Débat

La mendicité, un vice ou un besoin ?

La mendicité court les rues depuis la nuit des temps.

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Si dans certains pays mendier sur la voie publique est autorisé, à Maurice, ceux demandant l’aumône peuvent être poursuivis par la loi. Il y en a qui deviennent mendiants pour pouvoir subvenir à leurs besoins, mais pour beaucoup c’est le moyen de se faire de l’argent facile. Enquête.

Un homme boiteux est assis à même le sol, la main tendue vers tous les passants. Il n’a pas besoin de recourir à la parole pour expliquer son geste. Son regard implorant est largement suffisant et en dit long sur son souhait. Certains, pleins de compassion pour le pauvre homme, lui donnent quelques sous.

D’autres, indifférents face à la désolation du mendiant et trop occupés à vaquer à leurs occupations, continuent leur chemin. Quelques passants indécis le regardent, ne sachant quoi faire. Après avoir amassé assez d’argent, l’homme se rend à une boutique du coin pour acheter de quoi se mettre sous la dent. Une fois son appétit satisfait, il se remet à quémander.

Dans le centre-ville, une femme très âgée et pauvrement vêtue, attire l’attention d’une petite fille. Cette dernière intriguée demande à sa mère ce que fait la vieille dame. « C’est une mendiante. Elle demande de l’argent pour pouvoir se nourrir », lui répond la maman. La petite fille comprend qu’être mendiant, c’est aussi une profession.

Me Siddhartha Hawoldar.

Bien que ces personnes ne soient pas en train de voler ou d’agresser autrui, ils transgressent la loi en mendiant leur pain. L’avocat Siddhartha Hawoldar nous explique que la mendicité est punissable par la loi afin d’encourager les citoyens à travailler. « C’est un délit à Maurice comme dans plusieurs autres pays. Si nous nous adonnions tous à la mendicité, cela aurait un sérieux impact sur la productivité et l’économie du pays. Une loi a ainsi été mise en application dans le but de décourager ceux qui veulent parasiter le système », indique-t-il.

Cependant, Me Hawoldar concède que la loi est très tolérante face aux mendiants : « Au cours de ma longue carrière d’avocat, j’ai rarement entendu des cas où des mendiants ont été traduits au tribunal.

Dans bien des cas, ces mendiants sont démunis et vivent dans une extrême pauvreté. La loi est donc moins rigide envers ces personnes. »

Il faut néanmoins savoir différencier les mendiants des arnaqueurs, car plusieurs utilisent des subterfuges pour pouvoir gagner facilement de l’argent. C’est ce qu’avance le caporal Bernard Mootoosamy du Police Press Officer. « Plusieurs personnes se font passer pour des mendiants pour arnaquer les gens. J’ai moi-même eu un cas où un individu était aisé et avait des terrains, mais il jouait au mendiant. C’est pour cela que nous sensibilisons le public à ne pas encourager la mendicité », recommande le caporal.

Il partage l’avis de Me Hawoldar concernant la tolérance de la loi face aux mendiants : « Nous n’allons pas arrêter tous les mendiants que nous croisons. Mais nous les avertissons et les sensibilisons pour qu’ils mettent un terme à leurs agissements. »

Micro-trottoir

Kelly Modelly : « On se fait insulter quand on ne donne pas d’argent »
Selon Kelly Modelly, certains mendiants sont vraiment insistants et quand ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent, ils insultent le public. « Quand on ne leur donne pas d’argent, nous nous faisons insulter. Souvent j’essaie de les sensibiliser afin qu’ils cherchent du boulot, mais en vain », nous confie cette jeune fille de 21 ans.

Deepa Sookta : « Ils ne réalisent pas qu’ils perdent leur self-respect »
Les mendiants perdent leur self-respect quand ils préfèrent demander de l’argent aux passants au lieu de travailler. C’est ce que pense Deepa Sookta, une jeune fille de 25 ans. « Ils privilégient l’argent facile au dur labeur. C’est dommage qu’ils ne réalisent pas que le public les regarde d’un mauvais œil, car c’est évident que bon nombre d’entre eux ont la capacité de travailler », indique Deepa.

Deven Ramasawmy : « Certains mendiants disent que c’est une vie de luxe »
Il était de ceux qui aimaient bien faire la charité et aider son prochain. Deven Ramasawmy a néanmoins appris à ses dépens que certains mendiants aiment leur statut dans la société. « Une fois, j’avais repéré un vieil homme qui demandait l’aumône. Il était en fauteuil roulant et ses vêtements étaient toujours sales.

