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Lanceur d’alerte : quand la loi se fait silencieuse…

Le Premier ministre encourage le public à venir dénoncer les trafiquants de drogue de façon anonyme ? A-t-on une législation pour protéger le lanceur d'alerte ? Quelles sont les conséquences d’une telle initiative ? Les autorités ont-elles le droit de briser son anonymat ou de l’obliger de témoigner devant une cour de justice ? Éclairage avec Me Muhammad Hydhar Aly Deenoo sur ce thème.

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Qu’est-ce qu’un lanceur d'alerte ?
Un lanceur d'alerte est une personne qui se porte à l'avant-plan pour divulguer des informations concernant des actions répréhensibles survenues au sein d'une institution, d'un service particulier ou en lien avec une cause d'action. Une interprétation fréquemment employée correspond à la dénonciation effectuée par un individu concernant des infractions telles que le trafic de drogue, la corruption, la fraude et d’autres actions condamnables qui pourraient potentiellement porter atteinte à l'intérêt général.

Pourtant, un grand nombre d’individus eux hésitent à signaler des activités illégales qu'ils ont constatées. Cette réticence découle souvent de leur situation vulnérable ou de leur crainte de subir des représailles qui pourraient mettre en danger leur propre sécurité ainsi que celle de leur famille.

Quel est le rôle d’un lanceur d’alerte et ses obligations ?
D'un point de vue technique, il n'existe pas de législation spécifique concernant les lanceurs d'alerte, ce qui signifie qu'il n'y a aucune contrainte légale. À Maurice, aucune loi ne sécurise la protection des lanceurs d'alerte. Certes, en 2022, il y a eu une proposition de loi visant à protéger les lanceurs d'alerte, mais cette initiative législative n'a pas abouti.

À savoir que Maurice a signé les deux conventions suivantes : la Convention des Nations Unies contre la corruption et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses protocoles. Ces deux conventions demandent aux États de « fournir une protection efficace contre d’éventuelles représailles ou intimidations aux témoins », comme le souligne Transparency International. 

Le lanceur d'alerte peut-il préserver son anonymat ? 
La loi de 2002 sur la prévention de la corruption établit un cadre juridique pour combattre la corruption au sein de la fonction publique. Elle offre également une protection adéquate aux informateurs et aux témoins qui fournissent des renseignements à l'Independent Commission Against Corruption (ICAC) concernant d'éventuels actes de corruption, y compris la préservation de leur confidentialité au cours des procédures judiciaires portant sur leur identité. Cependant, dans de nombreuses situations, des dispositions spécifiques garantissant la protection des lanceurs d'alerte font encore défaut.

Les autorités ont-elles le droit de briser l’anonymat d’un lanceur d’alerte ? 
Dans nos textes juridiques, il n'est nulle part stipulé que l'identité du lanceur d'alerte doit être préservée. On pourrait supposer que si, par exemple, quelqu'un fournit des informations tangibles à la police et que cette affaire est ultérieurement portée devant un tribunal, il n'y a rien qui empêche les poursuites de citer cette personne comme témoin devant la cour. Dans ce contexte, l'identité de la personne pourrait être révélée. La seule exception se trouve dans la section 48 de la loi de 2022 sur la prévention de la corruption (PoCA), qui traite de la « Protection of Informer ».

Peut-on obliger le lanceur d'alerte de témoigner devant un tribunal ?
Absolument, oui, si les informations qu'elle révèle sont d'une importance pour l'intérêt général. Dans ce cas, la personne pourrait être contrainte, par le biais d'une convocation, à comparaître devant un tribunal en tant que témoin.

Quelles sont les conséquences en cas de refus du lanceur d’alerte de témoigner devant un tribunal ?
Si la personne est appelée à témoigner devant le tribunal dans le cadre d'une affaire spécifique et qu'elle décline cette obligation, elle pourrait avoir un mandat d'arrêt émis en son nom après une tentative préalable de la police de la mettre en garde. De plus, son refus pourrait être considéré comme un outrage à la cour.

A-t-on un système de protection de témoins à Maurice, comme c’est le cas dans certains pays ? 
Il convient de souligner que nous ne disposons d'aucune loi spécifique à cette question, à l'exception notable de la section mentionnée précédemment dans la PoCA.

Quelles sont les failles dans notre système ? 
À Maurice, il n'existe pas de lois spécifiques visant à protéger les lanceurs d'alerte. Par conséquent, ces individus pourraient hésiter à divulguer des informations concernant des barons de la drogue, des cas de corruption, de fraude ou d'autres infractions, par crainte des conséquences.

Que proposez-vous pour remédier à cette situation ?
Nous sommes désormais en 2023, et de nombreuses évolutions ont eu lieu. Il est grand temps d'envisager la mise en place d'une législation rigoureuse pour garantir la protection des lanceurs d'alerte. En effet, ce sont ces individus qui sont témoins de diverses infractions. L'instauration d'une loi dédiée pourrait stimuler leur confiance et encourager de nombreuses dénonciations, libérées de la crainte du retentissement. Cela non seulement assurerait la sécurité de ces individus, mais aurait également un effet dissuasif. En effet, la simple connaissance que les actes illicites sont plus enclins à être dénoncés pourrait inciter toute personne à réfléchir à deux fois avant de s'engager dans des comportements délictueux. 

  • LDMG

 

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