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Financial Crimes Commission : la crainte de nouvelles crises institutionnelles plane

Pendant deux heures au Parlement mardi, le Premier ministre s’est évertué à démontrer que le DPP, poste occupé par Me Rashid Ahmine, n’est pas le seul investi du pouvoir de poursuite.

Les appréhensions concernant la Financial Crimes Commission sont toujours de mise. Plusieurs observateurs manifestent de l’inquiétude sur les difficultés légales qui pourraient se poser.
Adopté avec amendements, le texte de loi sur la Financial Crimes Commission (FCC) entrera en vigueur dans les prochains jours, visant à revitaliser la lutte contre la corruption et les délits financiers. Cependant, les propos du Premier ministre, lors de son discours mardi au Parlement, où il a présenté plusieurs arguments pour souligner que le pouvoir de poursuite n’est pas exclusivement détenu par le Directeur des poursuites publiques (DPP), suscitent des préoccupations dans les rangs des observateurs et autres experts juridiques. Selon eux, le fonctionnement du bureau du DPP et la lutte contre la corruption et les crimes financiers pourraient déboucher sur d’autres crises institutionnelles.

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Pendant plus de deux heures, Pravind Jugnauth a évoqué des jugements rendus par le Privy Council dans des pays du Commonwealth pour illustrer que la possibilité d’engager des poursuites ne dépend pas exclusivement de la prérogative du DPP. En se référant à des décisions de justice dans des pays comme les Seychelles et les îles Fidji, le Premier ministre a cherché à réfuter les critiques de l’opposition. Celle-ci, tout au long des débats sur le FCC Bill, avait soutenu que le pouvoir d’engager des poursuites devait être exclusivement réservé au DPP. 

Selon l’opposition, en attribuant le pouvoir de poursuites au directeur de la FCC et à son conseil d’administration, les compétences du DPP sont considérablement affaiblies. Pour l’ex-juge Vinod Boolell, lorsque le Premier ministre a évoqué le Food Act, l’Environment Protection Act ainsi que l’article 43 du Waste Management & Resource Recovery Act qui confèrent à des officiers régis par ces lois respectives d’initier des poursuites, il ne dit pas tout et fait une grosse omission en refusant de citer l’article 72(4) de la Constitution qui stipule que : « The powers of the Director of Public Prosecutions under subsection (3) may be exercised by him in person or through other persons acting in accordance with his general or specific instructions ». 

Devant les faits accomplis

En effet, Vinod Boolell met en lumière le fait que bien que des inspecteurs et autres autorités puissent initier des poursuites, cela doit se faire avec le consentement du DPP. Alors qu’avec la nouvelle loi qui s’apprête à entrer en vigueur, la FCC pourra initier des procès sans que le DPP en soit informé.

L’autre crainte manifestée par l’ex-juge réside dans le fait que le DPP ne sera nullement tenu au courant des enquêtes qui seront initiées par la FCC et qu’aucun dossier ne sera transmis au DPP. C’est uniquement en Cour que le DPP sera mis au courant de l’enquête initiée. « En d’autres mots, le DPP sera mis devant des faits accomplis lorsque l’affaire sera portée en Cour », fait-il part. 
L’ex-juge dit par ailleurs appréhender le fait que si le DPP se décidait à faire preuve de mauvaise foi, plusieurs affaires initiées par la FCC risquaient d’être sérieusement compromises. « Que va-t-il se passer si le DPP décidait d’arrêter toutes les affaires initiées par la Financial Crimes Commission ? Cela va, finalement, sérieusement compromettre la lutte contre la corruption et les crimes financiers. On risque de se retrouver dans de nouveaux bras de fer institutionnels. Nous avons récemment témoigné de crises institutionnelles entre le DPP et le commissaire de police. Nous allons donc devoir nous attendre à une nouvelle crise entre le DPP et cette toute nouvelle institution », appréhende-t-il. 

Me Richard Rault, qui a suivi de près l’intervention du Premier ministre au Parlement, où il a longuement recadré le rôle du DPP, souligne, pour sa part, que ce discours témoigne des intentions du Mouvement socialiste militant (MSM) à vouloir affaiblir le DPP. « Il ne faut pas oublier le projet de Private Prosecution qui avait pour but de miner l’autorité ainsi que l’indépendance du DPP. Ce projet a fort heureusement capoté lorsque le PMSD a décidé de mettre fin à la coalition avec le MSM et le ML », rappelle l’avocat. 

Les appréhensions de Ramgoolam 

Le leader du Parti travailliste (PTr), qui est contre la création de la FCC, a dans une déclaration à Radio Plus, affirmé que cette commission va aider à faire tomber plusieurs enquêtes initiées contre les membres du gouvernement. « Il y a plusieurs cas en attente. Il y a, par exemple, l’affaire Angus Road qui fait l’objet d’une enquête depuis 10 ans. Ce dossier n’a jamais été transmis au bureau du DPP. Maintenant avec la FCC, il n’y aura plus d’obligation de référer au DPP. Le directeur et les membres de la commission vont ‘file’ tous ces cas », a déclaré Navin Ramgoolam. 

Il n’a pas manqué de rappeler que l’ex-Attorney General Satish Faugoo avait, en 2014, formulé une requête de ‘mutual legal assistance’ auprès des Anglais. « Mais en 2015, lorsque le nouveau gouvernement est entré en poste, une requête a été transmise aux Anglais pour stopper cette requête », a-t-il dit. Le leader des Rouges s’est aussi une nouvelle fois interrogé sur le timing de la présentation de ce projet de loi au Parlement. « La préparation de cette loi a nécessité huit ans et ce n’est que maintenant, une semaine avant les fêtes de Noël, que cela a été présenté avec un certificat d’urgence », a ajouté Navin Ramgoolam.

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