Tous les jours, je lui apportais à manger et venais lui donner des vêtements. Je lui ai même proposé de l’emmener dans un abri pour personnes démunies. Et il m’a répondu qu’il préférait sa vie, car elle était luxueuse. Je n’ai depuis plus jamais aidé ces personnes qui préfèrent mendier », confie Deven.

Steven Salmy : « Pour moi, il y a deux catégories de mendiants »
Steven Salmy affirme qu’il y a deux catégories de mendiants : ceux souffrant d’infirmités et ceux qui sont en parfaite santé. « Je donne de l’argent uniquement à ceux qui sont infirmes, car la pension perçue par ces malheureux est souvent déplorable. Quant aux autres qui sont en bonne santé, cela m’agace de les voir errer en demandant de l’argent, alors qu’ils sont capables de travailler », avance Steven.

Témoignages...

Sheela, 64 ans : « C’est dur  de trouver de l’emploi »
Elle est âgée de 64 ans et a une santé fragile. Elle n’a personne au monde. Sheela (prénom fictif) est assise dans un coin tout près d’un magasin dans le centre ville. Pauvrement vêtue par un hiver glacial, elle agite une petite boîte devant les passants pour leur demander de l’argent. Interrogée sur le pourquoi de sa situation, elle confie qu’elle travaillait dans les champs de canne auparavant. « Quand ma santé a commencé à se détériorer, je me suis retrouvée au chômage. J’ai été expulsée par le propriétaire de la maison que je louais et je me suis retrouvée à la rue. Cela fait maintenant 15 ans que je dépends de la charité des  autres. »

Jean-Claude, 54 ans : « Je suis infirme et mendier est la seule solution »
Jean-Claude âgé de 54 ans est un mendiant en fauteuil roulant. Un peu réticent pour nous parler, il nous raconte toutefois que pour subvenir à ses besoins, mendier est sa seule chance de survie. Interrogé sur la somme qu’il récolte par jour, il indique : « Je n’obtiens pas grand-chose mais suffisamment pour acheter de quoi manger. Je veux juste pourvoir me nourrir et vivre. »


Le caporal Bernard Mootoosamy : « Il faut faire attention aux arnaqueurs ! »

Selon le caporal Bernard Mootoosamy, il y a aussi des « faux mendiants » et ceux qui se servent de faux papiers pour collecter des fonds. « J’ai eu un cas où deux femmes s’adonnaient à la mendicité. Elles changeaient leurs vêtements usés à l’heure du déjeuner pour aller manger chez McDonald. Après leur pause, elles revenaient en remettant leurs vieux vêtements », nous raconte le caporal.

Mendiants ou voleurs ?

Un autre cas est évoqué par la policière Aliyaa Burkutally : « Une fois, j’ai arrêté deux femmes. Une s’était bandée la tête et faisait semblant de boiter pour gagner la sympathie du public. J’ai procédé à son arrestation, car nous recevions beaucoup de plaintes notamment pour des vols. La deuxième utilisait aussi la supercherie du bandage. »

Le caporal Bernard Mootoosamy, nous met aussi en garde concernant les agressions que peuvent subir les citoyens. « Les arnaqueurs qui se font passer pour des mendiants, sont très souvent des voleurs. Ils demandent de l’argent aux passants et font diversion pour voler sac à main ou porte-monnaie », nous apprend le caporal. Autre forme d’agressions : certains passants se font insulter juste parce qu’ils n’accèdent pas aux requêtes de certains mendiants très exigeants.

Pour les décourager dans leur démarche, les autorités appellent la population « à ne pas donner de l’argent aux personnes qui peuvent très bien trouver de l’emploi ». Les autorités sont plus compréhensives face aux malheureux qui sont invalides et qui ne peuvent travailler. « Bien que ce soit illégal, nous pouvons comprendre la situation d’une personne invalide », indique Bernard Mootoosamy.

Arrêtée avec son bébé de 5 mois : « Nous étions trois mères dans le besoin »

Cette jeune maman avait besoin d’argent pour son enfant.

Cristelle (prénom fictif), 27 ans, croyait pouvoir récolter de l’argent pour son bébé, âgé d’à peine cinq mois. À cet effet, elle a pris le nourrisson dans ses bras pour demander l’aumône dans l’enceinte de Super U de Centre-de-Flacq. Elle n’était pas la seule. Dénoncée par des membres du public, la jeune femme a été arrêtée par la Brigade pour la Protection des Mineurs, le lundi 15 mai.

 

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