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Jugement du Privy Council : des réformes électorales urgentes demandées

Pravind Jugnauth s'adressant à ses partisans au Sun Trust Building, le lundi 16 octobre, après le jugement du Privy Council.

Le jugement du Privy Council, le lundi 16 octobre, continue d’être diversement commenté en raison de ses implications politiques. Pour de nombreux observateurs, cette décision constitue un rappel nécessaire pour entreprendre des changements fondamentaux dans le système électoral à Maurice, une fois pour toutes.

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Le jugement rendu le lundi 16 octobre par le Privy Council concernant la contestation de l’élection du Premier ministre, Pravind Jugnauth, et de ses deux colistiers, suscite des inquiétudes parmi de nombreux observateurs. Ils craignent que le parti au pouvoir ne profite de cette situation pour faire toutes sortes de promesses et surenchères lors de la prochaine campagne électorale.

Pour contrer de tels comportements, plusieurs voix appellent à des changements légaux. L’ancien juge Vinod Boolell estime qu’il est nécessaire de procéder à une modification de la loi régissant l’organisation des élections. Selon lui, il est inacceptable de tolérer ouvertement des promesses électorales à la veille d’une élection générale, et d’organiser des événements, en particulier aux frais de l’État, où l’on distribue de la nourriture et des boissons à l’assistance. Il affirme que cela influence inévitablement les électeurs.

Il rappelle un précédent en 1982, lors des élections générales qui avaient abouti au premier 60-0 de l’histoire politique du pays. « L’ancien Premier ministre, sir Seewoosagur Ramgoolam, avait recruté 21 000 travailleurs à la veille de ces élections, et une commission d’enquête présidée par l’ancien juge Lallah avait conclu que les promesses électorales avaient influencé l’électorat. »

En ce qui concerne la Commission électorale, Vinod Boolell estime qu’il ne suffit pas de lui accorder plus de pouvoirs, il faut également lui donner force de loi pour qu’elle puisse sanctionner et intervenir. Il rappelle que l’opposition avait déjà demandé cette force de loi pour le commissaire électoral lors des dernières élections générales de 2019. Il souligne qu’il est essentiel de travailler dans ce sens pour garantir le respect total du jeu démocratique.

Le leader du parti politique En Avant Moris, Patrick Belcourt, veut également centrer le débat du Privy Council sur le rôle et la responsabilité de la Commission électorale.  Selon lui, « le jugement du Privy Council renvoie cette affaire à la responsabilité des citoyens. Les Lords viennent en quelque sorte dire aux Mauriciens : ‘Vous êtes libres de croire dans les fausses promesses et les balivernes de vos politiciens. Si vous voulez voter comme des imbéciles, c’est vous que cela regarde !’ ». 

Raison pour laquelle, dit-il, « j’appelle les parlementaires à considérer la responsabilité du commissaire électoral. Les instances judiciaires ont reconnu que son code de conduite pour les législatives de 2019 était superficiel. Nous n’allons pas faire comme si nous l’ignorons. Où est sa version amendée ? Ce n’est quand même pas à la veille des élections que nous allons en prendre connaissance », déclare-t-il.

L’avocat Parvez Dookhy est également d’avis que les lois régissant tout ce qui touche aux élections à Maurice « nécessitent une refonte complète, en particulier en ce qui concerne le financement des partis politiques. Actuellement, bien que des montants soient déclarés, il n’y a aucun contrôle effectif sur les dépenses », avance-t-il. 

Il est ainsi essentiel, selon lui, de prendre en compte le fait qu’une entreprise qui fait un don de plusieurs millions à un parti politique, agitt généralement dans l’espoir d’obtenir des avantages en retour. « Afin de prévenir la corruption, il est impératif de mettre en place des plafonds sur les dons. Cette limite constitue le point de départ de la lutte contre la corruption, car elle permet de réglementer les dépenses excessives », insiste-t-il. 

Un autre problème mis en avant par l’avocat, et lié à l’organisation des élections, concerne le pouvoir discrétionnaire du Premier ministre. Ce qui lui permet de décider seul de la date des élections, sans consultation avec d’autres parties prenantes. « Seul le chef du gouvernement détient cette information, et il l’utilise pour définir son propre calendrier électoral et prendre des décisions à son avantage, au détriment des autres formations politiques », fait-il ressortir. 

« À mon avis, il serait préférable que, dès la dissolution de l’Assemblée, la Commission électorale soit chargée de fixer la date des élections, offrant ainsi à tous les partis politiques le temps nécessaire pour s’organiser. Cette approche permettrait une plus grande transparence et une répartition plus équitable du pouvoir en ce qui concerne la planification des élections », fait-il part.

Géraldine Hennequin, du parti politique Idéal Démocrate, se dit, pour sa part, attristée que le jugement du Privy Council n’aura aucune incidence sur la prochaine campagne électorale. « Qui croit le contraire est résolument naïf ! Je rappelle que le Privy Council n’a pas écrit une seule ligne qui pourrait donner à la Commission électorale, aux partis politiques et aux citoyens mauriciens une quelconque matière à réflexion pour changer les pratiques politiques honteuses qui sont devenues un folklore dans notre pays en temps de campagne électorale ». 

Selon elle, ce que cette affaire souligne pour les citoyens mauriciens se résume en quelques mots : « Le temps de la justice dans notre pays est intolérablement long. C’est juste indécent. Je rappelle qu’ailleurs, par exemple, en France, les réclamations électorales sont traitées en huit mois maximum par le Conseil constitutionnel. Il y a un devoir de respect des citoyens et de l’acte du vote. »

Elle affirme également que cette affaire montre à quel point c’est devenu ridicule d’avoir recours au Privy Council, qui est loin de comprendre les préoccupations des Mauriciens. « Le contexte dans lequel se déroulent sous nos tropiques les élections etc., n’est pas pris en considération. Oui, ils jugent en droit et rien d’autre. Leur jugement laconique devrait nous motiver encore plus pour amener des réformes électorales urgentes », martèle-t-elle. 

Ne voulant nullement imputer la faute aux Law Lords pour notre situation politique et électorale, elle déclare qu’il faut à tout prix avoir une rupture. « Vous croyez vraiment que ce sont les Laws Lords à Londres qui sont responsables de notre manque d’initiative pour légiférer en matière de financement des partis politiques ? S’il n’y a pas de rupture drastique, et j’utilise sciemment un pléonasme ici, nous continuerons donc à voir des valises d’argent se déverser pendant les campagnes électorales pour acheter les votes et les consciences. Le parti qui apportera ce changement effectif et sans équivoque, une fois qu’il est aux commandes du gouvernement, sera un parti auquel les Mauriciens pourront accorder leur confiance », déclare-t-elle.

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