avec les contre-arguments de la partie mauricienne face à ceux avancés par les Maldives samedi. Le Tribunal rendra son verdict qui touche de près à la question des Chagos début 2021.

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La partie mauricienne a clos sa plaidoirie, lundi, devant le Tribunal international du droit de la mer. Le panel de légistes représentant l’État mauricien a répondu aux arguments avancés par les Maldives samedi. Ce sont Pierre Klein, Paul Reichler et Philippe Sands qui ont réfuté les arguments des Maldives, alors que l’ambassadeur de Maurice aux Nations unies, Jagdish Koonjul, a résumé les arguments mis en avant depuis le début des plaidoiries le 13 octobre dernier. C’est début 2021 que le Tribunal rendra son jugement. La date exacte sera communiquée ultérieurement.

Le professeur Pierre Klein est revenu sur les origines de l’affaire : un dossier soumis par les Maldives au Secrétariat des Nations unies pour la délimitation de ses frontières par rapport au plateau continental. Sauf que la délimitation ne prend pas en considération les Chagos en tant que territoire mauricien. En 2011, Maurice conteste donc officiellement la demande des Maldives.

Un des arguments des Maldives était que Maurice n’aurait à aucun moment contesté la soumission des Maldives à l’époque. « Les Maldives se sont engagés à rectifier, a expliqué Pierre Klein, ce qu’ils n’ont en effet jamais fait. » D’où la démarche officielle de Maurice qui s’en est suivi. Et d’ironiser en citant George Orwell : « Si dans son roman 1984, on retrouve des slogans comme ‘La guerre, c’est la paix’, heureusement que le mot protester veut bien dire protester. » Les échanges entre les deux pays, notamment un communiqué conjoint en 2011, affirme-t-il, ainsi que les notes diplomatiques adressées aux Nations unies, prouvent bien qu’il y a eu contestation.

Paul Reichler, prenant la suite de l’argumentaire, s’est surtout attaqué aux arguments des Maldives sur l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) obtenu par Maurice en 2019. « Ils traitent l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice de la même manière qu’ils traitent les courriers et les échanges : ils sont sélectifs et les sortent de leur contexte en faisant fi de ce qui suit et ce qui est contradictoire. C’est comme une mise en scène de Macbeth qui se terminerait juste après qu’il devienne Roi à la fin de l’acte 2. »

Il a notamment cité l’avis consultatif en question pour relever le fait que les juges ont demandé au Royaume uni de mettre fin « dans les plus brefs délais à son administration des Chagos, ce qui permettra à Maurice d’achever la décolonisation de son territoire. » Selon Paul Reichler, les Maldives ont fait fi de cette conclusion qui bat « complètement en brèche leur argument que la Cour a laissé la question de la souveraineté des Chagos en suspens ». En outre, a-t-il précisé, il n’existe qu’une façon d’interpréter « son territoire », à savoir que les Chagos sont le territoire de Maurice et l’ont toujours été de manière ininterrompue.

Autre argument des Maldives : la Cour a statué sur la décolonisation et non sur la souveraineté. Or, argue le légiste : « La décision de la Cour sur la décolonisation effectue effectivement une résolution de la question de souveraineté. » De toute façon, rappelle-t-il, Maurice n’avait jamais demandé à la Cour de statuer sur la souveraineté, mais bien sur la décolonisation de son territoire.

Un argument que Philippe Sands a aussi repris : « Le corollaire de cette décision est qu’aucun autre État ne peut revendiquer la souveraineté de ce territoire », a-t-il expliqué concernant les Chagos.

Le Queen’s Counsel a poursuivi en s’appuyant sur la jurisprudence en droit international pour démontrer que le Tribunal international du droit de la mer avait bien l’autorité de trancher le différend entre Maurice et les Maldives, contrairement à ce qu’affirment ces derniers. Il s’est notamment référé à un jugement de 1956 concernant le refus de l’Afrique du Sud de reconnaître un avis consultatif émis par le Cour internationale de justice en 1950. « Le rejet continu de l’avis consultatif ne saurait être autorisé à compromettre son autorité. »

Donc, le fait que les Britanniques refusent de reconnaître l’avis consultatif sur les Chagos ne remet pas en cause sa validité. Faisant le parallèle avec le cas présent, Philippe Sands a expliqué qu’à l’époque, l’Assemblée générale des Nations unies avait également approuvé l’avis consultatif. « La loi est reconnue par les Nations unies et continue à l’être, même si le pays refuse de la reconnaître comme obligatoire pour lui-même. »

Autre argument mis en avant : la nécessité des Cours de justice internationales d’être cohérentes. Philippe Sands a pris l’exemple de la Cour de justice de l’Union européenne qui a adopté l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur l’occupation illégale du territoire palestinien par Israël. Selon lui, cette instance en aurait fait de même si elle devait statuer sur les Chagos. « Il y a une nécessite de faire preuve de cohérence, de respect, de courtoisie entre les différentes cours internationales afin de promouvoir la constance et la cohérence. »

L’homme de loi s’est également arrêté sur le fait que la CIJ ait précisé que la décolonisation est un intérêt « erga omnes » qui concerne l’intérêt de tous les pays, mais également de toutes les institutions, y compris les cours de justice internationales. Le Tribunal international du droit de la mer aurait donc une obligation de trancher le litige en Maurice et les Maldives concernant leurs frontières maritimes qui se chevauchent.

 

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